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chargé de la partie réguline de l’antimoine.

Le kermés minéral, ou la poudre des Chartreux se fait en prenant trois parties d’antimoine crud concassé grossierement ; on les fait bouillir dans cinq parties d’eau, dans laquelle on aura fait dissoudre une partie de sel alkali fixe. Lorsque l’eau aura été réduite à trois cinquiemes, on la décantera, & il se précipitera au fond une poudre rougeâtre, que l’on lavera quinze ou vingt fois dans un grand volume d’eau ; c’est la méthode suivie par M. Rouelle afin de lui enlever l’alkali fixe qui la rendroit caustique & émétique.

Le régule d’antimoine médicamenteux se prépare en faisant fondre ensemble dans un creuset cinq parties d’antimoine crud, avec une partie de sel alkali fixe. Lorsque la matiere sera bien fondue on la versera dans un mortier de fer chauffé.

La neige d’antimoine est une préparation qui se fait en mettant du régule d’antimoine pulvérise dans un pot de terre que l’on place sur un fourneau auquel on l’attachera par un lut, afin de concentrer la chaleur. On couvre le pot d’un couvercle percé d’un petit trou, qui y entrera facilement, & qui sera placé à environ deux ou trois doigts au-dessus du régule d’antimoine. On fermera le pot d’un autre couvercle ; on donnera un degré de feu qui fasse rougir le fond du pot & qui tienne l’antimoine en fusion. Lorsque les vaisseaux seront refroidis, on trouvera à la surface du régule d’antimoine une matiere blanche crystallisée en forme d’aiguilles assez longues. Cette opération, suivant la remarque de M. Rouelle, prouve que l’antimoine est volatile tout seul & par sa nature.

Si on mêle ensemble une partie d’antimoine crud & deux parties de sel ammoniac bien séché, on n’aura qu’à mettre ce mélange dans une cucurbite de terre, à laquelle on adaptera un chapiteau de verre & son récipient. On poussera le feu peu-à-peu jusqu’à faire rougir le fond du vaisseau ; par ce moyen on aura dans le récipient de l’esprit de sel ammoniac, & les parois du chapiteau seront couverts de petites aiguilles jaunes, brunes & rouges que l’on nomme fleurs rouges d’antimoine, dans lesquelles une portion de ce demi-métal s’est sublimée avec le sel ammoniac. M. Rouelle regarde cette préparation comme peu sûre, vû que l’on n’est jamais assez certain de la quantité d’antimoine qui s’est unie & élevée avec le sel ammoniac.

En mettant de l’antimoine crud sur un plat de terre que l’on place sur un fourneau, & ayant attention de remuer de tems en tems, on réduit l’antimoine en une chaux grise ; mais il faut donner un feu doux, qui ne fasse point fondre l’antimoine. Quoique dans cette opération l’antimoine perde la plus grande partie de son soufre, on ne laisse pas de le trouver à la fin plus pesant qu’il n’étoit auparavant, phénomene qui a fort embarrassé les Chimistes. Glauber présume que cette augmentation de poids n’est qu’apparente, & que la pesanteur absolue demeure la même, & qu’il n’y a que la pesanteur spécifique qui augmente, tandis que le volume de la matiere diminue. M. Rouelle a trouvé par des expériences hydrostatiques, que la pesanteur spécifique de l’antimoine étoit réellement augmentée par la calcination. En faisant fondre la chaux d’antimoine dans un creuset avec du flux noir, on aura un vrai régule d’antimoine.

Si l’on prend de la chaux d’antimoine grise, c’est-à-dire qui n’ait pas entierement perdu son phlogistique, en la mettant dans un creuset rougi & placé au milieu des charbons dans un fourneau de forge ; cette chaux entrera en fusion, & formera un verre d’un jaune d’hyacinthe, que l’on nomme verre d’antimoine. Ce verre sera plus ou moins coloré, suivant que la chaux d’antimoine sera plus ou moins privée de phlogistique.

