Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/818

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& sa laideur fut par accident la principale cause de son immortalité. Mais il n’est pas vrai, selon Pline, que ce poëte indigné composa contre les deux freres sculpteurs des vers si piquans, qu’il les réduisit à se pendre de désespoir. Ce fait, dit l’historien, est avancé faussement, puisque depuis ce tems-là, ils firent quantité de statues avec cette inscription, que l’île de Chio étoit également recommandable par ses vignobles & par les ouvrages des fils d’Anthernus. Il ajoute qu’ils firent une Diane si singulierement taillée, que son aspect paroissoit mélancholique à ceux qui entroient dans le temple, & fort gai à ceux qui en sortoient. Pline ajoute : on conserve dans Rome plusieurs ouvrages de ces mêmes artistes : on en voit dans le temple d’Apollon, sur le mont Palatin, & dans les bâtimens publics qu’Auguste a élevés.

Bysès de Naxie, est célebre pour avoir trouvé l’art de tailler le marbre en forme de tuile ; la couverture du temple de Cérès à Eleusis étoit d’un beau marbre du mont Pentelique, taillé de la main de ce maître en forme de tuile. On disoit du tems de Pausanias, qu’il y avoit à Naxie plusieurs statues qui portoient que cette invention, étoit dûe à Bysès. On prétend qu’il florissoit dans le tems qu’Halyate étoit roi de Lydie, & qu’Astyage, fils de Cyaxare regnoit sur les Mèdes, c’est-à-dire, six cens trente ans avant l’ere chrétienne.

Calamis étoit graveur & statuaire. Il avoit fait pour un temple d’Athènes une belle statue d’Apollon libérateur. Ses ouvrages ont été fort estimés, cependant ils étoient au-dessous de ceux de Myron, dont nous parlerons.

Calliclès, statuaire de Mégare. Il fit la statue de Diagoras, qui avoit remporté la palme au combat du Ceste ; ouvrage qui lui attira l’admiration publique. Voyez Pausanias, l. VI.

Callicrate. On ne sait pas dans quel tems il a vécu. On dit qu’il gravoit un vers d’Homere sur un grain de millet, qu’il fit un chariot d’ivoire qu’on pouvoit cacher sous l’aile d’une mouche, & des fourmis d’ivoire dont on pouvoit distinguer les membres. Ce sculpteur ingénieux mettoit du poil ou des soies noires auprès de ses ouvrages, pour faire voir d’un côté la blancheur de l’ivoire, & de l’autre la délicatesse de son travail. Pline, Elien, Plutarque, & autres anciens ont beaucoup parlé de ce célebre artiste.

Callimaque est fameux par sa lampe d’or, qu’on voyoit dans le temple de Minerve Poliade à Athènes. On emplissoit d’huile cette lampe au commencement de chaque année, sans qu’il fût besoin d’y toucher davantage, quoiqu’elle fût allumée jour & nuit. Cela vient, dit Pausanias, de ce que la meche de cette lampe est de lin de Carpasie, c’est-à-dire, qu’elle étoit d’amiante. Callimaque, auteur de cet ouvrage, n’étoit pas cependant de la force des grands artistes, mais il les surpassoit dans une certaine dextérité de l’art. Il est le premier qui ait trouvé le secret de percer les marbres, & il étoit d’un goût si difficile pour ses propres ouvrages, qu’on l’appelloit communément κακιζότεχνον, l’ennemi juré, ou le calomniateur de l’art ; soit que ce nom lui fût donné par les autres, ou qu’il l’eût pris lui-même. C’est ainsi qu’en parlent Pausanias, l. I. & Pline, l. XXXIV. c. xix.

Callon. Pausanias nomme deux statuaires de ce nom, celui de l’île d’Egine, & un autre qui étoit éléen ; le premier étoit le plus ancien, & le plus renommé ; il avoit été disciple de Tecteus & d’Angelion, qui apprirent leur art sous Dipaene & sous Scyllis. Le Callon d’Egine, fit une Minerve Sthéniade en bois, qu’on avoit placée dans la citadelle de Corinthe. Sa Proserpine étoit à Amiclée ; Callon Eléen travailla en bronze.

