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pourquoi les Romains mettoient sa statue non-seulement dans leurs jardins potagers, mais aussi dans ceux qui n’étoient que pour l’agrément, & qui ne portoient aucun fruit, comme il est aisé de le voir dans une épigramme de Martial (l. III. p. 58.), où se moquant de ceux qui avoient des maisons de campagne sans potagers, ni vergers, ni pâturages, il dit qu’à la vérité, ni eux, ni le Priape de leurs campagnes, n’avoient rien dans leurs jardins qui pût faire craindre les voleurs ; mais il demande si on doit appeller maison de campagne, celle où il faut apporter de la ville des herbes potageres, des fruits, du fromage & du vin.

Priape étoit représenté le plus souvent en forme d’Herme ou de Terme, avec des cornes de bouc, des oreilles de chevre, & une couronne de feuilles de vigne ou de laurier. Ses statues sont quelquefois accompagnées des instrumens du jardinage, de paniers pour contenir toutes sortes de fruits, d’une faucille pour moissonner, d’une massue pour écarter les voleurs, ou d’une verge pour faire peur aux oiseaux. C’est pourquoi Virgile appelle Priape, custos furum & avium, le gardien des jardins contre les voleurs & les oiseaux. On voit aussi sur des monumens de Priape, des têtes d’âne, pour marquer l’utilité qu’on tire de cet animal pour le jardinage & la culture des terres ; ou peut-être parce que les habitans de Lampsaque offroient des ânes en sacrifice à leur dieu. Priape étoit particulierement honoré de ceux qui nourrissoient des troupeaux de chevres & de brebis, ou des mouches à miel.

Il est parlé de Priape en quelques endroits de l’Ecriture, où il est dit que les dames de Jérusalem lui offroient des sacrifices ; & que Maacha, mere d’Asa, roi de Juda, étoit sa principale prêtresse ; mais le prince ayant brûlé la statue de cette infâme divinité, & démoli son temple, obligea la reine Maacha sa mere, à renoncer à ce culte idolâtre, III. Rois, xv. 13. L’hébreu porte miphileseth, que quelques-uns traduisent par épouventail ; ce qui revient néanmoins à une des fonctions de Priape, celle de servir d’épouventail dans les jardins. (D. J.)

PRIAPÉE, s. f. (Belles Lettr.) terme de Poésie ; est un nom qu’on a donné aux épigrammes & aux pieces obscenes & trop libres, & qui ont été composées sur Priape, dont il y a plusieurs exemples dans les catalectes des anciens. Voyez Priape.

PRIAPISME, s. m. (Med. prat.) priapismus, πριαπισμὸς ; maladie dont le nom indique d’avance le siege & le caractere. Il est dérivé de Priape, ce vil tronc de figuier que quelques poëtes lascifs avoient divinisé, & qu’ils représentoient sous la figure d’un homme avec une verge d’une grosseur demesurée pour symbole de son empire ; c’est la partie de l’homme qui est soumise à la domination de cet infâme dieu, qui est attaquée dans le priapisme ; elle est aussi presque toujours alongée & grossie, en un mot dans une violente érection ; mais cette érection est convulsive, accompagnée quelquefois d’une douleur vive rapportée près du pubis, vers l’origine des corps caverneux ; elle n’est point excitée par des desirs voluptueux, & n’en excite point ; le malade dans cette situation n’est point porté à l’acte vénérien, cet appétit est éteint chez lui ; quoique les parties soient très-disposées à le satisfaire. C’est manifestement un état contre nature, qui est bien distingué par-là du satyriasis ou salacité immodérée, qui consiste dans une espece de fureur vénérienne insatiable, avec érection constante & démangeaison agréable, qui se soutiennent long-tems quoiqu’on assouvisse cette ardente passion, & qui exigent même qu’on réitere souvent les sacrifices. Voyez Satyriasis.

