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seille, qui ont été suspects de semi-pélagianisme. Voyez Semi-Pélagien.

Mais le cardinal Noris remarque 1°. qu’il est moralement impossible que Fauste en ait imposé à cet égard à Léonce son métropolitain, & aux évêques d’Autun, de Lyon & de Besançon, qui assisterent au concile d’Arles. 2°. Que Fauste ne manquoit pas d’ennemis qui lui eussent à coup sûr reproché cette fausseté, s’il l’eût commise. Que d’ailleurs tout semi-pélagien qu’on le suppose, il n’est pas moins croyable sur un fait, qu’Eusebe & Socrate qu’on cite tous les jours, quoique le premier ait été arien & le second novatien. 3°. Qu’il se peut bien que sous prétexte de réfuter l’hérésie des Prédestinatiens, Fauste ait attaqué la doctrine de saint Augustin : mais que cette hérésie n’en est pas moins réelle ni moins distinguée des sentimens de ce saint docteur ; & qu’après tout les peres du concile d’Arles, en approuvant le zele de Fauste contre les Prédestinatiens, n’ont point approuvé ses écrits postérieurs à ce concile & qui sentent le semi-pélagianisme. 4°. Que dans la lettre de Fauste à Lucide, & dans celle de celui-ci aux peres d’Arles, il n’y a rien que de très-catholique, comme l’ont prouvé Bellarmin, la Bigne, & le pere Deschamps. 5°. Enfin, que si le concile d’Orange, tenu en 529, semble douter qu’il y eût des Prédestinatiens, c’est que Lucide avoit abjuré ses erreurs dès l’an 475, & que cette secte, réprimée de bonne heure, étoit éteinte & comme ignorée même dès le siecle suivant.

PRÉDESTINATION, s. f. (Théolog.) de la préposition præ, devant, & du verbe destinare, destiner. Ce terme signifie à la lettre une destination antérieure.

Mais, dans le langage de l’Eglise & des Théologiens, la prédestination se prend pour le dessein que Dieu a formé de toute éternité de conduire par sa grace quelqu’un à la foi ou au salut éternel, pendant qu’il en laisse d’autres dans l’infidélité ou dans la masse de perdition.

Ceux qui sont ainsi laissés dans la masse de perdition sont les réprouvés, & les autres sont les prédestinés. Sur quoi il est bon de remarquer que les anciens ont quelquefois pris le terme de prédestination en général, tant pour la destination des élus à la grace & à la gloire, que pour celle des réprouvés au péché & à l’enfer. Saint Augustin, saint Prosper, saint Isidore l’emploient en ce sens en quelques occasions. Mais cette expression a paru trop dure, & le mot de prédestination ne se prend plus qu’en bonne part pour l’élection à la grace & à la gloire.

Saint Augustin, dans son livre du don de la persévérance, chap. xiv. définit la prédestination en ces termes : præscientia est præparatio beneficiorum Dei, quibus certissimè liberantur quicumque liberantur ; & saint Thomas en donne cette définition, ratio transmissionis creaturæ rationalis in finem vitæ æternæ ; I. part. quæst. xxiij. art. 1. définitions au-reste qui ne regardent que l’état de nature corrompue par le péché. Car on convient généralement que dans l’état de nature innocente, la prédestination des anges à la gloire supposoit la prévision de leurs mérites.

Le decret de la prédestination, considéré dans sa totalité, n’est autre chose qu’une volonté efficace & absolue de la part de Dieu, par laquelle il a arrêté de rendre éternellement heureuses quelques-unes de ses créatures, & de leur accorder dans le tems les graces qui font pratiquer le bien méritoire du ciel. Ce decret quoique simple en lui-même peut être envisagé sous deux faces différentes, ou par rapport à la gloire, ou par rapport à la grace. De-là les Théologiens distinguent deux sortes de prédestination ; l’une à la gloire, & l’autre à la grace.

