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celui d’affinité (Galli affinitatem loqui amant), leur fait un reproche peu philosophique. (b)

Rapport, (Hist. rom.) on nommoit ainsi toute proposition qu’on faisoit au sénat, pour qu’il en délibérât ; mais on observoit beaucoup d’ordre & de regle au sujet des rapports qu’on avoit à faire dans cette auguste assemblée.

Le magistrat devoit faire son rapport au sénat, premierement, sur les choses qui concernoient la religion, ensuite sur les autres affaires. Ce n’étoit pas seulement le magistrat qui avoit assemblé le sénat qui pouvoit y faire son rapport, tous ceux qui avoient droit de le convoquer jouissoient du même privilege. Aussi lisons-nous que divers magistrats ont, dans le même tems, proposé au sénat des choses différentes, mais le consul pouvoit défendre de rien proposer au sénat sans son agrément ; ce qui ne doit pas néanmoins s’entendre des tribuns du peuple ; car non seulement ils pouvoient proposer malgré lui, mais encore changer & ajouter ce qu’ils vouloient aux propositions du consul : ils pouvoient même faire leur rapport, si le consul ne vouloit pas s’en charger, ou prétendoit s’y opposer. Ce droit étoit commun à tous ceux qui avoient une charge égale ou supérieure à celle du magistrat proposant ; cependant, lorsque le consul voyoit que les esprits panchoient d’un côté, il pouvoit, avant que chacun eût dit son sentiment, faire un discours à l’assemblée. Nous en avons un exemple dans la quatrieme catilinaire, que Cicéron prononça avant que Caton eût dit son avis.

Après que la république eut perdu sa liberté, l’empereur, sans être consul, pouvoit proposer une, deux & trois choses au sénat, & c’est ce qu’on appelloit le droit de premier, de second & de troisieme rapport. Si quelqu’un en opinant, embrassoit plusieurs objets, tout sénateur pouvoit lui dire de partager les matieres, afin de les discuter séparément dans des rapports différens. L’art de celui qui proposoit étoit de lier tellement deux affaires, qu’elles ne pussent se diviser.

Chacun des sénateurs avoit aussi le droit, lorsque les consuls avoient proposé quelque chose, & que leur rang étoit venu pour opiner, de proposer tout ce qui leur paroissoit avantageux à la république, & de demander que les consuls en fissent leur rapport à la compagnie, & ils le faisoient souvent, afin d’être assemblés tout le jour ; car après la dixieme heure, on ne pouvoit faire aucun nouveau rapport dans le sénat, ni aucun sénatus-consulte après le coucher du soleil. On disoit son avis de bout ; si quelqu’un s’opposoit, le decret n’étoit point appellé sénatus-consulte, mais délibération du sénat, senatus auctoritas ; on en usoit de même, lorsque le sénat n’étoit pas assemblé dans le lieu & dans le tems convenable, ou lorsque ni la convocation n’étoit legitime, ni le nombre compétent. En ce cas, on faisoit le rapport au peuple. Au reste, le consul pouvoit proposer ce qu’il jugeoit à-propos, afin de le mettre en délibération dans l’assemblée ; c’étoit en quoi consistoit sa principale autorité dans le sénat : & il se servoit de cette formule, que ceux qui sont de cet avis passent de ce côté-là, & ceux qui sont d’un avis différent de ce côté-ci. Celui qui avoit fait le rapport passoit le premier.

Lorsque le sénatus-consulte étoit formé, ceux qui avoient proposé ce qui en étoit l’objet, & qui en étoient en quelque sorte les auteurs, mettoient leur nom au bas, & l’acte étoit déposé dans les archives, où l’on conservoit le registre des lois, & tous les actes concernant les affaires de la république. Anciennement le dépôt public étoit dans le temple de Cérès, & les édiles en avoient la garde. C’étoit celui qui avoit convoqué le sénat qui faisoit finir la séance, & il usoit de cette formule : peres conscrits, nous ne vous retenons pas davantage.

