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d’accord dans l’essentiel, pour guider un homme intelligent. Avec les desseins de Monconys & du P. Sicard, on pourroit faire bâtir aisément des fours dans le goût de ceux d’Egypte, & les employer au même usage. Il ne seroit pas non plus impossible d’avoir un de ces Berméens dont l’exercice de l’art de couver les œufs est la principale occupation. Thevenot nous apprend que le grand-duc pour satisfaire une curiosité louable qui a été l’apanage des Médicis, fit venir d’Egypte un de ces hommes habiles dans l’art de faire naître des poulets, & qu’il en fit éclorre à Florence aussi bien qu’ils éclosent en Egypte.

Le P. Sicard donne quatre à cinq chambres à chaque rang du rez-de-chaussée d’un mamal d’Egypte. M. Granger en met sept, Monconys dix ou douze, & Thévenot les borne à trois. Apparemment qu’il y a en Egypte des mamals de différentes grandeurs : aussi le P. Sicard dit qu’on fait couver dans ces fours quarante mille œufs à la fois, & Monconys dit quatre-vingt mille, différence qui est dans le même rapport que celle des capacités des mamals dont ils parlent.

Au rapport de M. Granger c’est sur des nattes que les œufs sont posés dans chaque chambre du rez de chaussée ; Thévenot les y fait placer sur un lit de bourre ou d’étoupe, ce qui est assez indifférent : c’est-là qu’ils doivent prendre une douce chaleur, dans laquelle ils demandent à être entretenus pendant un certain nombre de jours.

Les poulets n’éclosent des œufs couvés par des poules, que vers le vingt-unieme jour ; ils n’éclosent pas plutôt dans les fours d’Egypte : mais ce qu’on n’auroit pas imaginé, c’est que plusieurs jours avant celui où ils doivent naître, il seroit inutile & même dangereux d’allumer du feu dans le four. Après un certain nombre de jours toute sa masse a acquis un degré de chaleur qu’on y peut conserver pendant plusieurs autres jours au moyen de quelques légeres précautions, malgré les impressions de l’air extérieur, sans aucune diminution sensible, ou sans une diminution dont les poulets puissent souffrir.

Ce terme au bout duquel on cesse de faire du feu dans les fours, est encore un des articles sur lequel les voyageurs qui en ont parlé ne sont pas d’accord. Je ne sais si la différence de température d’air dans différens mois est suffisante pour les concilier ; ou si l’on ne doit pas croire plutôt que n’ayant pu suivre l’opération pendant toute sa durée, ils ont été obligés de s’en rapporter aux instructions qu’on leur a données, qui n’ont pas toujours été bien fideles. Le P. Sicard & M. Granger nous assurent que ce n’est que pendant les 8 premiers jours qu’on allume du feu dans le four ; Monconys veut qu’on y en fasse pendant 10 jours consécutifs : Thévenot dit aussi qu’on chauffe le four pendant 10 jours. Mais faute d’avoir été bien informé, ou pour avoir mal entendu ce qu’on lui a raconté de la maniere dont on conduit les fours ; il ajoute que ce n’est qu’après qu’ils ont été chauffés pendant ces 10 jours qu’on y met les œufs, & que les poulets en éclosent au bout de 12 jours. Cette derniere assertion apprend qu’il a confondu un déplacement d’une partie des œufs dont nous allons parler, avec leur premiere entrée dans le four.

