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l’entretient en vibration pendant un tems assez considérable, savoir une minute & demie au-moins, comme il est facile de l’expérimenter : par ce moyen le moteur n’étant obligé de restituer que ce qui se perd du mouvement qu’il imprime au balancier, ses inégalités & celles du rouage au moyen duquel il agit, ne se font sentir sur les vibrations du régulateur qu’en raison du peu de mouvement restitué dans chacune d’elles. Or les vibrations libres du balancier joint au ressort spiral se faisant, comme on le verra bientôt, dans des tems sensiblement égaux, soit qu’elles soient grandes, soit qu’elles soient petites, il en doit évidemment résulter une grande régularité dans la montre.

Pour rendre ceci plus sensible, supposons que dans une montre bien réglée le moteur influe comme 1 dans les vibrations du balancier, & le ressort spiral comme (on verra par la suite que ma supposition ne s’écarte pas du vrai dans les montres bien faites). Si on diminue la force motrice de moitié, le balancier qui faisoit ses vibrations à l’aide d’une force équivalente à , les fera comme s’il étoit mû par un ressort dont la force égalât  ; car la force 1 du moteur a été réduite à la moitié, le ressort spiral qui influe comme est resté le même, & les vibrations, si ce ressort agissoit tout seul, s’acheveroient toutes en des tems égaux. Ainsi l’aiguille des minutes, par exemple, dont le mouvement comme il est expliqué article Montre, dépend absolument de la vîtesse avec laquelle le balancier fait ses vibrations, au lieu de parcourir sur le cadran 60 minutes dans une heure, retardera dans l’exemple rapporté, seulement comme si la force motrice produisant seule les vibrations, avoit été diminuée d’un huitieme ou à peu-près.

Il n’en sera pas de même, si le ressort spiral est retranché ; alors la force motrice toujours à-peu-près uniforme, agissant seule, ne pourra diminuer de moitié sans que les vibrations du régulateur ne soient produites par une force une fois plus petite ; si l’on doute de la vérité de ce raisonnement, il sera facile de s’en assurer par les expériences suivantes qui ont été répétées plusieurs fois.

On prendra une montre ordinaire, bien faite & bien reglée, on la remontera tout en-haut, ensuite on débandera le ressort par la vis sans fin ou l’encliquetage (Voyez Vis sans fin & Encliquetage) destiné à cet usage, jusqu’à ce que la même force environ qui étoit au plus grand tour de la fusée, voyez Fusée, se trouve au plus petit ; il en résultera une diminution de force motrice égale à environ, & la montre retardera de trois minutes par heure.

On rebandera ensuite le grand ressort au point où il l’étoit auparavant, & on fera marcher la montre sans ressort spiral ; on trouvera alors que l’éguille des minutes, au lieu de faire le tour du cadran dans une heure, n’en fera que les , ou qu’elle ne parcourra que 27 minutes ; mais si l’on détend le grand ressort comme ci-devant, l’éguille ne parcourra que 19 minutes dans le même tems d’une heure. On voit delà que dans ce dernier cas, le ressort étant débandé de la même quantité, le mouvement de la montre en est retardé de près d’un tiers, au lieu qu’avec le ressort spiral, la même opération n’a produit un retard que d’un vingtieme.

On s’étonnera, sans doute, qu’une montre allant vingt-six ou vingt-sept minutes par heure sans le secours de son ressort spiral, & soixante dans le même tems avec ce ressort, Voyez Echappement (Description de l’échappement ordinaire) c’est-à-dire que les vibrations n’étant accélérées dans ce dernier cas que d’un peu plus de moitié, le succès soit pourtant si différent dans les deux expériences précédentes ; on ne sera peut-être pas moins surpris que j’aie

dit ci-devant, que le spiral influoit plus de quatre fois davantage dans les vibrations du balancier. En effet, il semble d’abord que la promptitude des vibrations étant 26 par supposition pour la rendre égale à 60 ; la puissance totale à l’aide de laquelle le balancier se meut, devroit seulement augmenter d’une quantité égale à la différence qui regne entre 60 & 26 ; on trouve la solution de ces difficultés dans l’article Forces vives ; on y trouvera démontré par la théorie & par l’expérience, qu’une masse quelconque qui se meut ou fait des vibrations à l’aide d’une puissance accélératrice, ne peut en achever un même nombre dans un tems une fois plus court, sans être mue ou aidée par une force quadruple ; qu’enfin la promptitude des vibrations d’une masse est toujours comme la racine quarrée des forces accélératrices, par lesquelles elle est entretenue en mouvement.

Quoique la courbe spirale soit la plus simple, la plus naturelle & la meilleure qu’on puisse donner au ressort réglant des montres ; plusieurs variations auxquelles elles sont encore sujettes lui ayant été faussement attribuées, quelques personnes ont fait diverses tentatives pour changer la forme de ce ressort. M. de la Hire, conseille, Mém. de l’acad. ann. 1700. de le plier en ondes ; mais sans parler des autres défauts de cette forme du ressort, il est évident qu’elle en a un très-considérable, puisque comme dans celle de l’abbé Hautefeuille, le balancier n’est pas toujours poussé par un levier constant, effet qui ne peut avoir lieu qu’au moyen d’un ressort dont la forme soit approchante de la circulaire.

Il se présente ici une question assez intéressante sur l’attache du ressort spiral. Dans la pratique ordinaire, ou selon la méthode de M. Huyghens, son extremité intérieure est fixée sur une virole qui tient à frottement sur l’axe du balancier, & l’extérieure est adaptée à la platine au moyen d’un petit tenon ; ne seroit-il pas mieux d’attacher l’extremité extérieure du ressort à l’un des rayons du balancier, & l’intérieure sur une virole étrangere au régulateur, & tournante à frottement sur un canon au centre du coq ? Le balancier n’acquerroit-il pas par ce moyen plus de liberté, & ne lui épargneroit-on pas beaucoup de frottement sur ses pivots ? Je l’ai long-tems soupçonné, mais l’expérience m’a fait voir que toutes choses d’ailleurs égales, une montre alloit toujours le même train, qu’il n’y survenoit aucun changement, soit que l’on attachât son ressort de l’une ou de l’autre façon, & qu’enfin le régulateur n’avoit pas plus de liberté dans un cas que dans l’autre. Il faut donc s’en tenir à la méthode ordinaire.

Recherches sur l’isochronisme des vibrations du ressort spiral uni au balancier. La grande utilité du ressort spiral dans les montres étant bien constatée, nous pouvons examiner une question qui a jusqu’ici embarrassé, non-seulement d’habiles artistes, mais encore les plus illustres Physiciens & Géometres ; on demande si abstraction faite des frottemens, des résistances de l’air & de la masse du ressort, les vibrations du balancier joint au ressort spiral sont isochrones & d’égale durée, ou si elles different en tems, selon qu’elles sont plus ou moins grandes.

La raison suivante qu’on allegue assez souvent pour prouver l’isochronisme en question ne peut, selon moi, former une preuve complete. « Dans les corps sonores frappés ou pincés avec plus ou moins de force, les tons restent, dit-on, toujours les mêmes ; cependant ils haussent ou baissent sensiblement par les plus petits changemens dans la durée des vibrations qui les produisent ; la différente étendue de ces vibrations n’influe donc point sur les tems dans lesquels elles s’achevent. Or, continue-t-on, un balancier joint à un