Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/104

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volailles, des lapins, des perdrix, &c. & les bords du terrier qu’habite une portée de renards sont bientôt couverts de carcasses de toute espece. Tout cela est aisé à reconnoître ; mais il faut prendre garde d’inquiéter inutilement le pere ou la mere. Dans la même nuit, ils transporteroient leurs petits, & souvent à une demi-lieue de là. Il faut donc assaillir tout d’un coup le terrier, tendre des pieges aux différentes gueules ; & comme on n’est pas toujours sûr que les vieux renards soient enfermés dans le terrier, il faut assiéger aussi les chemins battus, appellés coulées, par lesquels ils vont & viennent pour chercher à vivre. Alors la nécessité de nourrir leurs petits, les excite à braver le danger, & leur défiance est anéantie par ce besoin vif. Sans cela un renard assiégé de pieges dans un terrier n’en sort qu’à la derniere extrémité. J’en ai vû un qui y resta quinze jours, & qui n’avoit plus que le souffle lorsqu’il se détermina à sortir. Ces animaux, lorsqu’ils sont pris, sont assez sujets à se couper le pié ; & cela arrive presque certainement lorsque le jour paroît avant qu’on y arrive.

Ils sont, comme les chiens, à-peu-près dix-huit mois à croître, & vivent de douze à quinze ans. On n’a jamais pû faire accoupler ensemble ces deux especes ; mais on y parviendroit sans doute en apprivoisant par degrés la race sauvage du renard, qui à la premiere génération conserve toujours son naturel farouche, & son penchant à la rapine.

Il mange des œufs, du lait, du fromage, des fruits, sur-tout des raisins, du poisson, des écrévisses. Il est très-avide de miel, & tire de terre les guépiers ; il attaque les abeilles sauvages : lorsqu’ils sent les aiguillons des guepes, des frelons, des abeilles, qui tachent de le mettre en fuite, il se roule pour les écraser. Les femelles deviennent en chaleur en hiver, & on voit déja de petits renards au mois d’Avril ; les portées sont au moins de trois, au plus de six : il n’y en a qu’une chaque année. Les renards naissent les yeux fermés ; ils sont comme les chiens, dix-huit mois ou deux ans à croître, & vivent de même, treize à quatorze ans. Le renard glapit, aboie, & pousse un son triste semblable à celui du paon. Il a différens tons, selon les sentimens dont il est affecté. Il se laisse tuer à coups de bâton comme le loup, sans crier. Il ne fait entendre le cri de la douleur que lorsqu’il reçoit un coup de feu qui lui casse quelque membre ; il est presque muet en été. C’est dans cette saison que son poil tombe & se renouvelle. Cet animal a une odeur très forte & très-desagréable, & qui se fait sentir de loin, sur-tout lorsqu’il fait chaud. Il mord dangereusement, & on ne peut lui faire quitter prise qu’en écartant ses mâchoires avec un levier. La chair du renard est moins mauvaise que celle du loup ; les chiens & même les hommes, en mangent en automne, sur-tout lorsqu’il s’est nourri & engraissé de raisins. Les renards se trouvent dans toute l’Europe, dans l’Asie septentrionale & tempérée, & même en Amérique ; mais ils sont rares en Afrique & dans les pays voisins de l’équateur. Dans les pays du nord il y a des renards noirs, des bleus, des gris, des gris de fer, des gris argentés, des blancs, des blancs à piés fauves, des blancs à tête noire, des blancs avec le bout de la queue noire, des roux avec la gorge & le ventre entierement blancs, & enfin des croisés ; ceux-ci ont une bande longitudinale qui s’étend depuis le bout du museau jusqu’au bout de la queue, en passant sur la tête & sur le dos, & une bande transversale qui passe sur le dos & s’étend sur les deux jambes de devant. La fourure des renards noirs est la plus précieuse ; c’est même après celle de la zibeline, la plus rare & la plus chere ; on en trouve au Spitzberg, en Groenland, en Laponie, en Canada. Hist. nat. gen. & part. tom. VII.

