Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/88

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place honorable aux grands jeux, & que l’entrée n’en étoit pas même interdite aux vierges. Quelle apparence en effet qu’on eût voulu exclure la moitié d’une nation de jeux publics approuvés par les dieux ? Ce que la religion consacre est ordinairement commun à tous, & paroît toujours bien.

La pudeur réforma chez les Romains les lupercales, qu’on célébroit en l’honneur du dieu Pan. Evandre les avoit apportées de la Grece avec toute leur indécence : des bergers nuds couroient lascivement çà & là, en frappant les spectateurs de leurs fouets. Romulus habilla ses luperques ; les peaux des victimes immolées leur formoient des ceintures. Enfin le peuple romain paroît n’avoir franchi les bornes de la pudeur que dans les jeux floraux : encore en montra-t-il un reste lorsque, sous les yeux de Caton, il n’osa pas demander la nudité des mimes, & Caton se retira pour ne pas troubler la fête.

Les sacrifices faisoient la partie la plus essentielle du culte religieux des Grecs & des Romains. Ce ne fut pas une chose indifférente lorsque les hommes s’aviserent d’égorger des animaux pour honorer la divinité, au-lieu d’offrir simplement les fruits de la terre. Le sang des taureaux fit penser à plus d’un peuple que le sang des hommes seroit encore plus agréable aux dieux. Si cette idée n’avoit saisi que des barbares, nous en serions moins surpris ; les Grecs, dont les mœurs étoient si douces, s’y laisserent entraîner. Calchas, si nous en croyons Eschyle, Sophocle & Lucrece, sacrifia Iphigenie en Aulide. Homere n’en convient pas, puisque qu’Agamemnon l’offre en mariage à Achille dix ans après. Mais la coutume impie perça à-travers cette différence de sentimens ; & l’histoire nous fournit d’ailleurs des faits qui ne sont pas douteux. Lycaon, roi d’Arcadie, immola un enfant à Jupiter Lycien, & lui en offrit le sang. Le nom de Calliroë est connu : le bras étoit levé, elle expiroit, si l’amoureux sacrificateur, en s’appliquant l’oracle, ne se fût immolé pour elle. Aristodeme enfonça lui-même le couteau sacré dans le cœur de sa fille, pour sauver Messene. Et ce n’est point là de ces fureurs passageres que les siecles ne montrent que rarement. L’Achaïe voyoit couler tous les ans le sang d’un jeune garçon & d’une vierge, pour expier le crime de Menalippus & de Cometho, qui avoient violé le temple de Diane par leurs amours.

Je sais que Lycurgue & d’autres législateurs abolirent ces sacrifices barbares. Rome n’eut pas la peine de les proscrire, elle n’en offrit jamais. Dire que les Grecs étoient encore bien nouveaux & peu policés lorsqu’ils donnerent dans ces excès de religion, ce n’est pas les justifier : quoi de plus dur & de plus féroce que les Romains sous Romulus ? cependant aucune victime humaine ne souilla leurs autels, & la suite de leur histoire n’en fournit point d’exemple : au contraire ils en marquerent une horreur bien décidée, lorsque dans un traité de paix ils exigerent des Carthaginois qu’ils ne sacrifieroient plus leurs enfans à Saturne, selon la coutume qu’ils en avoient reçue des Phéniciens leurs ancêtres.

Néanmoins Lactance & Prudence au iv. siecle, viennent nous dire qu’ils ont vu de ces détestables sacrifices dans l’empire romain. Si c’eût été là une continuation des anciens, Tite-Live, Denys d’Halicarnasse, cet auteur fidele & curieux, qui nous a fait connoître à fond les Romains, enfin tous les autres historiens nous en auroient montré quelque vestige. Mais quand il y auroit eu de ces horribles sacrifices au iv. siecle, il ne seroit pas étonnant que dans une religion qui périssoit avec Rome, on eût introduit des pratiques monstrueuses.

Assurément les dévouemens religieux qui se fai-

soient pour la patrie, ne sont pas du nombre des

sacrifices qu’on peut reprocher aux Romains. Un guerrier animé d’un pareil motif, un consul même, après certaines cérémonies, des prieres & des imprécations contre l’ennemi, se jettoit, tête baissée, dans le fort de la mêlée ; & s’il n’y succomboit pas, c’étoit un malheur qu’il falloit expier. Ainsi périrent trois Décius, tous trois consuls ; ce furent-là des sacrifices volontaires que Rome admiroit, & néanmoins qu’elle n’ordonnoit pas. Si elle enterra quatre ou cinq vestales vivantes dans le cours de sept ou huit siecles, c’étoient des coupables qu’on punissoit, suivant les lois rigoureuses, pour avoir violé leurs engagemens religieux. Rome pensa toujours que le sang des brebis, des boucs & des taureaux suffisoit aux dieux, & que celui des Romains ne devoit se verser que sur un champ de bataille, ou pour venger les lois.

C’est ainsi que Rome, en adoptant la religion grecque, en réforma le culte, le merveilleux, les dogmes & les dieux-mêmes. (D. J.)

Religion chrétienne, voyez Christianisme.

J’ajoute seulement que la religion est le lien qui attache l’homme à Dieu, & à l’observation de ses lois, par les sentimens de respect, de soumission & de crainte qu’excitent dans notre esprit les perfections de l’Etre suprème, & la dépendance où nous sommes de lui, comme de notre créateur tout sage & tout bon. La religion chrétienne a en particulier pour objet la félicité d’une autre vie, & fait notre bonheur dans celle-ci. Elle donne à la vertu les plus douces espérances, au vice impénitent de justes allarmes, & au vrai repentir les plus puissantes consolations ; mais elle tâche sur-tout d’inspirer aux hommes de l’amour, de la douceur, & de la pitié pour les hommes. (D. J.)

Religion, (Théolog) s’applique aussi à un ordre militaire composé de chevaliers qui vivent sous quelque regle certaine. Voyez Chevalier, Militaire & Ordre.

On dit en ce sens la religion de Malte ; les galeres & les vaisseaux, l’étendard de la religion, pour l’ordre de Malte ; les galeres, les vaisseaux, l’étendard de l’ordre de Malthe. Voyez Malthe.

Religion se prend aussi quelquefois pour couvent ou pour ordre monastique. Ainsi l’on dit, il y a des religions d’hommes, c’est-à dire des moines : des religions de femmes, c’est-à-dire des couvens de religieuses. Il s’établit tous les jours de nouvelles religions, c’est-à-dire qu’on institue de nouveaux ordres, ou qu’on bâtit de nouveaux monasteres. Entrer en religion, c’est faire profession dans un couvent. On dit d’un religieux qu’il est mort à l’age de 70 ans, après 50 ans de religion, c’est-à-dire 50 ans après son entrée dans le cloitre. Voyez Moine, Monastere, Religieux, Cloitre.

Le mot de religion pris d’une maniere absolue, dénote en France la religion prétendue réformée. C’est en ce sens qu’on dit : Tanneguy, le Fevre & d’Ablancourt étoient de la religion ; M. Pellisson & M. Dacier avoient été de la religion. Voyez Calviniste, Huguenot.

RELIGIONNAIRE, s. m. (Gram.) qui professe la religion réformée. Voyez l’article Protestant.

RELIMER, v. act. (Gram.) limer pour la seconde fois. Voyez les articles Lime & Limer. Il se dit au simple & au figuré. Il faut relimer cette piece de fer ; il faut relimer le style de ce discours.

RELIQUA, (Jurisprud.) terme latin qui a été adopté dans le langage du palais, pour exprimer ce