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Au bras il y a quatre veines qu’on a coutume d’ouvrir ; savoir, la céphalique, la médiane, la basilique & la cubitale : on pique ordinairement les veines au pli du bras ; mais on peut les ouvrir à l’avant-bras, au poignet & sur le dos de la main, lorsqu’on ne peut le faire au pli du bras.

On peut ouvrir deux veines au pié ; la saphene interne & la saphene externe : on ouvre ces vaisseaux sur la malléole interne ou externe ; & si on ne peut ouvrir ces veines sur les malléoles, & sur-tout l’interne qui est la plus considérable, on peut en ouvrir les rameaux qui s’étendent sur le pié.

On ouvre les veines en-long, en-travers & obliquement ; les grosses veines s’ouvrent en-long ; les petites & profondes, en-travers ; & les médiocres, obliquement.

On distingue deux tems dans l’ouverture des veines, celui de la ponction & celui de l’élévation ; le premier est celui qu’il faut pour faire le chemin de dehors en-dedans le vaisseau ; le second est le tems qu’il faut employer pour faire le chemin de dedans en dehors, en retirant la lancette. Pendant le premier tems, on fait la ponction avec la pointe & les deux tranchans ; & pendant le second, on aggrandit l’ouverture du vaisseau & des tégumens avec le tranchant supérieur de la lancette.

Avant l’opération, il faut préparer toutes les choses convenables pour la pratiquer, une bougie ou une chandelle allumée, en cas qu’on ne puisse pas profiter de la lumiere naturelle, une compresse, une bande, & un vaisseau pour recevoir le sang ; il faut en outre pour la saignée du pié avoir un chauderon, ou un sceau de fayence plein d’eau d’une chaleur supportable, pour raréfier le sang & gonfler les veines. On est quelquefois obligé de s’en servir lorsqu’on saigne au bras, & que les vaisseaux ne se manifestent pas assez. Le chirurgien doit avoir une personne au-moins pour éclairer, tenir le vaisseau qui est destiné à recevoir le sang, & donner quelque secours au malade, en cas de foiblesse ou d’autre accident.

Pendant l’opération, le malade doit être placé dans une situation commode ; il doit être couché, s’il est sujet à se trouver mal. On cherche l’endroit où est l’artere & le tendon ; on pose la ligature à la distance de trois ou quatre travers de doigt du lieu où l’on doit piquer. Voyez Ligature. On fait sur l’avant-bras quelques frictions avec le doigt indice & du milieu. Après avoir choisi le vaisseau qu’on doit ouvrir, on tire une lancette, on l’ouvre à angle droit, & on met à la bouche l’extrémité de la châsse, de façon que la pointe de l’instrument soit tournée du côté du vaisseau qu’on doit saigner. On donne encore quelques frictions, & l’on assujettit le vaisseau en mettant le pouce dessus, à la distance de trois ou quatre travers de doigt au-dessous de l’endroit où l’on doit piquer. On prend ensuite la lancette par son talon, avec le doigt indicateur & le pouce ; on fléchit ces deux doigts ; on pose les extrémités des autres sur la partie, pour s’assûrer la main ; on porte la lancette doucement, & plus ou moins à-plomb, jusque dans le vaisseau ; on aggrandit l’ouverture en retirant la lancette ; le sang rejaillit aussi-tôt. La personne chargée du vaisseau qui doit recevoir le sang, le présente, & on fait tourner le lancetier dans la main du bras piqué, pour faire passer plus vîte le sang par le mouvement des muscles. Pendant que le sang sort, on pose la main dessous l’avant-bras pour le soutenir. Quand le sang ne sort point en arcade, on lâche médiocrement la ligature ; on met l’ouverture des tégumens vis-à-vis celle de la veine, où l’on fait prendre différentes situations à cette ouverture.

