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François ayant remarqué que les ministres du roi d’Espagne affectoient de se qualifier ministres d’état, M. de Laubespine, secrétaire des commandemens & finances du roi, qui signa pour lui ce traité, fut aussi qualifié secrétaire d’état ; c’est depuis ce tems que les secrétaires des commandemens & finances ont pris le titre de secrétaire d’état, & qu’ils ont laissé le titre de secrétaires des finances aux autres secrétaires du roi qui portent ce nom.

Jusqu’en 1588, les secrétaires d’état avoient prêté serment entre les mains du chancelier ou du garde des sceaux ; mais Henri III. voulut qu’un nouveau pourvu de cette charge prêtât le serment immédiatement entre ses mains : ce qui s’est depuis toujours pratiqué de même.

Du tems de la régence de M. le duc d’Orléans, il y eut un édit du mois de Janvier 1716, qui supprima l’un des offices de secrétaire d’état dont étoit encore pourvu M. de Voisin, quoiqu’il fût chancelier de France dès 1714. Cet édit fut registré le 8 Février suivant. A la fin de Septembre 1718, les offices de secrétaire d’état furent mis au nombre de 5, dont les deux derniers n’étoient que par commission.

Ces charges sont devenues si considérables, que les conseillers d’état se tiennent honorés d’y parvenir. Sous Henri II. le connétable de Montmorenci, le duc de Nevers, le duc de Guise & quelques autres grands remplirent ces fonctions. Guillard. Hist. du conseil, p. 126.

Les autres maisons qui ont fourni le plus de secrétaires d’état, sont celles de Brulart, le Tellier, Lomenie, Colbert, & surtout celle de Phelipeaux qui en a fourni jusqu’à 10, & ce qui est encore remarquable par rapport à la quatrieme charge, c’est que depuis 1621 elle a toujours été possédée par des personnes du nom de Phelipeaux. M. le comte de Saint-Florentin, ministre & secrétaire d’état, qui possede cette charge depuis 1723, est le septieme de son nom qui l’ait ainsi possédé de suite & sans aucune interruption.

On a deja observé que les secrétaires d’état étoient obligés d’être pourvus d’un office de secrétaire du roi ; le college des secrétaires du roi obtint en conséquence en 1633 un arrêt contre M. de Savigny, secrétaire d’état, qui lui ordonna de se faire pourvoir dans six mois d’une de leurs charges ; cet usage n’a été changé qu’en 1727, à l’occasion de M. Chauvelin, garde des sceaux & secrétaire d’état ayant le département des affaires étrangeres, lequel fut le premier dispensé d’être secrétaire du roi : ce qui fut étendu en même tems à tous les autres secrétaires d’état.

Les secrétaires d’état ont présentement par leur brevet le titre de secrétaires d’état des commandemens & finances de Sa Majesté ; néanmoins, en parlant d’eux, on ne les désigne communément que par le titre de secrétaires d’état. Le roi les qualifie de ses amés & féaux.

Leurs places n’étoient autrefois que de simples commissions ; mais depuis 1547, elles ont été érigées en titre d’office.

Ces offices donnent la noblesse transmissible au premier degré, & même la qualité de chevalier à ceux qui n’auroient pas d’ailleurs ces prérogatives.

Les secrétaires d’état sont officiers de plume & d’épée ; ils entrent chez le roi & dans ses conseils, dans leurs habits ordinaires & l’épée au côté.

Leurs fonctions sont aussi honorables qu’elles sont importantes, puisqu’ils sont admis dans la confiance du prince pour les affaires les plus secrettes : ce sont eux qui dressent les différens traités de paix & de guerre, d’alliance, de commerce & autres négociations ; ils les signent au nom du roi, les conservent dans leur dêpôt, & en délivrent des expéditions authentiques.

Ce sont eux pareillement qui dressent & qui expédient les lettres des dons & brevets, les lettres de cachet & autres dépêches du roi.

Les secrétaires d’état ont chacun leur département. Louis XI. les avoit fixés par un réglement du 11 Mars 1626 ; mais il a été fait depuis bien des changemens, & les départemens des secrétaires d’état ne sont point attachés fixément à leur office, ils sont distribués selon qu’il plait au roi.

Le secrétaire d’état qui a le département des affaires étrangeres, a aussi ordinairement celui des pensions & expéditions qui en dépendent, les dons, brevets & pensions autres que des officiers de guerre ou des étrangers pour les provinces de son département.

Celui qui a le département de la marine a aussi de même ordinairement tout ce qui y a rapport, comme les fortifications de mer, le commerce maritime, les colonies françoises, avec toutes les pensions & expéditions qui en dépendent.

Celui qui a le département de la guerre, a en même tems le taillon, les maréchaussées, l’artillerie, les fortifications de terre, les pensions, dons & brevets des gens de guerre, tous les états-majors, à l’exception des gouverneurs généraux, des lieutenans généraux & des lieutenans de roi des provinces qui ne sont pas de son département, les haras du royaume & les postes.

Enfin le quatrieme secrétaire d’état a ordinairement pour son département la maison du roi, le clergé, les affaires générales de la religion prétendue réformée, l’expédition de la feuille des bénéfices, les économats, les dons & brevets autres que des officiers de guerre ou des étrangers pour les provinces de son département.

Pour ce qui est des provinces & généralités du royaume, elles sont distribuées à-peu-près également aux quatre secrétaires d’état.

Les dépêches que le roi envoie dans chacune de ces provinces, sont expédiées par le secrétaire d’état qui a cette province dans son état. Toutes les lettres & mémoires que ces provinces ou les villes qui en dépendent, adressent au roi, doivent passer par les mains du secrétaire d’état qui les a dans son département, & les députés des parlemens & autres cours souveraines, des états généraux, des provinces ou des villes, sont conduits à l’audience du roi par le secrétaire d’état qui a dans son département la province ou ville d’où vient la députation.

Anciennement les secrétaires d’état avoient chacun pendant trois mois de l’année l’expédition de toutes les lettres, dons & bénéfices que le roi accordoit pendant ce tems ; présentement chacun expédie les dépêches qui sont pour les affaires & provinces de son département.

Le secrétaire d’état des affaires étrangeres est ministre notaire, & en cette qualité il a entrée & séance dans tous les conseils du roi : c’est lui qui rapporte au conseil d’état ou des affaires étrangeres toutes les affaires de cette nature qui se présentent à examiner.

Le roi accorde aussi ordinairement au bout d’un certain tems aux autres secrétaires d’état le titre de ministre, en les faisant appeller au conseil d’état.

Les secrétaires d’état ont tous entrée au conseil des dépêches, quand même ils n’auroient pas la qualité de ministre. Anciennement les dépêches s’expédioient ordinairement dans la forme d’un simple travail particulier dans le cabinet du roi, auquel chaque secrétaire d’état rendoit compte debout des affaires de son département. Ils ne prenoient séance devant le roi que lorsque Sa Majesté assembloit un conseil pour les dépêches ; mais depuis long-tems les dépêches s’expédient dans la séance du conseil appellée conseil des dépêches. Voyez ci-devant Conseil du roi.