Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/351

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrive à l’arc triomphal de Titus ; il fut érigé pour le triomphe de ce prince, après la prise de Jérusalem. Cet arc est sur-tout remarquable par ses bas-reliefs, qui représentent le candélabre, la table, les trompettes du grand jubilé, & quelques vaisseaux qui furent apportés du temple ; cet arc est dans la rue sacrée, au pié du mont Palatin.

Le temple de la Pace, c’est-à-dire de la Paix, n’est pas loin du campo Vaccino, mais on n’en voit plus que des ruines, quoique ce fût un des plus superbes édifices de Rome. Vespasien l’avoit élevé, & y avoit mis les dépouilles du temple de Jérusalem. Voyez

Plus avant est l’église de saint Laurent in Miranda, c’étoit anciennement un temple que l’empereur Antonin dédia à l’impératrice Faustine son épouse, dont il ne put jamais faire une honnête femme pendant sa vie ; le vestibule de cette église est magnifique.

Le capitole moderne est bâti sur les ruines de l’ancien capitole, tout y est plein de pieces antiques, dont la description feroit un volume. Il suffira de dire ici qu’on y remarque la louve de bronze qui alaite Rémus & Romulus ; les quatre grands reliefs représentant plusieurs traits de l’histoire de Marc-Aurele, la couronne rostrale du consul Duillius, qui eut le premier dans Rome l’honneur du triomphe naval ; le courier qui s’arracha une épine du pié, après avoir apporté de bonnes nouvelles au sénat, ayant mieux aimé souffrir de grandes douleurs dans son voyage, que de retarder la joie publique ; les bustes de Cicéron & de Virgile ; les quatre anciennes mesures romaines, une pour l’huile, une autre pour le grain, & deux autres pour le vin ; la nourrice de Néron qui le tient par la main ; la déesse du silence ; le dieu Pan ; les trois Furies ; une statue de César avec sa cuirasse : une statue d’Auguste ; celle de Castor & de Pollux ; les débris des colonnes d’Apollon, de Domitien, & de Commode ; le lion qui dévore un cheval ; les trophées que quelques-uns disent être de Trajan, & les autres de Marius. Les deux chevaux de marbre qui se voient dans la place du capitole, ont été enlevés du théâtre de Pompée ; & la statue équestre de bronze que l’on voit dans le même lieu, y fut mise par Paul III. On croit que c’est la statue de Marc-Aurele.

Pour ce qui est du milliarium, ou colonne milliaire du capitole. Voyez Milliaire.

On monte ensuite au palais de saint Marc, qui appartient à la république de Venise, & où logent les ambassadeurs qu’elle tient à la cour de Rome. Du palais de saint Marc on va au mont Quirinal, appellé présentement Monte-cavallo, & en passant par le quartier de la ville, nommé autréfois forum Trajani, on s’arrête à considérer la célebre colonne de Trajan, érigée par le sénat en l’honneur de cet empereur. Voyez Trajane, colonne.

La place de Monte-cavallo est remarquable par les statues de deux chevaux en marbre que deux hommes tiennent en main par les rênes, & dont Tiridate, roi d’Arménie, fit présent à Néron. Sur le piédestal de l’une on lit, opus Phidiæ ; & sur celui de l’autre, opus Praxitelis. Ce sont ces chevaux qui donnent présentement le nom à la montagne sur laquelle étoit les bains de Constantin. Le palais que le pape occupe en été est vis-à-vis. L’église de saint Pierre aux-liens n’est pas éloignée de Monte-cavallo ; c’est dans cette église qu’est la statues de marbre de Moïse par Michel Ange.

L’église de sainte Marie majeure est la plus grande église de celles de Rome qui sont dédiées à Notre-Dame, & c’est de-là qu’est venu son nom ; elle est sur le mont Esquilin, au bout de la rue des quatre fontaines ; on vante beaucoup ses deux chapelles, qui ont été bâties par Sixte V. & par Paul V.

