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ce sel fut fixée en 1657 ; mais étant devenue insuffisante par l’accroissement des habitans, on y a suppléé par une quatrieme espece, dite sel rosiere ou d’extraordinaire. Il en est formé différens magasins où chaque particulier va, suivant ses besoins, en acheter au prix fixé par un tarif.

La cinquieme espece de sel en pains est appellée sel de Fribourg. Voyez ci-dessus.

Les quatre dernieres, dont deux sont en gros pains, appellés pour cela gros salés, se délivrent sous le titre de sel de redevance : 1o. pour anciennes fondations faites en faveur des églises, communautés religieuses & hôpitaux de la province : 2o. pour une partie des francs salés des anciens & des nouveaux officiers du parlement, de la chambre des comptes, des chancelleries, & d’autres officiers de la province ; on appelle franc-salé le droit qu’ils ont de lever, les uns gratis, & les autres à un prix très-modique, le sel qui leur est fixé : 3o. pour le rachat du droit de muire que différens particuliers avoient sur les salines.

Ce droit étoit fort ancien : il venoit de ce que divers particuliers, au tems que les salines appartenoient aux seigneurs de Salins, s’étoient associés pour travailler aux voûtes qui renferment les sources. Pendant ce travail, ils avoient aussi découvert d’autres sources salées, & ils en avoient séparé quelques-unes qui se mêloient avec les douces. Ce fut pour les récompenser que le prince leur accorda annuellement une certaine quantité d’eau salée qui se trouva divisée en 419 parts, lorsque les rois d’Espagne prirent possession de la Franche-Comté. Ces parts étoient appellés quartier, & chaque quartier étoit de 30 seaux d’eau salée.

Les rois d’Espagne devenus maîtres des salines formerent le dessein de réunir ces quartiers à leur domaine. Ils n’y trouverent de difficulté que de la part des gens d’église qui en possédoient la plus grande partie, vraissemblablement ensuite des dons qu’on leur en avoit fait. L’affaire fut portée à Rome, où elle ne fut cependant pas décidée à l’avantage des ecclésiastiques. Leurs portions furent estimées, & l’on en créa des rentes & redevances en sel, comme l’on avoit fait pour l’achat des droits des autres particuliers qui s’étoient prêtés de bonne grace à cet arrangement. Ce sont ces rentes & redevances, qu’on appelle rachat de droit de muire.[1]

Tous les bois qui se trouvent dans les quatre lieues autour de la ville de la Salins ont été affectés pour la fourniture des salines, par un réglement de la cour du premier Avril 1727. Les forêts comprises dans ces quatre lieues, que l’on nomme l’arrondissement des

salines[2] forment ensemble un total de 45340 arpens, dont environ les deux tiers sont au roi, & le reste appartient tant aux communautés qu’aux particuliers, qui ne sont pas les maîtres d’en disposer, & auxquels l’on n’accorde que le bois nécessaire à leurs usages. On leur paie le surplus à un prix fixé par la cour.

Le roi a établi par arrêt du 18 Janvier 1724, un commissaire général pour l’administration & la police des bois, ainsi que pour les chemins & rivieres de l’arrondissement. Cette administration est connue sous le nom de réformation des salines. Elle connoît tant au civil qu’au criminel, de toutes matieres concernant la police & l’administration des forêts.

La réformation est composée d’un commissaire général, d’un subdélégué, d’un lieutenant, d’un procureur du roi, d’un substitut du procureur du roi, de deux gardes-marteaux, d’un ingénieur & directeur des ouvrages, d’un receveur des épices & amendes, de deux arpenteurs, d’un garde-général collecteur des amendes, de deux gardes-généraux, & de 38 autres gardes particuliers.

Il y a encore dans cette saline une autre jurisdiction, à laquelle la maîtrise des eaux & forêts de Salins a été réunie en 1692. Elle connoît tant au civil qu’au criminel, & sauf l’appel à la chambre des comptes de Dole, de tout ce qui concerne les gabelles, conformément aux édits de 1703 & 1705. Elle est en même tems établie pour faire la visite des sources, & connoître de la police intérieure des salines. Cette jurisdiction a pour chef un juge visiteur des salines & maître particulier des eaux & forêts ; ses autres officiers sont les mêmes qu’à la réformation.

