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avec le tems elle s’épaissit & devient d’un rouge obscur comme de l’huile de cade : on tire aussi du bois de Rhode par la cornue, un esprit rouge, & une huile noire & puante, qui n’est d’aucun usage. (D. J.)

Rhodes, marbre de, (Hist. nat. Litholog.) c’étoit un marbre blanc, d’une grande beauté, dont les Romains se servoient dans leurs édifices, mais il étoit inférieur à celui de Paros ; son nom lui venoit de l’île de Rhodes.

Rhodes, (Géogr. anc. & mod.) île d’Asie, sur la côte méridionale de l’Anatolie, & de la province d’Aïden-Elli, dont elle n’est séparée que par un canal de huit à dix lieues de large. Cette partie de la mer Méditerranée s’appelloit autrefois la mer Carpathienne, & se nomme aujourd’hui la mer de Scarpanto.

L’île de Rhodes peut avoir environ 130 milles de tour. Elle a changé plusieurs fois de nom, suivant les différentes colonies qui s’y sont établies. Pline dit qu’elle a été appellée Ophieuse, Astérie, Oethrée, Trinacrie, Corymbie, Atabaris, & Oleoessa. Ses trois principales villes étoient d’abord Lynde au sud-est de l’île, Camire à l’occident, & Jalise au septentrion ; mais la ville de Rhodes, bâtie à l’orient du tems de la guerre du Péloponnèse, devint bien-tôt la capitale de toute l’île.

On met au nombre de ses premiers rois Tléptoleme, Doricus, Damagete. Mausole, roi de Carie, s’en empara par la ruse, & les Rhodiens, d’alliés qu’ils étoient de ce prince, devinrent ses sujets. Après sa mort ils voulurent rétablir la démocratie, & choisirent le tems qu’Artémise jettoit les fondemens du mausolée ; mais cette reine, habile & courageuse, surprit la flotte des Rhodiens, & porta chez eux le fer & le feu.

Rhodes tomba dans la suite sous la domination des Grecs & des Romains. Elle a été très-célebre par les beaux arts qui y ont fleuri, par sa marine, par son commerce, par l’équité de ses lois, & par sa puissance. Il faut voir comme Pindare en parle, & comme il étale ce que la Poésie a de plus riche & de plus sublime pour relever la gloire de cette île. « C’est sur elle, dit-il, que Jupiter versa une pluie d’or. Minerve l’enrichit du don des arts, quoique ses peuples eussent offensé la déesse, en lui offrant des sacrifices sans feu. Rhodes ne se montroit point encore au milieu des flots, lorsque les dieux se partagerent le monde. Apollon la demande pour sa part & l’obtient ; trois de ses fils y regnerent ; c’étoit là qu’étoit marqué comme à un dieu, le terme des malheurs de Tleptoleme dans la pompe des jeux & des sacrifices ».

La ville de Rhodes ayant effacé, par la commodité de son port, la splendeur des autres villes de l’île, devint de plus en plus florissante par les arts & par les sciences. Ses académies, & sur-tout celles de Sculpture, y attiroient toutes sortes d’étrangers, & il en sortoit tant de beaux morceaux, qu’on disoit que Minerve y faisoit son séjour. On comptoit dans cette ville jusqu’à trois mille statues de différentes grandeurs, toutes d’excellens artistes. Je ne parle point des peintures & des tableaux dont ses temples étoient remplis, chefs-d’œuvre de l’art, de la main des Parhasius, des Protogène, des Zeuxis, & des Apelles : Meurcius en a publié un traité. Pour ce qui regarde ce colosse surprenant, qu’on avoit consacré au soleil, la divinité tutélaire de l’île, on en trouvera l’article à part dans ce Dictionnaire.

Vers le déclin de l’empire des Grecs, l’ile de Rhodes eut le sort des autres îles de l’Archipel. Elle tomba sous la domination des Génois, des Sarasins, des chevaliers de S. Jean de Jérusalem qui s’en emparerent en 1310, & qui furent alors appellés chevaliers de Rhodes. Enfin Soliman la leur enleva en 1522, & depuis lors elle est restée sous la domination des Turcs, qui ont bâti deux tours pour défendre l’en-

trée du port ; mais ils laissent l’île inculte. Sa long.

suivant Street, 45d. 56′. 15″. lat. 36. 46. & selon Greaves, 37. 50.

