Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/407

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semblable à de la terre ou à de l’ochre ; c’est cet enduit que l’on nomme rouille.

Pour comprendre la formation de la rouille, on n’a qu’à faire attention aux propriétés de l’air ; de l’aveu de tous les Chimistes, il est chargé de l’acide vitriolique, qui est de tous les acides celui qui a le plus de disposition à s’unir avec le fer ; de l’union de cet acide avec ce métal, il résulte un sel neutre, connu sous le nom de vîtriol. Voyez Vitriol. Ce sel se décompose à l’air, & alors il s’en dégage une terre ferrugineuse brune ou rougeâtre, qui n’est autre chose que de l’ochre ou de la rouille ; d’où l’on voit que la rouille est la terre qui servoit de base au fer privée du phlogistique ; ce principe est si foiblement combiné dans le fer, que l’eau suffit pour l’en dégager.

On a tenté différens moyens pour prévenir la rouille ; mais il ne paroît pas qu’ils ayent eu le succès que l’on desiroit ; ces remedes n’ont été que momentanés, & lorsque les substances dont on avoit couvert le fer sont évaporées, l’air reprend son activité sur ce métal. Les huiles, les peintures, les vernis, sont les seuls moyens de garantir le fer de la rouille, sur-tout si l’on a soin de les renouveller de tems à autres ; du-moins ces substances empêchent la rouille de se montrer ; car dans le vrai elles contiennent de l’eau & de l’acide qui doivent nécessairement agir sur le fer par-dessous, & y former de la rouille.

L’enduit verd qui se forme sur le cuivre, & qui est connu sous le nom de verd-de-gris, peut aussi être regardé comme une espece de rouille.

Rouille la, (Arts.) un grand inconvénient du fer pour les usages de la vie, c’est la rouille, qui n’est pas moins que la dissolution de ses parties par l’humidité des sels acides de l’air ; l’acier y est aussi sujet, mais plus lentement. Il seroit très-utile pour les Arts d’avoir des moyens qui empêchassent ce métal d’être si susceptible de cet accident. On ne sait jusqu’à ce jour d’autre secret pour l’en préserver, autant qu’il est possible, que celui de le frotter d’huile ou de graisse : voici la recette d’un onguent propre à cet usage, imaginé par M. Homberg, & qu’on peut conseiller aux Chirurgiens pour la conservation de leurs instrumens.

Il faut prendre huit livres de graisse de porc, quatre onces de camphre, les faire fondre ensemble, y mêler du crayon en poudre une assez grande quantité pour donner à ce mélange une couleur noirâtre, faire chauffer les instrumens de fer ou d’acier qu’on desire préserver de la rouillure, ensuite les frotter, & les oindre de cet onguent.

Le fer est de tous les métaux celui qui s’altere le plus facilement : il se change tout en rouille, à-moins qu’on ne le préserve des sels de l’air par la peinture, le vernis, l’étamage. Il donne prise aux dissolvans les plus foibles ; puisque l’eau même l’attaque avec succès. Quelquefois une humidité legere & de peu de durée, suffit pour défigurer, & pour transformer en rouille les premieres couches des ouvrages les mieux polis. Aussi pour défendre ceux qui par leur destination, sont trop exposés aux impressions de l’eau, a-t-on cherché à les revêtir de divers enduits ; on peint à l’huile, on dore les plus précieux, on en bronze quelques-uns ; on a imaginé de recouvrir les plus communs d’une couche d’étain. Autrefois nos serruriers étoient dans l’usage d’étamer les verroux, les targettes, les serrures, les marteaux de porte ; & c’est ce qu’on pratique encore dans quelques pays étrangers. Journellement les Eperonniers étament les branches & les mords des brides. Enfin, on étame des feuilles de fer, & ces feuilles étamées sont ce que nous appellons du fer-blanc.