Le revenu annuel des salines de Salins peut être évalué, tous frais faits, aux environs de sept cens mille livres, dont quatre cens cinquante mille viennent de la Suisse. Il étoit plus considérable avant que la moitié de la Franche-Comté se fournît en sel de Montmorot.

Saline de Montmorot. Cette saline, remarquable par ses bâtimens de graduation, est située à 8 lieues sud ouest de Salins, dans une petite plaine, entre la ville de Lons le-Saunier, & le village dont elle porte le nom.

Il y a déja eu autrefois à Lons-le-Saunier des salines qui ont long-tems été les seules de la Franche-Comté. On prétend qu’elles existoient avant la venue des Romains dans les Gaules. La ville étoit connue sous le nom latin Lœdo, tiré du grec, qui veut dire flux & reflux. D’anciens mémoires assurent qu’on en observoit un dans les eaux salées du puits de Lons-le-Saunier, & que c’est de-là que cette ville a pris son nom. D’autres soutiennent que le mot de Lons, son ancienne dénomination françoise, à laquelle on a ajouté le Saunier depuis trois siecles seulement, signifioit un vaisseau de 24 muids qui re-

    empêchent que ceux qui en sont munis, ne soient arrêtés par les gardes.

    Les sauniers payent 13 deniers pour le chargement de chaque charge de sel levé à la grande saline, & 8 deniers seulement pour celui qu’ils levent à la petite. La ferme abandonne ce droit aux poulins qui portent les sels au devant de la saline sur la place où l’on charge les voitures.

    Le poulin auquel les sauniers donnent leurs billets de délivrance, les remet à mesure qu’il délivre la quantité de sel énoncée au guette, qui à la porte de la saline, compte sur un chapelet les charges que l’on en sort, & vérifie si elles quadrent avec l’énoncé du billet.

    On oblige les sauniers d’amener à Salins douze mesures de blé, en venant lever leur sel ; faute de quoi il leur est refusé. Cette loi est très-sage pour prévenir les disettes auxquelles la ville seroit exposée sans cela.

  1. L’entrepreneur des salines a pour la partie des bois grand nombre d’employés, dont voici les noms & les fonctions.

    Deux visiteurs des bois taillis chargés de suivre l’exploitation des forêts appartenant tant au roi qu’aux communautés.

    Trois taxeurs, dont deux à la saline & un au chantier de la ville. Ils sont établis à l’entrée des deux salines pour taxer aux voituriers le montant de leurs voitures : si le voiturier est mécontent il fait mouler son bois.

    Deux buralistes ; ils retirent des mains des voituriers les billets des taxeurs, & leur en donnent d’autres sur lesquels ils vont se faire payer du prix de leur voiture chez le payeur des bois.

    Un garde visiteur ; il est chargé de faire des visites dans les maisons des villages, autour des forêts & des routes, d’empêcher le vol des bois, & remplacer au besoin les visiteurs & les taxeurs.

    Trois commis aux entrepôts ; ils sont les fonctions de buralistes & de taxeurs pour les bois qui arrivent à leurs entrepôts.

    Cinq commis tailleurs des futaies de sapin ; ils sont préposés à l’exploitation des futaies, & des bois taillis sous futaies ; font façonner les douves & bois de construction, réduire ce qui n’y est pas propre en bois de corde, & les délivrent aux voituriers.

  2. Par arrêt du 4 Août 1750, les bois situés dans les deux lieues excédantes les quatre premieres, furent encore mis sous la jurisdiction de la réformation, & affectés en cas de besoin, au service des salines.

    Mais cette nouvelle affectation n’a pas encore été exécutée, à cause des différens ordres que le ministre a donnés pour y surseoir ; il y a même apparence que l’on pourra s’en passer toujours, si l’on continue à bien administrer les bois compris dans les quatre premieres lieues de l’arrondissement.