Il paroit par-là que le priapisme est produit par la convulsion des muscles érecteurs de la verge, la mê-

me cause qui augmente & soutient l’action de ces muscles

pousse & retient le sang abondamment dans les cellules des corps caverneux : on pourroit y ajouter la difficulté qu’a le sang de sortir & de retourner par la veine qui rampe sur le dos de la verge, parce qu’alors elle est comprimée par les muscles érecteurs contractés. Il ne faut cependant pas croire que cette pression aille au point d’intercepter tout-à-fait la circulation, comme quelques auteurs l’ont pensé ; la gangrene ne tarderoit pas à survenir à des érections un peu longues & considérables ; il n’y auroit alors point de moyen qui ne pût ou ne dût être employé pour la faire cesser bientôt. Voyez Erection.

Il ne faut pas chercher les causes éloignées du priapisme dans quelque vice de la semence ; cette humeur trop abondante ou trop active, donne lieu à des érections fréquentes, presque continuelles ; mais elle fait naître en même tems un appétit violent pour le plaisir d’autant plus naturel, qu’il est fondé sur le besoin ; le malade attaqué du priapisme n’a comme nous l’avons déja observé, aucun desir ; il n’éprouve que de la douleur & de l’incommodité d’un état qui chez les autres, est la source, le principe & l’avant-coureur du plaisir. Les causes de cette maladie ne sont pas aussi momentanées ; elles agissent longtems & insensiblement avant de produire cet effet, qui en est par-là même plus solidement établi. Les personnes qu’une aveugle passion a entrainées dans d’infâmes pratiques que la pudeur défend presque de nommer, & qu’elle devroit sur-tout faire abolir, voyez Manustupration ; ces personnes, dis-je, sont très-sujettes au priapisme ; c’est une des punitions ordinaires de leurs crimes, & ce n’est ni la seule ni la plus cruelle ; cette maladie peut aussi être le fruit des lectures lascives continuées pendant long-tems, des méditations, des conversations de même espece, des compagnies libertines, &c. dans tous ces cas l’érection si souvent provoquée devient ensuite habituelle & enfin convulsive. L’usage des remedes aphrodisiaques, appellés par euphémisme, ad magnanimitatem, & surtout des cantharides, est une des causes les plus ordinaires du priapisme ; cette cause a souvent lieu chez les vieux libertins, dont l’âge a éteint le feu sans éteindre les desirs ; ils veulent forcer la nature ; les aiguillons naturels ne suffisent pas, ils empruntent ceux de l’art : malheureux de ne pouvoir être enflammés par la beauté & les caresses d’une femme, ils ne reçoivent d’ailleurs qu’un feu momentané, & qui se dissipe en fumée ; & souvent ces remedes leur laissent de fâcheuses impressions ; ils en éprouvent un effet plus grand qu’ils n’en espéroient, & sont cependant par la bisarrerie de leur situation, bien loin d’être satisfaits ; tel fut entr’autres, ce vieillard dont Salmuth fait l’histoire, qui prit des aphrodisiaques pour se rendre plus agréable à une jeune femme qu’il venoit d’épouser ; ses desseins furent mal remplis, il fut attaqué d’un priapisme si violent, qu’il subsista même quelque tems après sa mort qu’il accéléra par ses sotises. On peut ajouter à ces causes toutes celles qui peuvent produire en général les convulsions. Voyez ce mot. Agissant de concert avec une disposition particuliere, une foiblesse naturelle ou acquise de la verge, le priapisme est très-ordinaire aux épileptiques ; les convulsions roidissent quelquefois très-violemment la verge : les pendus éprouvent aussi des atteintes peu durables de priapisme ; Schenkius & Salmuth en rapportent des observations ; la convulsion de la verge n’est pas plus extraordinaire que celle des autres parties, qui survient pendant la strangulation, tems auquel toute la machine souffre, & tâche d’éluder par des efforts inutiles la prochaine destruction.

Le priapisme passe pour être une maladie très-grave & très-dangereuse, qui dépeche bientôt le malade & qui se guérit difficilement ; Ætius assure que les ma-