Après l’opération, quand on a tiré la quantité suffisante de sang, on ôte la ligature ; on approche les deux levres de la plaie, en tirant un peu les tégumens

avec le doigt ; on nettoie les endroits que le sang a tachés ; on met la compresse sur l’ouverture, & on applique la bande. Voyez le bras droit de la fig. 1. Pl. XXX.

Outre ce qui vient d’être dit, il y a plusieurs remarques à faire sur cette opération, suivant le lieu où on la pratique.

Dans la saignée du bras ; 1°. le vaisseau qu’on doit ouvrir est quelquefois posé directement sur le tendon du muscle biceps, qui fait dans certains sujets une saillie. Il faut alors mettre en pronation le bras de la personne que l’on saigne ; & ce tendon qui a son attache derriere la petite apophyse du radius, se cache, pour ainsi dire, & s’enfonce.

2°. Il ne faut jamais piquer, à moins que le vaisseau ne soit sensible au tact, quand même quelques cicatrices l’indiqueroient ; car il seroit imprudent de piquer au hasard. Il y a des vaisseaux qui ne se font sentir que quelque tems après que la ligature est faite, & d’autres qu’il est nécessaire de faire gonfler en faisant mettre le bras dans l’eau tiede.

3°. Si la proximité du tendon ou de l’artere jointe à la petitesse du vaisseau, fait entrevoir quelque risque à saigner au pli du bras, il faut ouvrir la veine à l’avant-bras, au poignet, & même à la main.

4°. Quand les vaisseaux sont roulans, il faut bien prendre ses mesures pour les assujettir, en mettant le pouce dessus, ou en embrassant avec la main l’avant-bras par-derriere : cette derniere méthode les contient avec plus de fermeté.

5°. Une des regles les plus importantes de l’art de saigner est de porter la lancette plus ou moins perpendiculairement sur la peau, à proportion que le vaisseau est plus ou moins enfoncé. S’il est très-enfoncé, il faut porter la pointe de la lancette presque à plomb ; si on la portoit obliquement, elle pourroit passer par-dessus ; si le vaisseau est si enfoncé qu’on ne le puisse appercevoir que par le tact, il ne faut point perdre de vûe l’endroit sous lequel on l’a senti ; on peut le marquer avec le bout de l’ongle ; on y porte la pointe de la lancette, on l’enfonce doucement jusqu’à ce qu’elle soit entrée dans le vaisseau ; ce qu’une légere résistance & quelques gouttes de sang font connoître ; alors on aggrandit l’ouverture avec le tranchant supérieur de la lancette en la retirant. Comme ce sont ordinairement les personnes grasses qui ont les vaisseaux très-enfoncés, ils sont presque toujours entourés de beaucoup de graisse qui les éloigne de l’artere, du tendon & de l’aponévrose.

6°. Lorsque les vaisseaux sont apparens, ils sont quelquefois collés sur le tendon, sur l’aponévrose, ou sur l’artere. Pour les ouvrir, il faut porter la pointe de la lancette presque horisontalement : lorsqu’elle est dans la cavité du vaisseau, on éleve le poignet afin d’augmenter l’ouverture avec son tranchant. On évite d’atteindre des parties qu’il est dangereux de piquer, en portant ainsi sa lancette horisontalement.

Pour la saignée de la jugulaire, on observe quelques particularités. On met le malade sur son séant, & on lui garnit l’épaule & la poitrine avec une serviette en plusieurs doubles. On pose la ligature comme il a été dit au mot Ligature. On applique le pouce sur la ligature, & l’autre sur la veine pour l’assujettir ; on fait l’ouverture comme dans la saignée du bras. Si le sang ne sort pas bien, on fait mâcher au malade un morceau de papier ; & s’il coule le long de la peau, on se sert d’une carte en forme de gouttiere, qui s’applique au-dessous de l’ouverture par un bout, & qui de l’autre conduit le sang dans la palette. Après l’opération, on applique une compresse & un bandage circulaire autour du cou.

Pour faire la saignée du pié, on fait tremper les deux piés dans l’eau chaude ; on en prend un qu’on