Tous ces auteurs conviennent au moins que les œufs sont fort bien couvés pendant plusieurs jours dans le four, quoiqu’on n’y fasse plus de feu. Lorsque le jour où l’on cesse d’y en allumer est arrivé, on fait passer une partie des œufs de chaque chambre inférieure dans celle qui est au-dessus. Les œufs étoient trop entassés dans la premiere, on songe à les étaler davantage : c’est bien assez pour le poulet lorsqu’il est prêt à naître, d’avoir à briser sa coque & d’en sortir, sans le mettre dans la nécessité d’avoir à soulever le poids d’un grand nombre d’œufs ; il périroit après avoir fait des efforts inutiles pour y parvenir. Le ré-

cit de M. Granger differe encore de celui des autres

sur l’article du déplacement d’une partie des œufs, en ce qu’il ne fait transporter une partie de ceux de l’étage inférieur au supérieur, que 6 jours après que le feu a été totalement éteint, c’est-à-dire que le quatorzieme jour.

Lorsqu’une partie des œufs de chaque chambre inférieure a été portée dans la chambre supérieure, on bouche avec des tampons d’étoupes toutes les portes des chambres & celle de la galerie ; mais on ne bouche qu’à demi, au rapport du P. Sicard, les ouvertures des voûtes des chambres ; on y veut ménager une circulation d’air. Cette précaution suffit pour conserver au four pendant plusieurs jours, la chaleur qu’on lui a fait acquérir, il ne faut qu’ôter à son inférieur une trop libre communication avec l’air extérieur. En tout pays un four dont la masse seroit aussi considérable, & qui auroit été aussi bien clos, ne se refroidiroit que lentement ; mais le refroidissement doit être d’autant plus lent, que la température de l’air extérieur est moins différente de celle de l’air de l’intérieur du four ; & la différence entre la température de l’un & celle de l’autre, n’est pas grande en Egypte.

Enfin les difficultés qui consistent à bâtir des fours semblables à ceux d’Egypte, & d’en regler la chaleur, ne sont pas impossibles à vaincre. Mais la premiere dépense de la construction de tels fours, le manque d’hommes capables de les conduire, la peine qu’on auroit à en former qui le fussent, la difficulté de rassembler une suffisante quantité d’œufs qui ne fussent pas trop vieux, la difficulté encore plus grande d’élever dans nos pays tempérés tant de poulets nés dans un même jour, & qui ont besoin de meres pour les défendre contre la pluie, & sur tout contre le froid qui dans nos climats se fait sentir pendant les nuits, & même pendant les jours d’été, sont des obstacles invincibles, qui nous empêcheront toujours de prendre la méthode des fours d’Egypte pour y faire éclorre des poulets. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Poulet, Poule, Poularde, (Diet. & Mat. médic.) la vieille poule fournit un très-bon suc lorsqu’on la fait bouillir avec d’autres viandes pour en préparer des potages, & même lorsqu’elle est grasse, sa chair bouillie est assez agréable au goût, & fort salutaire ; elle convient sur-tout aux convalescens.

La jeune poule engraissée, ou la poularde, a les avantages & les inconvéniens des viandes très-délicates & grasses. Voyez Chapon & Graisse, Diete. Les estomacs délicats s’en accommodent très-bien ; elle fournit d’ailleurs un chyle salutaire. Une poularde très-grasse n’est pas un aliment propre à un estomac très-vigoureux.

Le poulet médiocrement gras, & qui ne devient jamais très-gras, fournit un aliment plus généralement sain que le précedent.

L’usage du poulet, à titre de médicament, ou du moins d’aliment médicamenteux, est aussi connu que son usage diétetique ; il entre très-ordinairement dans les bouillons rafraîchissans & adoucissans avec des herbes de vertu analogue, des semences farineuses, &c. C’est une erreur, & dans laquelle tombent même des médecins de réputation, que de farcir de semences froides, qui sont émulsives, les poulets destinés à cet usage ; car les semences émulsives ne donnent rien par la décoction. Voyez Semences émulsives.

L’eau de poulet qui est fort usitée dans les maladies inflammatoires, & dont ordinairement on n’évalue pas assez bien la qualité légerement alimenteuse, n’est autre chose qu’un bouillon étendu, aqueux, une espece de brouet qu’on employeroit plus utilement dans les cas où il est d’usage, pour tenir lieu de bouil-