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qui reste dû par la cloture & arrêté d’un compte, toute déduction faite de la dépense & des reprises.

Suivant l’article 1. du titre 29. de l’ordonnance de 1667 de la reddition des comptes, tous tuteurs, protuteurs, curateurs, fermiers judiciaires, sequestres, gardiens, & autres qui ont administré le bien d’autrui, sont réputés comptables, encore que leur compte soit clos & arrêté, jusqu’à ce qu’ils aient payé le reliqua, s’il en est dû, & remis toutes les pieces justificatives. Voyez Administrateur, Compte, Communauté, Curatelle, Tutelle. (A)

RELIQUAIRE, s. m. (Hist. ecclés.) vase d’or d’argent ou d’autre matiere propre & ornée, dans lequel on garde les reliques des saints. Voyez Chasse & Reliques.

RELIQUAT de compte, (Comm.) c’est ce qui est dû par un comptable, après que son compte est arrêté. Voyez Compte.

RELIQUATAIRE, s. m. (Jurisprud.) est celui qui se trouve redevable d’un reliquat de compte. V. ci-devant Reliquat.

RELIQUE, s. f. (Hist. ecclés. & prof.) ce mot tiré du latin reliquiæ, indique que c’est ce qui nous reste d’un saint ; os, cendres, vêtemens, & qu’on garde respectueusement pour honorer sa mémoire ; cependant si l’on faisoit la revision des reliques avec une exactitude un peu rigoureuse, dit un savant bénédictin, il se trouveroit qu’on a proposé à la piété des fideles un grand nombre de fausses reliques à révérer, & qu’on a consacré des ossemens, qui loin d’être d’un bienheureux, n’étoient peut-être pas même d’un chrétien.

On pensa, dans le iv. siecle, d’avoir des reliques des martyrs, sous les autels dans toutes les églises. On imagina bien-tôt cette pratique comme si essentielle, que S. Ambroise, malgré les instances du peuple, ne voulut pas consacrer une église, parce, disoit-il, qu’il n’y avoit point de reliques. Une opinion si ridicule prit néanmoins tant de faveur, que le concile de Constantinople in Trullo, ordonna de démolir tous les autels sous lesquels il ne se trouveroit point de reliques.

L’origine de cette coutume, c’est que les fideles s’assembloient souvent dans les cimetieres où reposoient les corps des martyrs ; le jour anniversaire de leur mort, on y faisoit le service divin, on y célébroit l’Eucharistie. L’opinion de l’intercession des saints, les miracles attribués à leurs reliques, favoriserent les translations de leurs corps dans les temples ; enfin le passage figuré de l’Apocalypse, ch. vj. v. 9. « Je vis sous les autels les ames de ceux qui avoient été tués pour la parole de Dieu », autorisa l’usage d’avoir toujours des reliques sous l’autel. Scaliger a prouvé tous ces faits dans son ouvrage sur la chronique d’Eusebe.

Avant que d’aller plus loin, considérons un moment l’importance qu’il y a d’arrêter de bonne heure des pratiques humaines qui se rapportent à la religion, quelqu’innocentes qu’elles paroissent dans leur source. Les reliques sont venues d’une coutume qui pouvoit avoir son bon usage réduit à ses justes bornes. On voulut honorer la mémoire des martyrs, & pour cet effet l’on conserva autant qu’il étoit possible, ce qui restoit de leurs corps ; on célébra le jour de leur mort, qu’on appelloit leur jour natal, & l’on s’assembla dans les lieux que ces pieux restes étoient enterrés. C’est tout l’honneur qu’on leur rendit pendant les trois premiers siecles : on ne pensoit point alors qu’avec le tems les Chrétiens dussent faire des cendres des os des martyrs l’objet d’un culte religieux ; leur elever des temples ; mettre ces reliques sur l’autel ; séparer les restes d’un seul corps ; les transporter d’un lieu dans un autre ; en prendre l’un un morceau, l’autre un autre morceau ; les montrer dans

des châsses ; & finalement en faire un trafic qui excita l’avarice à remplir le monde de reliques supposées. Cependant dès le iv. siecle, l’abus se glissa si ouvertement, & avec tant d’étendue, qu’il produisit toutes sortes de mauvais effets.

