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cellence du nom de safran. L’embryon qui soutient la fleur, se change en un fruit oblong, à trois angles, partagé en trois loges qui contiennent des semences arrondies.

Le safran croît dans la plupart des pays, soit chauds, soit froids, en Sicile, en Italie, en Hongrie, en Allemagne, en Irlande, en Angleterre, dans plusieurs provinces de la France, dans la Guienne, dans le Languedoc, aux environs d’Orange, dans la Normandie & le Gâtinois. Le safran du Gâtinois & d’Angleterre passe pour le meilleur du monde, & on le préfere, avec raison, à l’oriental.

Le safran se multiplie commodément & communément par le moyen de ses bulbes, qui croissent tous les ans en grande quantité ; car lorsqu’on en seme la graine, il est plus long-tems à venir. On plante ses bulbes au printems, dans des sillons égaux & éloignés les uns des autres de six pouces. Ces bulbes ne produisent que des feuilles dans l’année où elles ont été plantées, & des fleurs l’année suivante au mois d’Octobre. Les fleurs ne durent qu’un ou deux jours après leur épanouissement. Quand elles sont tombées, il sort des feuilles qui sont vertes pendant l’hiver : elles sechent, se perdent au printems, & ne paroissent jamais pendant l’été.

Il arrive de-là qu’aussitôt que les fleurs du safran s’épanouissent, on les cueille au lever, ou au coucher du soleil, & on sépare les filamens du milieu de la fleur ; ensuite on les nettoie bien, on les seche & on les garde. Quelques jours après la premiere cueillette il s’éleve de nouvelles fleurs, on les cueille de nouveau, cette opération dure près de 30 jours.

Au mois d’Octobre, lorsque la plante fleurit, la racine n’est composée que d’une bulbe ; le printems & l’été suivant, elle en a deux l’une sur l’autre. Car lorsque les feuilles croissent au commencement de la belle saison, la partie supérieure de la racine d’où sortent les feuilles, croît aussi dans le même tems, jusqu’à ce qu’elle soit aussi grosse l’été que l’est la bulbe mere ; alors ayant acquis une constitution solide, pleine & succulente, la bulbe mere devient languissante, sans suc, flasque, & disparoît entierement dans le cours de l’automne : c’est l’image de la vie humaine.

Après que les fleurs sont passées, on retire les bulbes de la terre sur la fin d’Octobre ; on les garde dans un lieu sec sans les couvrir de terre ; on les tient éloignées des rayons du soleil de peur qu’elles ne se sechent, & cependant afin qu’elles murissent davantage, ce que l’on connoît quand les feuilles se fannent. Au retour du printems, on les plante de nouveau dans la terre.

Il est peu de plantes d’un aussi grand usage que le safran ; ses fleurs sont agréables à la vûe & à l’odorat. Son pistil est considéré comme une chose précieuse ; il entre dans les apprêts de cuisine ; il sert aux peintres en miniature ; il fournit aux teinturiers une très belle couleur, & les Médecins l’emploient dans plusieurs maladies. La fanne même & les pétales du safran servent dans les pays où on le cultive, à faire du fourrage pour les bestiaux.

Mais le safran, semblable aux plantes les plus précieuses, est tendre, délicat, & ne peut être conservé que par des soins proportionnés à ses usages ; aussi est-il attaqué de plusieurs maladies, qui toutes ensemble tendent à le détruire : cependant il n’en éprouve aucune plus dangereuse, ni qui lui soit plus nuisible, que celle que les habitans du Gâtinois appellent la mort. En effet, elle tue infailliblement le safran ; & de plus elle paroît contagieuse, & toujours en rond. D’une premiere plante attaquée, le mal se répand à celles d’alentour, selon des circonférences circulaires, & qui augmente toujours. On ne peut arrêter le mal que par des tranchées que l’on fait dans

le champ pour empêcher la communication, à-peu près comme dans une peste. C’est dans le printems, dans le tems de la seve, & lorsque le safran devroit avoir plus de force pour résister au mal, qu’il souffre ses plus grands ravages.

Comme il peut causer des dommages considérables, M. du Hamel, à qui d’ailleurs la simple curiosité de physicien auroit pû suffire, en étudia l’origine, & après un nombre de recherches, car il est très-rare que les premieres aillent droit au but, il la découvrit.

Une plante parasite, qui ne sort jamais de terre, & ne s’y tient guere à-moins de demi-pié de profondeur, se nourrit aux dépens de l’oignon du safran qu’elle fait périr, en tirant toute sa substance. Cette plante est un corps glanduleux ou tubercule, dont il sort des filamens violets, velus & menus comme des fils, qui sont ses racines ; ces racines produisent encore d’autres tubercules, & puisque les plantes qui tracent, tracent en tous sens, & que celle-ci ne peut que tracer, on voit évidemment pourquoi la maladie du safran s’étend toujours à la ronde. Aussi quand M. du Hamel examina un canton de safrans attaqués, il trouva toujours les oignons de ceux qui étoient au centre plus endommagés, plus détruits, & les autres moins, à proportion de leurs distances.

On voit pareillement pourquoi des tranchées rompent le cours du mal ; mais il faut qu’elles soient au moins profondes de demi-pié. Les laboureurs avoient trouvé ce remede sans le connoître, & apparemment sur la seule idée très-confuse de couper la communication d’une plante de safran à une autre. Il faut prendre garde de ne pas renverser la terre de la tranchée sur la partie saine du champ, on y renverseroit la plante funeste.

M. du Hamel a observé qu’elle n’attaque pas seulement le safran, mais encore les racines de l’hyeble, du coronilla flore vario, de l’arrête-bœuf, les oignons de muscari, & elle les attaque, tandis qu’elle ne touche pas au blé, à l’orge, &c. Ce n’est pas tant, comme on le pourroit croire, parce qu’elle fait un certain choix de sa nourriture, que parce qu’il lui est impossible à cause de la profondeur où elle se tient, de rencontrer des plantes dont les racines ou les oignons, ne sont qu’à une profondeur moindre. Hist. de l’acad. 1728. (D. J.)

Safran, (Chimie, Diete & Mat. méd.) ses filamens blanchâtres ou d’un jaune pâle par une de leur extrémité, & d’un rouge oranger ou purpurin par l’autre, d’une odeur assez agréable quoique forte, d’une saveur amere, &c. que tout le monde connoit sous le nom de safran, sont les étamines des fleurs d’une plante à qui appartient proprement le nom de safran ; mais d’après un usage fort reçu, on a transporté le nom de la plante à la seule de ses parties dont on fasse usage, comme on dit blé au lieu de semence de blé ; navets, au lieu de racines de navets, &c.

On doit choisir le safran récent, en filets larges, rouges, flexibles & gras au toucher, quoique sec, d’une odeur très-aromatique, & on doit rejetter celui qui est pâle & en brins menus, trop secs, peu odorans ; ou noirâtre, & ayant l’odeur de moisi. On doit outre cela, monder pour l’usage le safran choisi de la partie de ses filets qui est blanche ou jaunâtre.

Le safran contient un principe aromatique très abondant, très-expansible, & capable de parfumer une grande quantité d’eau, d’esprit-de-vin, d’huile par expression, &c.

Le safran contient aussi une partie colorante extrèmement divisible, & dont une très-petite portion peut teindre une quantité très-considérable de liquide aqueux ou spiritueux ; car cette substance est égale-