Canachus de Sicyone, éleve de Polyclète d’Argos, florissoit, selon Pline, l. XXXVI. c. v. dans la 95

olympiade. Ses ouvrages étoient estimés. Il avoit fait pour le temple de Vénus, dans sa patrie, la statue de la déesse assise. Cette statue étoit d’or & d’ivoire, portant sur la tête une espece de couronne terminée en pointe, qui représentoit le pole : elle tenoit d’une main un pavot, & de l’autre une pomme. On estimoit encore beaucoup l’Apollon dydiméen qu’il fit pour la ville de Milet, & son Apollon isménien pour celle de Thèbes. Il fit aussi des badinages de l’art en petit & d’une méchanique très-ingénieuse. Nous en citerons un exemple à l’article de Théodore ; c’est assez de dire ici, que Canachus étoit frere d’Aristoclès, qui ne lui cédoit guere en habileté.

Cantharus de Sycione est loué par Pausanias. Pline dit qu’il travailloit également tous ses ouvrages, mais qu’il n’en a porté aucun à une grande perfection. Son maître Eutychide s’étoit rendu plus célebre ; aussi avoit-il été disciple de Lysippe.

Céphissodore athénien, fils de Praxitele, hérita de son bien & de son talent. Il tailla trois statues des Muses, dont on décora le mont Hélicon. Dans sa statue de la paix pour les Athéniens, il la représentoit avec esprit tenant le petit Plutus dans son sein. On admiroit à Pergame un groupe de lutteurs de la façon de ce maître ; & ce n’est pas sans raison, ajoute Pline ; car leurs mains paroissent entrer dans la chair, & non dans le marbre.

Chalcosthène, dont l’attelier donna le nom au céramique à Athènes, fit des ouvrages en terre qui n’étoit pas cuite, cruda opera, c’est-à-dire, qui n’étoit vraissemblablement que desséchée au soleil. Nous avons, dit M. de Caylus, plusieurs exemples anciens & modernes de cette pratique, quoiqu’elle ne soit pas des meilleures : la terre trop sujette aux accidens qui la peuvent détruire, a besoin d’un tems considérable pour sécher avant que de pouvoir être mise en place ; il faut estimer sa diminution, qui n’est pas toujours égale ni dans sa totalité, ni dans ses parties, sur-tout lorsque les morceaux sont d’une certaine étendue. Il eût été plus simple de cuire ces morceaux, ainsi que Dibutades en avoit donné l’exemple ; mais Chalcosthène vouloit peut-être affecter une nouveauté dont l’usage ne pouvoit être continué, sur-tout dans un pays tel que la Grece, où l’idée de la postérité étoit en grande recommandation ; cependant nous devons savoir gré à Pline de nous avoir indiqué toutes les différentes façons de travailler la terre.

Charès de Linde, s’est immortalisé par le colosse de Rhodes, auquel il s’occupa pendant douze ans, & n’eut pas le bonheur de le finir. Ce colosse couta trois cens talens, un million quatre cens dix mille livres. Suivant Sextus Empiricus, Charès s’étoit trompé ; il n’avoit exigé que la moitié de la somme nécessaire, & quand l’argent qu’il avoit demandé se trouva dépensé au milieu de l’ouvrage, il se donna la mort de chagrin.

Le consul P. Lentulus consacra dans le capitole deux têtes apparemment de bronze, & qui, selon Pline, attiroient toute l’admiration. L’une étoit de la main de Charès, & l’autre de celle de Décius statuaire romain, dont l’ouvrage affoibli seulement par la comparaison, ne sembla être que celui d’un écolier. C’est, dit M. de Caylus, Pline lui-même qui donne ici son jugement en connoisseur & en homme de l’art, que le préjugé public ne séduit point.

Ctésilas représenta en bronze un homme blessé à mort, & dans un état qu’on pouvoit juger, dit Pline, l. XXXIV. c. viij. le peu de tems qu’il avoit encore à vivre : vulneratum deficientem, in quo possit intelligi quantùm restet animæ ; termes qui peignent bien l’enthousiasme que produit une belle opération de l’art. Nous jugeons encore aujourd’hui que le