Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

10. Si on place deux prismes de telle sorte que le rouge de l’un & le violet de l’autre se rencontrent sur un papier placé dans un endroit obscur, l’image sera pâle ; mais si ces rayons sont reçus sur un troisieme prisme, placé proche de l’œil à une distance convenable, on verra deux images, l’une rouge, l’autre violette. Si on mêloit ensemble deux sortes de poudres, l’une rouge, l’autre bleue, & qu’on couvrît un petit corps d’une grande quantité de ce mélange, ce corps vu à-travers un prisme, paroîtra sous une double image, l’une rouge, l’autre bleue.

11. Si les rayons transmis par une lentille, sont reçus sur un papier avant qu’ils se réunissent au foyer, les confins de la lumiere & de l’ombre paroîtront teints d’une couleur rouge : si le papier est au-delà du foyer, les confins de la lumiere & de l’ombre seront bleus.

12. Si les rayons prêts à entrer dans l’œil, sont interceptés en partie par l’interposition de quelque corps opaque placé proche de l’œil, les bords de ce corps paroîtront teints de différentes couleurs, comme si on le voyoit à-travers un prisme, excepté que ces couleurs seront moins vives. Cela vient de ce que les rayons qui passent par la partie de la prunelle qui peut les recevoir, sont séparés par la réfraction en diverses couleurs, & de ce que les rayons interceptés qui devroient tomber sur le reste de la prunelle, & qui ont une réfrangibilité différente, ne peuvent plus se mêler avec les autres rayons & les effacer pour ainsi dire. C’est pour cela aussi qu’un corps vu avec les deux yeux, à-travers deux petits trous faits dans un papier, paroît non seulement double, mais aussi teint de différentes couleurs. Chambers. (O)

PRISMOIDE, s. m. terme de Géométrie, qui signifie un solide terminé par différens plans, & dont les bases sont des parallélogrammes rectangles, paralleles & semblablement situés. Voyez Prisme. (E)

PRISON, (Hist. mod.) on appelle ainsi le lieu destiné à enfermer les coupables, ou prévenus de quelque crime.

Ces lieux ont probablement toujours été en usage depuis l’origine des villes, pour maintenir le ben ordre, & renfermer ceux qui l’avoient troublé. On n’en trouve point de traces dans l’Ecriture avant l’endroit de la Genèse où il est dit que Joseph fut mis en prison, quoiqu’innocent du crime dont l’avoit accusé la femme de Putiphar. Mais il en est fréquemment parlé dans les autres livres de la Bible, & dans, les écrits des Grecs & des Romains. Il paroît par les uns & les autres que les prisons étoient composées de pieces ou d’appartemens plus ou moins affreux, les prisonniers n’étant quelquefois gardés que dans un simple vestibule, où ils avoient la liberté de voir leurs parens, leurs amis, comme il paroît par l’histoire de Socrate. Quelquefois, & selon la qualité des crimes, ils étoient renfermés dans des souterrains obscurs, & dans des basses fosses, humides & infectes, témoin celle où l’on fit descendre Jugurtha, au rapport de Sallaste. La plupart des exécutions se faisoient dans la prison, sur-tout pour ceux qui étoient condamnés à être étranglés, ou à boire la ciguë.

Eutrope attribue l’établissement des prisons à Rome, à Tarquin le superbe ; tous les auteurs le rapportent à Ancus Martius, & disent que Tullus y ajouta un cachot qu’on appella long-tems Tullianum. Au reste Juvenal témoigne qu’il n’y eut sous les rois & les tribuns, qu’une prison à Rome. Sous Tibere on en construisit une nouvelle, qu’on nomma la prison de Mamertin. Les Actes des apôtres, ceux des martyrs, & toute l’histoire ecclésiastique des premiers siecles, font foi qu’il n’y avoit presque point de ville dans l’Empire qui n’eût dans son enceinte une prison ; & les Jurisconsultes en parlent souvent dans leurs interprétations des lois. On croit

pourtant que par mala mansio, qui se trouve dans Ulpien, on ne doit pas entendre la prison, mais la préparation à la question, ou quelqu’autre supplice de ce genre, usité pour tirer des accusés l’aveu de leur crime, ou de leurs complices.