L’antimoine-diaphorétique se fait en mélant ensem-

ble une partie de régule d’antimoine avec trois parties

de nitre bien sec ; on jette ce mélange par cuillerées dans un creuset rougi dans les charbons, on remue le mélange avec une spatule de fer, & on le jette dans de l’eau. C’est une chaux d’antimoine privée de tout phlogistique ; quelques Chimistes l’appellent matiere perlée. Il est très-nécessaire de laver cette matiere dans un grand nombre d’eaux, afin de lui enlever sa causticité. Il doit être blanc lorsqu’il a été préparé convenablement, & alors il n’est nullement émétique. C’est à cette même substance que l’on a donné le nom de cerussa antimonii. Si l’on fait détoner parties égales d’antimoine & de nitre dans une cornue tubulée rougie par le fond, & à laquelle on aura adapté un ballon dans lequel on aura mis de l’eau, les fumées qui s’éléveront dans la détonation passeront dans le ballon, & formeront une liqueur acide que l’on a nommée clissus antimonii, & qui est un mélange d’acide nitreux & d’acide sulfureux volatil ; ce qui restera dans la cornue, est un véritable antimoine diaphorétique.

Le tartre stibié, ou tartre émetique, ou émétique, est un sel formé par l’union de l’acide du tartre avec l’antimoine. Pour le faire, on prendra parties égales de verre d’antimoine & de crême de tartre, on pulvérisera & on mélera bien ces deux matieres ; on les mettra dans de l’eau bouillante, alors il se fera une effervescence très-vive ; lorsqu’elle sera passée on ôtera le vaisseau du feu ; on filtrera la dissolution, & en la faisant évaporer, l’on aura un sel neutre, que l’on dissoudra de nouveau pour le remettre en évaporation. Cette méthode, qui est celle de M. Rouelle, est la plus sure ; par son moyen l’on a un tartre émétique qui agit uniformément.

Le vin émétique est du vin dans lequel on a laissé infuser du verre d’antimoine. Il est plus ou moins violent, suivant que le vin est plus ou moins chargé d’acide.

Le beurre d’antimoine est l’acide du sel marin combiné avec l’antimoine. Pour faire cette préparation, on n’aura qu’à joindre ensemble quatre parties de sublimé corrosif, & une partie d’antimoine crud. Après avoir bien pulvérisé & mélé ces deux matieres, on les mélera dans une cornue de verre, que l’on placera au bain de sable, & à laquelle on adaptera un ballon ou grand récipient. On couvrira la cornue d’un dôme de terre ; on donnera le degré de chaleur de l’eau bouillante ; il passera dans le col de la cornue, une matiere épaisse, qui est ce qu’on appelle le beurre d’antimoine ; lorsqu’elle s’arrête ou se fige, on la fait couler en approchant un charbon allumé du col de la cornue. Si on dissout cette matiere dans une grande quantité d’eau, il se précipite une poudre blanche, qui est un sel connu sous le nom de mercure de vie, ou de poudre d’Algarotti. Après que le beurre d’antimoine est passé à la distillation, il reste dans la cornue une poudre noire. Si on continue à donner un degré de chaleur convenable, il s’éleve & s’attache à la partie supérieure de la cornue, une substance rouge, que l’on nomme cinnabre d’antimoine, qui n’est autre chose que le mercure contenu dans le sublimé corrosif, qui après s’être dégagé de l’acide du sel marin, s’est uni avec le soufre de l’antimoine crud. Quelques auteurs ont vanté l’usage de ce cinnabre, mais dans la réalité il n’a aucun avantage sur le cinnabre facticé ordinaire.

Le bézoard minéral se fait en prenant une partie de beurre d’antimoine, & deux parties d’acide nitreux, que l’on met dans une cornue de verre placée au fourneau de réverbere ; il passe dans le récipient une véritable eau régale que l’on nomme esprit philosophique, ou esprit besoardique ; & il reste dans le fond de la cornue une chaux d’antimoine que l’on a jugé à propos de nommer besoard minéral.