La prédestination à la gloire est de la part de Dieu

une volonté absolue, en vertu de laquelle il fait choix de quelques unes de ses créatures pour régner éternellement avec lui dans le ciel, & il leur confere en conséquence les secours nécessaires pour arriver à cette fin.

La prédestination à la grace est de la part de Dieu une volonté absolue & efficace, en vertu de laquelle il a résolu d’accorder dans le tems à quelques-unes de ses créatures les graces qui font accomplir les préceptes de la loi, & persévérer jusqu’à la fin dans la pratique du bien.

Tous ceux qui sont prédestinés à la grace ne sont pas pour cela prédestinés à la gloire, parce que plusieurs de ceux-là perdent la grace & ne perséverent pas dans le bien. Au contraire ceux qui sont prédestinés à la gloire le sont aussi à la grace, Dieu leur accorde le don de la vocation à la foi, de la justification, & de la persévérance, comme l’explique saint Paul, Rom. viij. 30.

Il est important sur cette matiere de distinguer les vérités qui sont de foi d’avec les opinions d’école.

Les vérités catholiques sur la prédestination se réduisent à celles-ci : 1°. qu’il y a en Dieu un decret de prédestination, c’est-à-dire, une volonté absolue & efficace, par laquelle il arrête en lui-même de donner le royaume des cieux à quelques-unes de ses créatures. Epist. synodic. episcop. afric. cap. xiv.

2°. Que Dieu qui prédestine à l’immortalité glorieuse, prédestine aussi à la grace qui fait persevérer dans le bien. Fulgent. lib. III. de verit. prædest.

3°. Que le decret de la prédestination est en Dieu de toute éternité, qu’il l’a formé avant la création du monde, & qu’on ne peut pas dire qu’il y ait eu un tems où ce decret n’ait pas été en Dieu. Saint Paul, Eph. c. j. v. 3, 4, 5.

4°. Que c’est par un pur effet de sa volonté bienfaisante, que Dieu a prédestiné un certain nombre de ses créatures à la gloire, & par conséquent que ce decret est libre en Dieu & exempt de toute nécessité. Ibid. v. 6 & 11.

5°. Que le decret de la prédestination est certain & infaillible en lui-même, & qu’il aura certainement & infailliblement son exécution, ainsi que Jesus-Christ le déclare en saint Jean, c. x. v. 27, 28 & 29.

6°. Que personne ne peut être assuré sans une révélation expresse s’il est du nombre des élus, comme on le prouve par saint Paul, Philipp. xj. v. 12. I. Cor. iv. v. 4. & comme l’a défini le concile de Trente contre les Calvinistes, sess. VI. ch. ix. xij. & xvj. & can. xv.

7°. Que le nombre des prédestinés est fixe & immuable, qu’il ne peut être augmenté ni diminué, puisque Dieu lui-même l’a fixé de toute éternité. Saint Jean, c. x. v. 27. 28. saint Aug. lib. de corrept. & grat. c. xiij.

8°. Que le decret de la prédestination n’impose ni par lui-même, ni par les moyens dont Dieu se sert pour le conduire à son exécution, aucune nécessité aux élus de pratiquer le bien. Ils agissent toujours très librement, & conservent toujours dans le moment même qu’ils accomplissent la loi, le pouvoir de ne pas l’observer. Saint Prosper, resp. ad sextam object. Gallor.

9°. Que la prédestination à la grace est absolument gratuite, qu’elle ne prend sa source que dans la miséricorde de Dieu, & qu’elle est antérieure à la prévision de tout mérite naturel. Saint Paul, Rom. c. xj. v. 6.

10°. Que la prédestination à la gloire n’est pas fondée sur la prévision des mérites humains, formés par les seules forces du libre arbitre, parce que si Dieu trouvoit le motif de notre élection à la vie éternelle dans le mérite de nos propres œuvres, il ne seroit