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y pourrissent. Il faut les cueillir d’abord que les feuilles de leurs plantes tombent, & avant que les racines poussent de nouveau ; car c’est alors qu’elles ont plus de vertu, & qu’on peut les employer utilement. Mais tantôt le médecin fait une ordonnance de racines qui n’existent pas encore, & tantôt de celles qui sont vieilles, pourries & sans vertu. Telle est la honte de l’art ; ce que je dis des racines, on doit l’appliquer également aux feuilles, aux fleurs & aux graines des plantes ; cependant le vieux médecin clinique meurt dans sa routine & dans son ignorance, incapable de se corriger à un certain âge, & même trop occupé pour s’en donner la peine. (D. J.)

Racine de S. Charles, (Botan.) cette racine se trouve dans des climats tempérés, & spécialement dans Méchoacan, province de l’Amérique. Son écorce est d’une odeur aromatique, d’un goût amer, & tant-soit-peu âcre. La racine même est composée de fibrilles menues, qui se séparent aisément les unes des autres. L’écorce passe pour sudorifique, & fortifie l’estomac & les gencives. Les Espagnols lui attribuent de grandes vertus.

Racine de Ste Helene, (Bot.) Hernand la nomme cyperus americanus. Cette racine est longuette, pleine de nœuds, noire en-dehors, blanche en dedans, & d’un goût aromatique, à-peu-près semblable à celui de Calanga. On nous l’apporte du port de Ste Helene dans la Floride, province d’Amérique, où elle croît. Cette racine est extrèmement apéritive. On la recommande dans la colique néphrétique. Quelques-uns l’appliquent écrasée sur des parties foibles, pour les fortifier. (D. J.)

Racine de Rhodes, (Botan.) nom vulgaire de l’espece d’orpin nommé par Tournefort anacampseros radice rosam spirante ; cette plante pousse ses tiges à la hauteur d’environ un pié, revêtues de beaucoup de feuilles oblongues, pointues, dentellées en leur bord : ses sommités sont chargées d’ombelles ou bouquets qui soutiennent de petites fleurs à plusieurs pétales disposés en rose, de couleur jaune pâle ou rougeâtre, tirant sur le purpurin. Quand ces fleurs sont passées, il leur succede des fruits composés de gaînes rougeâtres, ramassées en maniere de tête, & remplies de semences oblongues & menues : sa racine est grosse, tabéreuse, blanche en-dedans, charnue, succulente, ayant le goût & l’odeur de la rose quand on l’a écrasée. Cette plante croît sur les Alpes. On nous envoie sa racine seche parce qu’elle est de quelque usage dans la Médecine. (D. J.)

Racine salivaire, (Botaniq.) voyez Pyrethre.

Racine, s. f. (terme de Grammaire.) on donne en général le nom de racine à tout mot dont un autre est formé, soit par dérivation ou par composition, soit dans la même langue ou dans une autre : avec cette différence néanmoins qu’on peut appeller racines génératrices les mots primitifs à l’égard de ceux qui en sont divisés ; & racines élémentaires, les mots simples à l’égard de ceux qui en sont composés. Voyez Formation.

L’étude d’une langue étrangere se réduit à deux objets principaux, qui sont le vocabulaire & la syntaxe ; c’est-à-dire, qu’il faut apprendre tous les mots autorisés par le bon usage de cette langue & le véritable sens qui y est attaché, & approfondir aussi la maniere usitée de combiner les mots pour former des phrases conformes au génie de la langue. Ce n’est pas de ce second objet qu’il est ici question ; c’est du premier.

L’étude des mots reçus dans une langue est d’une étendue prodigieuse ; & si on ne prétend retenir les mots que comme mots, c’est un travail infini, & peut-être inutile : les premiers appris seroient oubliés avant que l’on eût atteint le milieu de la carriere ;

qu’en resteroit-il quand on seroit à la fin, si on y arrivoit ? L’abbé Danet, dans la preface de son Dictionnaire françois & latin, jugeant de cette tâche par son étendue physique, dit qu’elle ne paroît pas infinie, puisqu’on enferme tous les mots d’une langue dans un dictionnaire qui ne fait qu’un médiocre volume. « Et c’est en effet en cette maniere, selon lui, que Joseph Scaliger, Casaubon & autres savans hommes les apprenoient. Ils en lisoient les divers dictionnaires, ils les augmentoient même de divers mots qu’ils trouvoient dans le cours de leurs études, ils ne croyoient point les savoir qu’ils ne fussent arrivés à ce degré ». Il n’est pas croyable, & je ne croirai jamais que la lecture d’un dictionnaire, quelque répétée qu’elle puisse être, soit un moyen propre pour apprendre avec succès les mots d’une langue, si ce n’est peut-être qu’il ne s’agisse d’un esprit stupide à qui il ne reste que la mémoire organique, & qui l’a d’autant meilleure que toute la constitution méchanique est tournée à son profit.

« Les langues, dit l’auteur des racines greques, préface, ne s’apprennent que par l’usage ; & l’usage n’est autre chose qu’une répétition continuelle des mêmes mots appliqués en cent façons & en cent rencontres différentes. Il est à notre égard comme un sage maître, qui sait prudemment faire choix de ce qui nous est utile, & qui peut adroitement faire passer une infinité de fois devant nos yeux les mots les plus nécessaires, sans nous importuner beaucoup des plus rares, lesquels il nous apprend néanmoins peu à-peu, & sans peine, ou par le sens des choses, ou par la liaison qu’ils ont avec ceux dont nous avons déja la connoissance. Mais cet usage, pour les langues mortes, ne se peut trouver que dans les anciens auteurs. Et c’est ce qui nous montre clairement que ce qu’on peut appeller l’entrée des langues, allusion au Janua linguarum de Coménius, ne doit être qu’une méthode courte & facile, qui nous conduise au plutôt à la lecture des livres les mieux écrits ».

On a vu, article Méthode, qu’il faut commencer par de bons élemens, & passer tout d’abord à l’analyse de la phrase propre à la langue qu’on étudie. Mais comme cet exercice ne met pas dans la tête un fort grand nombre de mots, on a pensé à imaginer quelques moyens efficaces pour y suppléer. La connoissance des racines est pour cela d’une utilité dont tout le monde demeure d’accord ; & de très-habiles gens ont songé à préparer de leur mieux cette connoissance aux jeunes gens. Dom Lancelot est, à mon gré, celui qui a imaginé la meilleure forme dans son Jardin des racines greques mises en vers françois. M. Etienne Fourmont, cet homme né avec une mémoire prodigieuse & des dispositions extraordinaires pour étudier les langues, a fait pour le latin ce que dom Lancelot avoit fait pour le grec : les racines de la langue latine mises en vers françois, parurent en 1706, livre devenu rare, trop peu connu, & qui mériteroit d’être tiré de l’oubli où il semble enseveli. Un habile disciple de Masclef a donné depuis au public, sous la même forme, les Racines hébraïques sans points-voyelles.

Ces vers sont aisés à retenir, parce que l’ordre alphabétique qui y est suivi, la mesure & les rimes régulierement disposées, conspirent à les imprimer aisément & solidement dans la mémoire.

Or il est certain que quand on sait les racines primitives, & que l’on s’est mis un peu au fait des particules propres à une langue, on n’est plus guere arrêté par les mots dérivés & composés, qui font en effet la majeure partie du vocabulaire.

Racine d’une Equation, en Algebre, signifie la valeur de la quantité inconnue de l’équation. Voy. Equation.