Les lieux connus sous le nom de lautumiæ, & de lapidicinæ, que quelques-uns ont pris pour les mines auxquelles on condamnoit certains criminels, n’étoient rien moins que des mines, mais de véritables prisons, ou souterrains creusés dans le roc, ou de vastes carrieres dont on bouchoit exactement toutes les issues. On met pourtant cette différence entre ces deux especes de prisons, que ceux qui étoient renfermés dans les premieres n’étoient point attachés, & pouvoient y aller & venir ; au lieu que dans les autres on étoit enchaîné & chargé de fers.

On trouve dans les lois romaines différens officiers commis soit à la garde, soit à l’inspection des prisons & des prisonniers. Ceux qu’on appelloit commentarii avoient soin de tenir registre des dépenses faites pour la prison dont on leur commettoit le soin ; de l’âge, du nombre de leurs prisonniers, de la qualité du crime dont ils étoient accusés, du rang qu’ils tenoient dans la prison. Il y avoit des prisons qu’on appelloit libres, parce que les prisonniers n’étoient point enfermés, mais seulement commis à la garde d’un magistrat, d’un sénateur, &c. ou arrêtés dans une maison particuliere, ou laissés à leur propre garde dans leur maison, avec défense d’en sortir. Quoique par les lois de Trajan & des Antonins les prisons domestiques, ou ce que nous appellons chartres privées, fussent défendues, il étoit cependant permis en certains cas, à un pere de tenir en prison chez lui un fils incorrigible, à un mari d’infliger la même peine à sa femme, à plus forte raison un maître avoit-il ce droit sur ses esclaves : le lieu où l’on mettoit ceux-ci s’appelloit ergastulum.

L’usage d’emprisonner les ecclésiastiques coupables, est beaucoup plus récent que tout ce qu’on vient de dire ; & quand on a commencé à exercer contre eux cette sevérité, ç’a moins été pour les punir, que pour leur donner des moyens de faire pénitence. On appelloit les lieux où on les renfermoit à cette intention, decanica, qu’on a mal-à-propos confondu avec diaconum. Voyez Diaconie. Ils sont aussi de beaucoup antérieurs au tems du pape Eugene II. auquel le jurisconsulte Duaren en attribue l’invention. Long-tems avant ce pontife on usoit de rigueur contre ceux du clergé qui avoient violé les canons dans des points essentiels ; mais après tout, cette rigueur étoit tempérée de charité ; ce n’étoit ni la mort, ni le sang du coupable qu’on exigeoit, mais sa conversion & son retour à la vertu.

C’est ce qui fait que dans l’antiquité on a blâmé les prisons des monasteres, parce qu’il arrivoit qu’on y portoit souvent les châtimens au-delà des justes bornes d’une sévérité prudente. La regle de S. Benoit ne parle point de prison ; elle excommunie seulement les religieux incorrigibles ou scandaleux, c’est-à-dire qu’elle veut qu’ils demeurent séparés du reste de la communauté ; mais non pas si absolument privés de tout commerce, que les plus anciens & les plus sages ne doivent les visiter pour les exhorter à rentrer dans leur devoir, & enfin que s’il n’y a point d’espérance d’amendement, on les chasse hors du monastere. Mais on ne garda pas par-tout cette modération ; des abbés non contens de renfermer leurs religieux dans d’affreuses prisons, les faisoient mutiler, ou leur faisoient crever les yeux. Charlemagne par ses capitulaires, & le concile de Francfort en 785, condamnerent ces excès par rapport à l’abbave de Fuldes. C’est ce qui fit qu’en 817, tous les abbés de l’ordre, assemblés à Aix-la-Chapelle, statuerent que dorenavant dans chaque monastere, il y auroit un