Les affaires dont on faisoit le rapport au sénat étoient toutes celles qui concernoient l’administration de la république. Il n’y avoit que la création des magistrats, la publication des lois & la délibération sur la guerre ou la paix, qui devoient absolument être portées devant le peuple. Voyez Denys d’Halicarnasse, liv. IV. ch. xx. & liv. VI. chapitre. lxvj. (D. J.)

Rapport, (Barreau.) exposé que fait un juge ou un commissaire, soit en pleine chambre, soit devant un comité, d’une affaire ou d’un procès par écrit qu’on lui a donné à voir & à examiner. Cette partie est d’un usage bien plus fréquent, & a beaucoup plus d’étendue que n’en a aujourd’hui l’éloquence éteinte du barreau ; puisqu’elle embrasse tous les emplois de la robe, & qu’elle a lieu dans toutes les cours souveraines & subalternes, dans toutes les compagnies, dans tous les bureaux, & dans toutes les commissions. Le succès de ces sortes d’actions attire autant de gloire qu’aucun plaidoyer, & il est d’un aussi grand secours pour la défense de la justice & de l’innocence. Comme on ne peut traiter ici cette matiere que très-légerement, je ne ferai qu’en indiquer les principes sans les approfondir.

Je sai que chaque compagnie, chaque jurisdiction a ses usages particuliers pour la maniere de rapporter les procès ; mais le fond est le même pour toutes, & le style qu’on y emploie doit partout être le même. Il y a une sorte d’éloquence propre à ce genre de discours, qui consiste à parler avec clarté, avec précision, & avec élégance.

Le but que se propose un rapporteur est d’instruire les juges ses confreres, de l’affaire sur laquelle ils ont à prononcer avec lui. Il est chargé au nom de tous d’en faire l’examen. Il devient dans cette occasion, pour ainsi dire, l’œil de la compagnie. Il lui prête & lui communique ses lumieres & ses connoissances ; or pour le faire avec succès, il faut que la distribution méthodique de la matiere qu’il entreprend de traiter, & l’ordre qu’il mettra dans les faits & dans les preuves, y répandent une si grande netteté, que tous puissent sans peine & sans effort, entendre l’affaire qu’on leur rapporte. Tout doit contribuer à cette clarté, les pensées, les expressions, les tours, & même la maniere de prononcer, qui doit être distincte, tranquille & sans agitation.

J’ai ajouté qu’à la netteté il falloit y joindre de l’élégance, parce que souvent pour instruire, il faut plaire. Les juges sont hommes comme les autres, & quoique la vérité & la justice intéressent par elles-mêmes, il est bon d’y attacher encore plus fortement les auditeurs par quelque attrait. Les affaires, obscures pour l’ordinaire, & épineuses, causent de l’ennui & du dégoût, si celui qui fait le rapport n’a soin de les assaisonner d’un sel pur & délicat, qui sans chercher à paroître, se fasse sentir, & qui par une certaine grace réveille & pique l’attention.

Les mouvemens, qui sont ailleurs la plus grande force de l’éloquence, sont ici absolument interdits. Le rapporteur ne parle pas comme avocat, mais comme juge : en cette qualité, il tient quelque chose de la loi, qui tranquille & paisible se contente de démontrer la regle & le devoir ; & comme il lui est commandé d’être lui-même sans passions, il ne lui est pas permis non plus de songer à exciter celles des autres.

Cette maniere de s’exprimer, qui n’est soutenue ni par le brillant des pensées & des expressions, ni par la hardiesse des figures, ni par le pathétique des mouvemens, mais qui a un air aisé, simple, naturel, est la seule qui convienne aux rapports, & elle n’est pas si facile qu’on se l’imagine.

J’appliquerois volontiers à l’éloquence du rapporteur ce que dit Cicéron de celle de Scaurus, laquelle