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particules contenues dans les fluides aqueux qui causent précisément la rouille, & que ces particules ne sont autre chose que des sels acides.

Ce sentiment paroît d’autant plus vraissemblable, qu’il est certain que les solutions de tous les métaux se font par les dissolvans acides, comme nous le voyons confirmé tous les jours, par la maniere ordinaire de faire du blanc de plomb, qui n’est autre chose qu’une rouille, ou solution de ce métal, causée par le vinaigre. Nous apprenons par-là que l’huile conserve les métaux, par la qualité connue qu’elle a d’envelopper les sels acides. Il paroitroit donc que ce n’est pas proprement l’humidité, mais plutôt un certain dissolvant fluide, répandu dans l’air qui cause la rouille ; car quoique l’air soit un fluide, & qu’il agisse souvent sur la surface des métaux, en les faisant rouiller, nous ne devons pas croire qu’il agit ainsi simplement comme fluide, puisqu’en ce cas l’air devroit causer par-tout le même effet ; & les métaux devroient se rouiller en Russie, aussi-bien que par-tout ailleurs proche la ligne équinoxiale. L’air ne peut pas non plus produire cet effet comme étant chargé de particules aqueuses, quoiqu’on le croie communément. Si cela étoit, l’air humide devroit causer le même effet dans la baie de Hudson, que sur les côtes de l’île de Barbade. Disons donc plutôt que lorsque les particules aqueuses, qui flottent dans l’air, sont chargées de sels acides, elles causent alors la rouille, & non autrement.

Nous voyons par-là, que les métaux deviennent à cet égard, une espece d’essai ou d’épreuve, pour la qualité de l’air, puisque par l’action que l’air fait sur eux, ils font connoitre s’il est chargé de certains sels ou non. Il est encore possible que la chaleur de l’air agisse en quelque façon sur les métaux, principalement sur leurs surfaces, en ouvrant leurs pores, & en les disposant par-la à admettre une plus grande quantité de cet esprit acide de sel élevé dans l’atmosphere par la force des rayons du soleil. (Le chevalier de Jaucourt.)

Rouille du froment, (Agricult.) la rouille est une maladie qui attaque les feuilles & les tiges du froment. Elle se manifeste par une substance de couleur de fer rouillé, ou de gomme-gutte ; elle couvre les feuilles & les tiges des fromens dans la plus grande force de leur végétation.

Cette substance est peu adhérente aux feuilles, puisqu’on a souvent vu des épagneuls blancs sortir leurs poils tout chargés de poussiere rouge, quand ils avoient parcouru un champ de froment attaqué de cette maladie.

De plus, il est d’expérience que quand il survient une pluie abondante, qui lave les fromens qui en sont attaqués, la rouille est presqu’entierement dissipée, & les grains en souffrent peu. Il n’est pas douteux que c’est la couleur de cette poussiere dont les feuilles se trouvent chargées, qui a déterminé les Agriculteurs à donner le nom de rouille à cette maladie ; & c’est peut-être celle que les anciens ont connue sous le nom de rubigo.

On l’attribue ordinairement, & mal-à-propos, aux brouillards secs qui surviennent quand les fromens sont dans la plus grande force de leur végétation. Cette erreur vient de ce qu’on a remarqué que quand un soleil chaud succédoit à ces brouillards secs, il arrivoit quelques jours après que les fromens étoient devenus rouillés. Ce qu’il y a de certain, c’est que cette maladie est extrèmement fâcheuse, puisque les fromens de la plus grande beauté sont tout-à-coup réduits presque à rien par cet accident imprévu.

Si la rouille attaque les fromens encore jeunes, & avant qu’ils aient poussé leurs tuyaux, le dommage est médiocre ; pourvû néanmoins qu’il survienne un tems propre à la végétation. Dans ces circonstances,

les piés sont seulement affoiblis, comme si on en avoit coupé, ou fait paitre les feuilles. Ces piés font de nouvelles productions, & ils donnent des épis ; la paille en est seulement plus courte, & les épis moins gros. Mais si la rouille attaque & les feuilles & les tuyaux, alors la végétation du froment est arrêtée, & le grain ne profite presque plus ; en sorte qu’il en résulte un très-grand dommage pour la moisson.

Cette triste maladie a été décrite par M. du Tillet. Ce laborieux observateur en attribue la cause à l’âcreté des brouillards, qui brisent le tissu des feuilles & des tuyaux, & qui occasionnent par-là l’extravasation d’un suc gras & oléagineux, lequel en se desséchant peu-à-peu, se convertit en une poussiere rouge-orangé. Il a examiné, dit-il, avec une forte loupe plusieurs piés de froment, dont les tiges & les feuilles étoient chargées de rouille, & il a vu distinctement que dans les endroits où étoit cette poussiere rouge, il y avoit de petites crevasses, & que l’épiderme de la plante étoit entr’ouverte d’espace en espace. Il a observé que ce suc réduit en poussiere rougeâtre, sortoit d’entre ces petites ouvertures, au-dessus desquelles on voyoit de légers fragmens d’épiderme, qui recouvroient imparfaitement les petites crevasses.

Il appuie son sentiment par l’extravasation du suc nourricier de plusieurs arbres, par exemple, des noyers, de la manne de Calabre, qui est un suc extravasé des feuilles d’une espece de frène ; enfin par ce que M. de Muschenbroeck rapporte dans ses Essais de Physique, des sucs épais & oléagineux qui sortent des vaisseaux excrétoires des feuilles, & qui s’arrêtent à leur surface avec la même consistance que le miel.

M. du Tillet rapporte plusieurs observations qui tendent à démontrer combien se trompent ceux qui croient que les brouillards sont un agent extérieur qui altere les grains. Il ne doute pas que la rouille des blés ne soit la suite d’une maladie dont le principe n’est pas encore assez bien connu.

Ceux-là se trompent encore, qui croient que la rouille, & la poussiere farineuse qu’on apperçoit sur plusieurs plantes, sont des amas d’œufs que des insectes y ont déposés, & dont il sort une nombreuse famille funeste aux végétaux. En adoptant avec l’auteur, pour cause de ces maladies l’extravasation des sucs nourriciers, on appercevra que la rouille, la rosée mielleuse, la rosée farineuse, & ces matieres grasses qu’on apperçoit sur les plantes graminées, dépendent de la qualité d’un suc concentré dans les plantes par l’évaporation, & qui se convertit tantôt en une poussiere impalpable, & tantôt en cette substance épaisse que l’on voit être de couleur rouge sur les feves de marais, rougeâtre sur les plantes graminées, verdâtre sur le prunier, jaunâtre sur le frêne, blanche sur le mélèse, &c.

Quoique ces remarques laissent bien des choses à desirer, elles peuvent néanmoins engager les Physiciens à s’exercer sur un objet aussi utile au public. M. Lullen de Châteauvieux, qui a fait tant de belles expériences sur la culture des terres, n’a pas dédaigné de communiquer au public d’excellentes observations sur la rouille, qui m’ont paru dignes d’entrer dans cet ouvrage.

Il soupçonne que cette maladie des blés provient d’une extravasation de la seve, d’autant que la végétation de la plante se trouve arrêtée, & que l’agrandissement des feuilles, l’allongement des tuyaux, & la croissance des épis sont suspendus : or comme la seve existe dans la plante, il faut qu’elle devienne quelqu’autre substance ; & peut-être se convertit-elle en cette poudre rouge-orangée, qui paroît le produit d’une véritable végétation, qui croît & qui