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rence des symptomes. On sent déja qu’ils ne saignoient que pour relâcher ; c’étoit en effet leur unique vue : ces maximes trouverent des partisans pendant trois ou quatre siecles ; mais enfin leur insuffisance fit qu’on ne les admit plus que pour ce qu’elles valoient. Gariopontus fit des efforts inutiles en leur faveur au milieu du xj. siecle. On n’en parloit plus qu’historiquement, jusqu’à ce que Prosper Alpin voulut, mais inutilement, rétablir cette ancienne doctrine.

Pour juger de la pratique des anciens méthodiques par rapport à la saignée, il nous reste le peu qu’en ont dit Celse, Pline, Galien, & enfin l’ouvrage de Cælius Aurelianus, qui rassemble ce que Thémison, Thessalus, & surtout Soranus son maître avoient dit. Il en fit un corps de doctrine estimable par la description des maladies, & la critique qu’on y trouve des maximes de plusieurs médecins, dont on chercheroit en vain des traces autre part. Cette secte, qui réprouvoit les purgatifs, les diurétiques, & en général les médicamens évacuans, quoiqu’elle mît souvent en usage les vomitifs ; qui accabloit les malades de ventouses, de scarifications, de sangsues, de fomentations, de bains, d’épispastiques, de linimens, de cataplasmes ; qui extenuoit d’abord ses malades par un jeûne sévere de trois ou au moins de deux jours ; qui avoit par rapport à l’air, au sommeil, à l’exercice, à la situation du malade, des attentions dignes d’être imitées ; saignoit peu, jamais jusqu’à défaillance, rarement avant le troisieme jour, & après le quatrieme, elle faisoit toujours attention aux forces pour s’y décider : si elles étoient affoiblies, les ventouses y suppléoient : du reste, quoiqu’ils choisissoient peu les veines, ils préferoient celles qui étoient opposées à la partie malade. Ils desapprouvoient la saignée des ranines, &, ce qu’on doit louer, ils faisoient moins d’attention à l’âge, qu’aux forces du malade. On voit aussi avec surprise que peu amis de la saignée, ils l’accordoient contre la paralysie, & la cachexie.

Celse qui vivoit à-peu-près dans le tems des premiers méthodiques, trouva la saignée si commune, qu’il étoit peu de maladies contre lesquelles on ne l’employât ; en se conformant aux regles établies par Themison, il en rendit l’usage moins fréquent. Il ne veut pas qu’on la pratique, lorsque les humeurs sont émues, mais qu’on attende le second ou le troisieme jour, & qu’on s’en défende après le quatrieme, dans la crainte de la foiblesse. Cette même crainte l’empêchoit de saigner jusqu’à défaillance. Il reconnoissoit que l’enfance, la grossesse, & la vieillesse étoient des contre-indications à la saignée, sans qu’on dût se l’interdire entierement dans ces cas. La douleur, les hémorrhagies, les convulsions, les inflammations, l’ardeur de la fievre, la cachexie, & la paralysie étoient auprès de lui, comme chez les méthodiques, les indications. C’étoit, selon lui, égorger un homme que de le saigner dans le redoublement. Il faisoit fermer la veine, lorsque le sang sortoit beau. Il reconnoissoit deux sortes d’apoplexies, dans l’une desquelles la saignée étoit mortelle, pendant qu’elle étoit salutaire dans l’autre, & cependant il ne donne aucune regle pour les distinguer.

Galien fut plus libéral que lui du sang de ses malades. Il saignoit quelquefois jusqu’à défaillance, ce qu’il regarde néanmoins comme dangereux. Il répétoit souvent la saignée, & il étoit peu de maladies où il ne la pratiquât pas. L’âge au-dessus de quatorze, la force du pouls, la grandeur de la fievre, &c. étoient les guides qu’il suivoit pour la saignée. Toutes les veines apparentes, & quelques arteres, étoient soumises à son cautere & à sa lancette. Il choisissoit le relâche que donne la fievre, les vaisseaux du côté malade, & ceux qu’il croyoit, selon la fausse théorie

de son tems, correspondre avec la partie affectée. Il est le premier, suivant la remarque de M. Leclerc, qui ait déterminé la quantité de sang qu’il avoit tiré. Jusques à lui aucun des médecins dont les ouvrages nous sont parvenus, n’avoit versé le sang avec autant de profusion ; c’est peut-être à cette époque que nous devons le funeste changement qu’introduisit dans la pratique de la médecine le raisonnement poussé trop loin.