Vigilance fut scandalisé avec raison du culte superstitieux que le vulgaire rendoit aux reliques des martyrs. « Quelle nécessité, dit-il, d’honorer si fort ce je ne sais quoi, ce je ne sais quelles cendres qu’on porte de tous côtés dans un petit vase ? Pourquoi adorer, en la baisant, une poudre mise dans un linge ? » Nous voyons par-là la coutume du paganisme presque introduite, sous prétexte de religion. Vigilance appelle les reliques qu’on adoroit, un je ne sais quoi, un je ne sais quelles cendres, pour donner à entendre que l’on faisoit déjà passer de fausses reliques pour les cendres des martyrs ; & qu’ainsi ceux qui adoroient les reliques, couroient risque d’adorer toute autre chose que ce qu’ils s’imaginoient. Ces fraudes, dirai je, pieuses ou impies, si multipliées dans les siecles suivans, étoient déja communes.

S. Jérôme nous en fournit lui-même un exemple remarquable, qui suffiroit pour justifier Vigilance, qu’il a si maltraité à ce sujet. Peut-on croire, sans un aveuglement étrange, que plus de quatorze cens ans après la mort de Samuel, & après tant de révolutions arrivées dans la Palestine, on fût encore où étoit le tombeau de ce prophete, enseveli à Rama ? Samuel, xxvj. Cependant on nous dit que l’empereur Accadius fit transporter de Judée à Constantinople, les os de Samuel, que des évêques portoient environnés d’une étoffe de soie, dans un vase d’or, suivis d’un cortege de peuple de toutes les églises, qui ravis de joie, comme s’ils voyoient le prophete plein de vie, allerent au-devant des ses reliques, & les accompagnerent depuis la Palestine jusqu’à Chalcédoine, en chantant les louanges de Jesus-Christ. Il n’en faut pas davantage pour montrer jusqu’où la fourberie & la crédulité avoient déjà été portées, & combien Vigilance avoit raison de dire, qu’en adorant les reliques, on adoroit je ne sais quoi. Cette raison seule devoit bien réprimer l’empressement de ceux qui couroient après les reliques, dans la crainte d’être les dupes de l’avarice des ecclésiastiques, qui userent de ce moyen pour s’attirer des offrandes. Vigilance vouloit donc qu’on fît un juste discernement des vraies reliques d’avec les fausses ; & qu’à l’égard même des vraies, on modérât les honneurs qu’on leur rendoit.

On eût très-bien fait sans doute de suivre le conseil de Vigilance, au sujet des reliques ; car il arriva que la superstition fut soutenue & encouragée par l’intérêt. Le peuple est superstitieux, & c’est par la superstition qu’on l’enchaîne. Les miracles forgés au sujet des reliques, devinrent un aimant qui attiroit de toutes parts des richesses dans les églises où se faisoient ces miracles. Si S. Jérôme se fût bien conduit, il se seroit opposé vigoureusement à une superstition qui n’étoit déjà que trop difficile à déraciner ; il auroit au moins su bon gré à Vigilance de sa résolution courageuse ; & loin de le rendre l’objet de la haine publique, il auroit dû seconder ses efforts.

En effet, dès l’année 386, l’empereur Théodose le grand fut obligé de faire une loi, par laquelle il défendoit de transporter d’un lieu dans un autre, les corps ensevelis, de séparer les reliques de chaque martyr, & d’en trafiquer. Quinze ans après, le 5e. concile de Carthage ordonna aux évêques de faire abattre les autels qu’on voyoit élever par-tout dans les champs & sur les grands chemins, en l’honneur des martyrs, dont on enterroit çà & là de fausses reliques, sur des songes & de vaines révélations de toutes sortes de gens.

S. Augustin reconnoit lui-même les impostures que