La porte del popolo, du peuple ou des peupliers,

s’appelloit anciennement la porte Flaminienne, parce qu’elle étoit sur la voie Flaminienne. Les uns prétendent qu’on la doit nommer la porte des peupliers, à cause de la quantité d’arbres de cette espece qu’il y avoit dans cet endroit ; les autres tirent son nom d’une église de Notre-Dame, qui est à gauche en entrant dans la ville, & qui sut bâtie par le peuple romain, à la fin du onzieme siecle, dans l’endroit où étoit le tombeau de Néron, & qu’on appella à cause de cela Notre-Dame du peuple. La porte que l’on voit aujourd’hui a été bâtie sous le pontificat de Pie IV. par Vignole, sur les desseins de Michel-Ange Buonarota. Elle est de pierre travestine, ornée de quatre colonnes d’ordre dorique, dont les piédestaux sont d’une hauteur qu’on ne peut s’empêcher de critiquer, malgré le respect que l’on a pour ceux qui ont conduit l’ouvrage.

L’entrée de Rome par cet endroit, est la seule qui plaise à la vue ; on y trouve une place triangulaire, ouverte par trois rues, longues, droites, & larges ; celle du milieu est la rue du cours, il corso, ainsi nommée, parce qu’on s’y promene en carrosse pour prendre le frais, & qu’elle sert aux courses des chevaux, & aux divertissemens du carnaval ; une de ces rues passe par la place d’Espagne, qui est le lieu le plus fréquenté des étrangers qui viennent à Rome.

Après avoir passé devant l’église des Grecs, on vient au palais du grand-duc, où l’on remarque entre autres antiquités, les statues de deux lutteurs, & celle d’un paysan, qui en aiguisant sa faulx, entendit les complices de Catilina s’entretenir de leur conspiration, qu’il découvrit au sénat ; c’est une très belle piece, mais les statues de Vénus & de Cupidon sont incomparables.

C’est encore ici le palais des Barberins, l’un des plus beaux de Rome, tant pour sa situation du côté de la montagne, que pour ses riches appartemens. Il y a deux escaliers qui sont des chefs-d’œuvre ; & Pierre de Cortonne s’est épuisé pour embellir le plafond de la grande salle ; la galerie est ornée de tableaux & de rares statues.

La colonne Antonine qui fut anciennement élevée par Marc-Aurele Antonin & par le sénat, en l’honneur d’Antonin Pie, est dans la même rue del Corso. Voyez Colonne Antonine.

On arrive ensuite à l’église & au couvent des dominicains, appellé la Minerva, parce qu’ils sont élevés sur les ruines du temple de Minerve, lequel renfermoit un bien plus grand espace que celui qu’occupent aujourd’hui l’église & le couvent. On admire dans cette église le Christ de Michel-Ange. La figure est de marbre blanc, de grandeur naturelle, entierement nue, sans la moindre draperie. C’est un ouvrage fini, d’un goût exquis, & selon les Romains, inimitable. Les dominicains couvrent avec une riche écharpe la nudité de la figure.

Ant. de Saint-Galle fut le premier entrepreneur du palais Farnèse. Il le commença seulement, & Michel-Ange en est regardé comme le principal architecte. La façade de ce bâtiment est large de cent quatre-vingt piés & haute de quatre-vingt-dix. Les portes, les croisées, les encoignures, la corniche & toutes les pierres principales sont des dépouilles du colisée. On a ainsi détruit une grande partie de ce merveilleux monument. On en a bâti presque tout le grand palais de la chancellerie, aussi-bien que l’église de saint-Laurent in Damaso. Au lieu de conserver ces précieux restes de l’antiquité, comme a fait Sixte V, à qui Rome moderne est redevable de la plus grande partie de sa beauté, il s’est trouvé plusieurs papes qui ont contribué eux-mêmes à faire le dégât. Innocent VIII ruina l’arc gordien pour bâtir une église : Alexandre VI démolit la belle pyramide de Scipion, pour paver les rues des pierres qu’il en ôta. Les de-