Aretée contemporain de Galien, prescrivoit la saignée presque aussi fréquemment. Il saignoit dans les inflammations des visceres, les hémorrhagies, les douleurs, la mélancolie, l’épilepsie, l’éléphantiasis, l’ulcere de la vessie, la néphrétique, l’apoplexie, & dans les fievres ardentes plusieurs fois, par une large ouverture, jusque au point d’affoiblir le pouls, mais non pas de faire évanouir le malade. Dans le choix des veines, il se conduisoit comme Hippocrate & Galien, en préférant la plus voisine du mal ; c’est ainsi qu’il ouvroit les veines du pubis dans les inflammations de la matrice, celles du front dans les douleurs de tête, les ranines dans les inflammations de la gorge ; il pratiquoit aussi l’artériotomie.

Oribase, compilateur de Galien, suivit à-peu-près les mêmes regles dans sa pratique. Il interdisoit, comme lui, la saignée avant la puberté. Il préféroit d’y revenir plusieurs fois, à tirer tout le sang nécessaire dans une seule, sur-tout lorsque le malade étoit foible. Il vouloit que le médecin tînt le pouls, pendant que le sang couloit, crainte qu’il ne pérît dans la défaillance que causeroit une trop grande évacuation. Il vouloit encore que l’on saignât pendant que l’humeur est mue. Il se servoit plus souvent qu’aucun de ses prédécesseurs, de la saignée prophylactique, dans ceux qui sont sujets aux maladies qui l’exigent ; c’étoit sur-tout à l’entrée du printems que ces saignées avoient lieu. Il porta la quantité de sang qu’on doit tirer la premiere fois à une hémine (dix ou douze onces) au plus ; si les forces le permettent, on peut l’augmenter à la seconde. Il ne s’est cependant pas tellement attaché à ces mesures, qu’il ne recommande plusieurs attentions très-sages. Il ouvroit toutes les veines du corps, & quoiqu’il fît, comme Galien, certain choix des veines, dont notre théorie ne s’accommode pas ; il recommande expressément d’ouvrir la plus voisine de la partie affectée, ou sur la partie même. Spécialement dans les inflammations invétérées on peut, selon lui, saigner à toute heure du jour ou de la nuit, mais il faut attendre le déclin de la fievre ; & si la saignée n’est que de précaution, on la fera le matin. Il parle de l’artériotomie en médecin qui ne l’a jamais pratiqué ni vu faire. Antyllus, Hérodote, & sur-tout Galien, sont ses guides, dans tout ce qu’il dit au sujet de la saignée ; il n’a paru même à plusieurs médecins, qu’un copiste de ce dernier.

Aërius a mérité, à plus juste titre encore, d’être appellé le copiste d’Oribase & des auteurs précédens. Nous n’avons pas trouvé dans les ouvrages de ce médecin, un seul mot au sujet de la saignée, qui nous ait paru lui être propre ; ce qui nous force de passer rapidement sur sa pratique.

Alexandre de Tralles employoit la saignée contre toutes les inflammations, & contre la syncope que produit dans les fievres, la plénitude d’humeurs crues, à-moins que cette humeur ne fût bilieuse ; car dans ce cas il préféroit la purgation. Il saignoit les veines les plus voisines du mal, la jugulaire & les ranines dans l’esquinancie. Il parle de la dérivation qu’il pratiquoit en ouvrant la saphene, pour procurer le flux menstruel aux femmes.

Paul d’Ægine est le premier qui ait divisé la pléthore en celle qui est ad vires, & celle qui est ad vasa. Il donne les signes pour connoître l’une & l’au-