Cette île, dans son état florissant, n’a pas seulement produit d’excellens artistes, mais elle a été la patrie de grands capitaines, de poëtes, de philosophes, d’astronomes, & d’historiens illustres.

Timocréon de Rhodes, poëte de l’ancienne comédie, vivoit 474 ans avant Jesus-Christ ; ses écrits n’ont pas passé jusqu’à nous. Il nous reste de Simmias de Rhodes, poëte lyrique, qui florissoit 320 ans avant l’ere chrétienne, quelques fragmens imprimés avec les œuvres de Théocrite. Pitholéon, rhodien, n’étoit pas un poëte sans talens, quoiqu’il ait été tourné en ridicule par Horace, Sat. 10. liv. I. parce que dans ses épigrammes il mêloit ensemble du grec & du latin. Pitholéon est selon toute apparence, le même que M. Otacilius Pitholaüs, dont il est parlé dans Suétone & dans Macrobe. Il composa des vers satyriques contre Jules-César qui le souffrit, comme Suétone, ch. lxxv. nous l’apprend : Pitholai carminibus maledicentissimis laceratam existimationem suam, civili animo tulit. Macrobe rapporte un jeu de mots fort plaisant de ce Pitholaüs, & dont la grace ne peut se rendre en françois : le voici en latin. Cum Caninius Reblius uno tantùm die consul fuisset, dixit Pitholaus, autè flamines, nunc consules diales fiunt.

Je pourrois nommer Possidonius au nombre des philosophes de Rhodes, parce qu’il y passa sa vie ; mais Strabon son contemporain nous assure qu’il étoit originaire d’Apamée en Syrie. Apollonius, disciple de Panœtius, étoit aussi natif de Naucratis ; il fut surnommé le rhodien, parce qu’il séjourna longtems à Rhodes.

Pour Panœtius, on sait que Rhodes étoit la patrie de ce célebre philosophe stoïcien, & qu’il sortoit d’une famille très-distinguée par les armes & par les lettres, comme le marque Strabon. Scipion l’afriquain, second du nom, ainsi que Lelius, furent de ses disciples & de ses amis. Ce philosophe avoit écrit un traité de la patience dans les douleurs, & trois livres des devoirs de la vie civile, que Cicéron a suivi dans l’excellent ouvrage qu’il nous a laissé sur le même sujet. Horace, Od. 29. liv. I. fait un bel éloge de Panœtius. Il dit à Iccius :

Quùm tu coemptos undique nobiles
Libros Panœti, socraticam & domum,
Mutare loricis Iberis
Pollicitus meliora tendis ?

« Quand je vous vois, Iccius, changer pour les armes les charmans écrits de Panœtius, que vous aviez amassés de tous côtés avec tant de soins & de frais, & quitter l’école de Socrate pour celle de Mars ; étoit-ce donc là que devoient aboutir vos promesses & nos espérances » ?

Castor le rhodien, qui florissoit vers l’an 150 avant l’ere chrétienne, est au rang des chronologues célebres ; il avoit publié plusieurs ouvrages très estimés, sur l’ancienne histoire & sur l’ancienne chronologie grecque ; mais il avoit fait mention dans ses écrits d’un phénomene céleste, dont l’explication exercera long-tems nos astronomes. Il s’agit d’un changement singulier qui fut observé sous le regne d’Ogygès, dans la couleur, dans la grosseur, dans la figure, & dans le cours de la planete de Vénus. Le fragment de cette observation, tiré de Varron, le plus savant des romains de son tems, nous a été conservé par saint Augustin, de civitate Dei, liv. XXI. ch. viij. N. 2. en voici les termes. Est in Marci Varronis libris, quorum inscriptio de gente populi romani, Castor scribit in stella Veneris…… tantum portentum extitisse, ut mutaret colorem, magnitudinem, figuram, cursum : quod factum ità, neque anteà, neque posteà sit.