M. Ellys rapporte dans son voyage de la baye d’Hudson, que les métaux sont moins sujets dans cer-

tains climats très-froids à se rouiller que dans d’autres.

Cette observation qui paroît d’abord peu importante, mérite néanmoins l’attention des Physiciens ; car s’il est vrai qu’il y a une grande différence pour la rouille des métaux dans différens climats, on pourra alors se servir de cette différence, comme d’une indication pour les qualités similaires ou dissimilaires de l’air dans ces mêmes pays, & cette connoissance pourroit être utilement appliquée en plusieurs occasions.

Le sieur Richard Ligon qui a compilé une relation de l’île de Barbade, il y a plus d’un siecle, rapporte que l’humidité de l’air y étoit de son tems si considérable, qu’elle faisoit rouiller dans un instant les couteaux, les clés, les aiguilles, les épées, &c. Car, dit-il, passez votre couteau sur une meule, & ôtez-en toute la rouille ; remettez-le dans son fourreau, & ainsi dans votre poche ; tirez-le un moment après, & vous verrez qu’il aura commencé à se couvrir de tous côtés de nouvelle rouille ; que si vous l’y laissez pendant quelque tems, elle pénétrera dans l’acier, & rongera la lame. Il ajoute encore que les serrures qu’on laisse en repos se rouillent tout-à-fait au point de ne pouvoir plus servir, & que les horloges & les montres n’y vont jamais bien à cause de la rouille qui les attaque en dedans, & qui est un effet de l’humidité extraordinaire de l’air de ce pays. Il remarque aussi qu’avant leur arrivée dans cette île, ils observerent déja ces mêmes effets sur mer pendant quatre ou cinq jours, qu’ils eurent un tems extrèmement humide, dont il donne une description très-exacte, en prouvant par cela même que la cause de la rouille des métaux doit être attribuée entierement à l’humidité de l’air.

On peut dire que c’est un sentiment assez universellement reçu, que l’humidité fait rouiller les métaux ; & il est certain que cette relation de Ligon doit avoir paru à tous ceux qui l’ont lue, une preuve incontestable de cette opinion reçue : par la raison contraire, dans les pays qui environnent la baie de Hudson, les métaux y sont moins susceptibles de rouille que par-tout ailleurs ; on observe la même chose en Russie, & sans doute que la sécheresse de l’air de ce pays en est la cause. Cependant, quoique les métaux se rouillent dans l’île de Barbade par l’humidité de l’air, & qu’ils sont préservés de la rouille en Russie par la sécheresse de cet élément, on peut douter que l’idée générale de l’humidité soit seule suffisante pour rendre raison de tous les phénomenes qui accompagnent ordinairement la rouille. Il est très-certain que l’air des pays qui environnent la baie d’Hudson, est plutôt humide que sec ; car les brouillards continuels qui y regnent sont plus que suffisans, pour prouver que l’air y doit être humide dans un degré très considérable ; & toutesfois les métaux ne s’y rouillent pas comme dans d’autres endroits. Ne pourroit-on pas conclure de-là, que l’humidité seule n’est pas la cause de la rouille, quoiqu’il soit vrai d’un autre côté que celle-ci ne se trouve jamais, ou que rarement, sans humidité ?

En examinant avec attention la rouille, on trouve que c’est une solution des particules superficielles du métal, sur lequel elle se forme causée par quelque dissolvant fluide : mais il ne s’ensuit pas de-là, que tous les fluides indifféremment puissent causer de la rouille, ou ce qui revient au même, ronger & dissoudre les particules superficielles du métal : nous savons, par exemple, que l’huile, loin d’avoir cette propriété, sert plutôt à conserver les métaux contre la rouille. Or, en réfléchissant davantage sur ce sujet, & en examinant d’où vient que l’huile, & généralement toute sorte d’onguent & de graisse, fait cet effet sur les métaux ; on est porté à penser que l’huile conserve les métaux en les garantissant contre certaines