Renard, (Mat. méd.) les pharmacologistes ont

vanté, selon leur usage, je ne sais combien de parties du renard, sa graisse, ses testicules, l’os de sa verge, sa fiente, son sang, &c. mais tous ces remedes sont absolument oubliés. Le foie & le poumon sont les seules parties qui soient encore des remedes, & principalement le dernier viscere qu’on garde dans les boutiques, après l’avoir lavé dans du vin & séché. Non-seulement le poumon de renard est recommandé contre les maladies de la rate & le flux de ventre opiniâtre, mais encore il est regardé comme un spécifique contre la phtisie, soit étant pris en aliment, soit en donnant à titre de remede, le poumon de renard préparé & réduit en poudre, à la dose d’une dragme ou de deux, dans un bouillon, dans un looch ou un sirop approprié. On fait infuser encore un nouet de cette poudre dans la boisson ordinaire des asthmatiques : sur quoi il faut remarquer qu’il s’agit ici d’un poumon regardé comme spécifique des maladies du poumon, & dont la vertu a été très-probablement déduite d’après le principe des signatures. Voyez Signature, (Pharmacologie.). On garde ordinairement dans les boutiques une huile appellée de renard, oleum vulpinum, & qui est préparée par infusion & par décoction avec l’huile d’olive, & la chair de renard cuite dans l’eau & le vin avec un peu de sel commun & quelques plantes aromatiques, jusqu’à ce qu’elle se sépare des os ; faisant cuire ensuite ce bouillon avec de l’huile d’olive jusqu’à consommation de l’humidité, & faisant infuser de nouveau quelques substances végétales aromatiques dans la colature. Cette huile est une de ces préparations puériles & monstrueuses, dont l’absurdité est démontrée à l’article Huile par décoction. Voyez sous l’article général Huile. (b)

Renard, (Comm. de Fourreur.) ce qu’on tire du renard pour le commerce, ne consiste qu’en sa peau, laquelle étant bien passée & apprêtée par le pelletier, s’emploie à diverses sortes de fourrures. La Natolie, l’Arménie & la petite Tartarie fournissent quantité de peaux de renards, dont celles qui se tirent d’Asaf, de Caffa, & de Krin, sont réputées les plus belles. Il s’en envoie beaucoup à Constantinople, & en quelques autres endroits de l’Europe. Celles de ces pays-là destinées pour la France, qui sont en petit nombre, viennent pour l’ordinaire par la voie de Marseille.

C’étoit autrefois la mode en France de porter des manchons de peaux de renards toutes entieres, c’est-à-dire, avec les jambes, la queue, & la tête, à laquelle l’on conservoit toutes les dents, & où l’on ajoutoit une langue de drap écarlate, & des yeux d’émail, pour imiter, autant qu’il étoit possible, la vérité de la nature. Cette mode s’est tout-à-fait perdue. Savary. (D. J.)

Renard marin, Porc marin, Ramart, s. m. (Hist. nat. Ichthiolog.) vulpes marina. Rai. Poisson de mer cartilagineux du genre des chiens de mer. M. Perrault en a disséqué un qui avoit huit piés & demi de longueur, & un pié deux pouces de largeur prise à l’endroit le plus gros, c’est-à-dire, au ventre. La queue étoit presque aussi longue que tout le corps, & faite en maniere de faux, un peu recourbée vers le ventre : il y avoit une nageoire à l’endroit où commençoit cette courbure. Le dos avoit deux sortes de crêtes élevées, une grande au milieu de sa longueur, & une plus petite vers la queue. Les nageoires étoient au nombre de trois de chaque côté : une auprès de la tête qui avoit un pié trois pouces de longueur, & cinq de largeur à la base, une sur le ventre qui étoit moins longue que celle de la tête, & elle avoit une pointe pendante qui est le caractere des mâles. La derniere nageoire étoit placée près de la queue & fort petite. La peau n’avoit point d’écailles, elle étoit lisse. Les crêtes & les nageoires