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légerement ; ils ont soin ensuite de le passer à la pelle pour le rafraîchir. Le produit de cet artifice sur le blé ordinaire va à un seizieme, c’est-à-dire qu’au lieu de seize boisseaux ils en font dix-sept : cela va plus loin sur d’autres grains, & particulierement sur l’avoine qui augmente d’un huitieme. On reconnoît néanmoins cet artifice en maniant ce blé, car il est moins coulant qu’à l’ordinaire, & devient rude sur la main. La même chose arrive pareillement au blé qui a été mis sur du plâtre nouvellement employé, avec cette différence qu’il n’en vaut pas moins. On les peut distinguer l’un de l’autre en les mâchant : celui qui a été sur du plâtre, casse net sous les dents, mais il ne se moût pas moins bien ; celui des regrattiers au contraire obéit & se déchire, pour ainsi dire. (D. J.)

Regrattier, s. m. (Négoce de sel.) marchand qui fait & qui exerce le regrat ; de tous les regrattiers, ceux qui se mêlent du regrat du sel, c’est-à-dire qui le vendent à petites mesures, sont les plus considérables. Nul en France ne peut être regrattier de la marchandise de sel, qu’il n’ait une commission enregistrée au greffe du grenier à sel, dans l’étendue duquel il exerce le négoce, & qu’il n’ait prêté le serment entre les mains des officiers du grenier. Le sel de revente doit être sel de gabelle pris au grenier. Savary. (D. J.)

REGREFFER, v. act. (Jardinage.) greffer un arbre de nouveau, ce qui arrive quand on a parmi les plants quelque arbre greffé d’un mauvais fruit ; alors on peut le greffer d’une meilleure espece sur la greffe même, & non sur le sauvageon. C’est le moyen d’avoir des fruits singuliers ; si même on veut greffer en écusson sept ou huit années de suite sur la greffe de l’année précédente, & toujours en changeant d’espece à chaque fois, on est sûr par l’expérience d’avoir des fruits excellens & monstrueux.

REGRELER, en terme de Blanchisserie, c’est l’action de faire passer une seconde fois, après la seconde fonte, la cire dans la greloire, voyez Greloire ; ce qui se pratique pour remettre la matiere en rubans, & l’exposer de nouveau sur les toiles, pour lui faire prendre plus de blancheur. Voyez Rubans, Toiles, Greloire, & l’article Blanchir.

REGRÈS, s. m. (Jurisprud.) en matiere bénéficiale, c’est le retour à un bénéfice que l’on a permuté ou résigné.

Le canon quoniam, qui est du pape Nicolas, causâ 7. quest. j. nous apprend qu’autrefois l’Eglise désaprouvoit fort ces sortes de regrès ; & c’étoit de-là que l’Eglise rejettoit aussi alors toutes les démissions ou les résignations qui se faisoient par les titulaires, dans l’espérance qu’ils avoient de rentrer dans leur bénéfice.

Dans la suite, il a été admis par l’Eglise en certains cas, & singulierement en faveur de ceux qui ont résigné étant malades.

Cependant en France, les regrès n’étoient point admis anciennement lorsque la résignation avoit eu son plein & entier effet en faveur du résignataire.

Cette jurisprudence ne changea que du tems de Henri II. à l’occasion du Sr Benoît, curé des SS. Innocens, qui avoit résigné au nommé Semelle son vicaire ladite cure, & celle de Pouilly diocèse de Sens, lequel n’avoit payé ce bienfait que d’ingratitude. Henri II. ayant pris connoissance de cette affaire, rendit un arrêt en son conseil le 29 Avril 1558, par lequel ledit Semelle fut condamné à remettre les deux bénéfices ès mains de l’ordinaire, pour les conférer & remettre audit Benoît ; & il fut dit que cet arrêt seroit publié & enregistré dans toutes les cours, pour servir de loi sur cette matiere.

Depuis ce tems, le regrès est admis parmi nous, & l’on en distingue de trois sortes.

Le premier est le regrès tacite, qui a lieu en cas de

permutation & de résignation. Quand on ne peut pas jouir du bénéfice donné par le copermutant, on rentre dans le sien de plein droit, sans qu’il soit besoin de nouvelles provisions.

Le second est le regrès que l’on admet humanitatis causâ, comme dans le cas d’une résignation faite in extremis. Ces sortes de résignations sont toujours réputées conditionnelles.

On regarde aussi comme telles celles que l’on fait dans la crainte d’une mort civile de celui qui est fondé sur la clause non aliter, non alias, non alio modo.

Dans le cas d’une résignation faite in extremis, le résignant revenu en santé est admis au regrès, quoique le résignataire ait obtenu des provisions, & même qu’il ait pris possession, & soit entré en jouissance.

Au grand-conseil, la maladie du résignant n’est pas regardée comme un moyen pour être admis en regrès, à-moins que le résignant ne prouve qu’il étoit en démence, ou qu’il a résigné par force ou par crainte, ou parce qu’il a cédé aux importunités du résignataire.

La réserve d’une pension n’empêche pas le regrès, à-moins que la pension ne soit suffisante, ou qu’il n’y ait des circonstances de fraude.

La minorité seule n’est pas un moyen pour parvenir au regrès, puisque les bénéficiers mineurs sont réputés majeurs à l’égard de leur bénéfice. Mais les mineurs sont admis au regrès, quand ils ont été induits à résigner par dol & par fraude, & que la résignation a été faite en faveur de personnes suspectes & prohibées. Dumoulin tient même que dans cette matiere les mineurs n’ont pas besoin de lettres de restitution en entier, & que la résignation est nulle de plein droit.

Les majeurs même sont aussi admis au regrès, quand ils ont été dépouillés par force, crainte ou dol.

Le novice qui rentre dans le monde après avoir résigné, rentre aussi dans son bénéfice.

Le résignant revenu en santé qui use du regrès, n’a pas besoin de prendre de nouvelles provisions, nonobstant l’édit du contrôle qui ordonne d’en prendre, l’usage contraire ayant prévalu.

Le regrès dans le cas où il est admis, a lieu quand même le résignataire auroit pris possession réelle & actuelle du bénéfice résigné, & qu’il en auroit joui paisiblement pendant quelque tems, il auroit même encore lieu, quoique le bénéfice eût passé à un second ou troisieme résignataire.

Mais si le résignataire avoit joui paisiblement pendant trois ans depuis que le résignant est revenu en santé, cette possession triennale empêcheroit le regrès, il suffiroit même pour cela qu’il y eût un an de silence du résignant depuis sa convalescence, ou quelque autre approbation de la résignation.

Celui qui a su l’indignité de son résignataire ne peut ni rentrer dans son bénéfice, ni exiger la pension qu’il s’étoit réservée.

Quoique le regrès soit une voie de droit, ce sont de ces choses qu’il n’est pas convenable de prévoir ni de stipuler, de sorte que la résignation seroit vicieuse, si la condition du regrès y étoit exprimée.

Pour parvenir au regrès, il faut présenter requête au juge royal, & y joindre les pieces justificatives des causes sur lesquelles on fonde le regrès.

Le résignant peut faire interroger sur faits & articles son résignataire, ou demander à faire entendre des témoins quand il y a un commencement de preuve par écrit. Voyez Ferret, Pastor, Dumolin. A.

RÉGRESSION, s. f. (Rhétor.) figure de Rhétorique qui fait revenir les mots sur eux-mêmes, avec un sens différent. « Nous ne vivons pas pour boire & pour manger, mais nous buvons & nous mangeons pour vivre ». M. Despréaux s’exprime ainsi :