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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/301

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Il y en avoit huit, presque tous en Asie & en Afrique. Præpositus mensæ, le maître d’hôtel. Præpositus palatii, ou sacri palatii, le majordome. Præpositus provinciarum, étoit l’inspecteur des frontieres d’une province, & chaque province avoit le sien. Præpositus thesaurorum, étoit chez les Romains un magistrat dans les provinces qui recevoit les impôts & les péages. Præpositus tyrii textrini, étoit l’inspecteur de la fabrique de pourpre ou d’écarlate ; le mot de præpositus dans la discipline ecclésiastique signifie une dignité, celle de prevôt des églises cathédrales, il y en a même dans quelques églises collégiales.

PRÉPOSITION, s. f. (Gram.) les prépositions sont des mots qui désignent des rapports généraux, avec abstraction de tout terme antécédent & conséquent. Voyez Mot, article 2.

Cette abstraction de tout terme ne suppose point que cette espece de mot doive conserver dans le discours l’indétermination qui en fait le caractere ; ce n’est qu’un moyen d’en rendre l’usage plus général, par la liberté d’appliquer l’idée de chaque rapport à tel terme, soit antécédent, soit conséquent, qui peut convenir aux différentes vûes de l’énonciation : du-reste, nulle préposition ne peut entrer dans la structure d’une phrase, sans être appliquée actuellement à un terme antécédent, dont elle restraint le sens général par l’idée nécessaire du rapport dont elle est le signe, & sans être suivie d’un terme conséquent qui acheve d’individualiser le rapport indiqué d’une maniere vague & indéfinie dans la préposition.

Le terme antécédent est donc nécessairement un mot dont le sens, général par lui-même, est susceptible de différens degrés de détermination & de restriction ; & tels sont les noms appellatifs, les adjectifs, les verbes & les adverbes.

Le terme conséquent devant énoncer le terme du rapport dont la préposition est le signe, ne peut être qu’un mot qui présente à l’esprit l’idée d’un être déterminé ; & tels sont les noms, les pronoms, & les infinitifs qui sont une espece de nom.

Le terme conséquent servant à completter l’idée totale du rapport individuel que l’on se propose d’énoncer, est appellé dans le langage grammatical le complément de la préposition.

Il suit donc de tout ce que l’on vient de dire, 1°. que toute préposition a nécessairement pour complément un nom, un prénom, & un infinitif ; 2°. que la préposition avec son complément forme un complément total déterminatif, d’un nom appellatif, d’un adjectif, d’un verbe, ou d’un adverbe, qui est le terme antécédent du rapport. Je travaille pour vous ; le pronom vous est complément de la préposition pour, & pour vous est le complément déterminatif du verbe travaille. La nécessité de mourir ; l’infinitif mourir est le complément de la préposition de, & de mourir est le complément déterminatif du nom appellatif nécessité. Utile a la santé ; le nom appellatif la santé est le complément de la préposition a, & a la santé est le complément déterminatif de l’adjectif utile. Prudemment sans anxiété, courageusement sans témérité, noblement sans hauteur, &c. les noms appellatifs anxiété, témérité, hauteur, sont les complémens des trois prépositions sans, & sans anxiété, sans témérité, sans hauteur, sont les complémens déterminatifs des adverbes prudemment, courageusement, noblement.

Il y a des langues, comme le grec, le latin, l’allemand, l’arménien, &c. dont les noms & les autres especes de mots analogues ont reçu des cas, c’est-à-dire des terminaisons différentes qui servent à présenter les mots comme termes de certains rapports : en latin, par exemple, le cas nommé génitif présente le nom qui en est revêtu comme terme conséquent d’un rapport quelconque, dont le terme antécédent

est un nom appellatif ; fortitudo regis, rapport d’une qualité au sujet qui en est revêtu ; puer egregiæ indolis, rapport du sujet à sa qualité ; creator, rapport de la cause à l’effet ; Ciceronis opera, rapport de l’effet à la cause, &c. V. Génitif, Cas, & chacun des cas en particulier. Il y a d’autres langues, comme l’hébreu, le françois, l’italien, l’espagnol, &c. qui n’ont point admis cette variété de terminaisons, & qui ne peuvent exprimer les différens rapports des êtres, des idées, & des mots, que par la place qu’ils occupent dans la construction usuelle, ou par des prépositions. Mais dans les langues mêmes qui ont admis des cas, on est forcé de recourir aux prépositions pour exprimer quantité de rapports dont l’expression n’a point été comprise dans le système des cas ; cependant comme nous venons à bout par les prépositions ou par la construction de rendre avec fidélité tous les rapports désignés par des cas dans les autres langues ; d’autres idiomes auroient pu adopter quelque système, au moyen duquel ils auroient exprimé par des cas les rapports que nous exprimons par la construction ou par des prépositions : de maniere que comme nos langues modernes de l’Europe sont sans cas, celles-là auroient été sans prépositions. Il n’auroit fallu pour cela, que donner aux mots déclinables un plus grand nombre de cas ; ce qui étoit possible, nonobstant l’avis de Sanctius, qui prétend que la division des cas latins en six est naturelle & doit être la même dans toutes les langues : quoniam hæc casuum partitio naturalis est, in omni item idiomate tot casus reperiri suit necesse. Minerv. j. 6. Sans rien repeter ici des excellentes preuves du contraire, déduites par Perizonius dans sa note sur ce texte, qu’il appelle falsa & inanis disputatio, il suffit d’observer que la dialectique de Sanctius est démentie par l’usage des Arméniens qui ont dix cas ; comme nous le certifie le pere Galenus, théatin ; & parmi les grammairiens qui ont écrit de la langue lappone, il y en a qui y comptent jusqu’à quatorze cas, comme on peut le voir au ch. iij. d’une description historique de la Lapponie suedoise, traduite par M. de Kéralio de Gourlay ; l’original est intitulé en allemand : M. Peterhœgstrœms, Beschreibung des Lapplandes. Léipsik. 1748, in-12.

Il n’est pas question, sur une hypothèse sans réalité, de discuter ici les avantages respectifs des langues, selon qu’elles seroient ou sans cas ou sans prépositions, ou qu’elles participeroient plus ou moins aux deux systèmes. Mais j’ai dû remarquer la possibilité d’une langue sans prépositions, afin de faire connoître jusqu’à quel point cette classe de mots est nécessaire dans le système de la parole. On le sentira mieux encore, si l’on fait une réflexion que j’aurois peut-être dû rappeller plutôt : c’est que la plûpart de nos expressions composées d’une préposition avec son complément, peuvent être remplacées par des adverbes qui en seroient les équivalens. Selon M. Batteux (cours de Belles-Lettres, part. III. sect. iv. §. 2.), « on peut regarder les prépositions comme des caracteres séparés, pour ajouter aux substantifs la maniere de signifier qui convient à l’adverbe… Vous dites justement ; c’est la derniere syllabe qui est le caractere adverbial : placez la préposition avant le nom justice, elle donnera la même maniere de signifier au nom substantif justice, que la syllabe ment a donnée au nom adjectif juste. Ainsi les prépositions rentrent dans l’adverbe : on les a inventées pour en tenir lieu, pour en exercer la fonction avec le secours du substantif ; parce qu’on y a trouvé l’avantage de la variété ».

Cette observation est vraie jusqu’à un certain point, & elle a pour fondement l’analogie réelle qu’il y a entre la nature de la préposition & celle de l’adverbe. L’une désigne, comme je l’ai dit dès le