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pêcheurs même des grandes gondoles font cette manœuvre en un instant, & s’ils n’ont point besoin de leur misaine, qu’ils nomment borset, ils amenent la marterelle, qui reste dans la même place ou tombe-arriere.

Ensuite on leve presque tout le pont par feuilles d’écoutilles, pour tirer des rumbs, les filets qui y sont levés ; on jette à la mer un hallin, dont le bout est soutenu d’un baril de bout ; on frappe les seines sur le hallin, de trois en trois pieces de seines, qui ont chacune quatre brasses ; on y frappe pour soutenir les seines & le hallin un quart de petite futaille ; l’autre bout du hallin est amarré au bateau, que les filets font dévirer avec eux à la marée ; les seines plongent dans eau de quelques brasses au moyen d’un petit cordage avec lequel elles sont frappées sur le hallin, qu’on peut alonger ou raccourcir suivant que l’on juge que le hareng prend le fond, ou approche de la surface de l’eau ; les filets qui sont fort lourds tombent perpendiculairement ; mais la tête est soutenue de flottes de liege amarrées sur le bauchet, ou la tête du filet à un pié de distance les uns des autres. Les harengs qui se trouvent dans le passage de la tissure sont arrêtés ; & comme il est du naturel des poissons de pousser toujours avec leur tête pour se faire passage, ils se maillent dans le filet où ils sont pris par les ouïes ; au bout de quelques heures on halle à bord les seines pour en retirer le poisson ; on ne prend de cette maniere avec les seines uniquement que des harengs, quelquefois, mais rarement, des jeunes maqueraux, quelques scelans, de fausses aloses, qui sont comprises avec les harengs sous un même genre, & qui se trouvent confondus avec eux ; les seines jointes ensemble font plus de 6 à 700 brasses pour la tissure d’un seul bateau. Toute cette manœuvre est représentée dans nos Planches.

Cette pêche doit se faire la nuit, & plus elle est obscure, plus on la peut esperer bonne. Voyez les Pl. & les fig. des pêches.

Seine ou Traîne, terme de Pêche, sorte de filet dont le coleret est une espece ; la seine est construite comme le coleret, mais elle est tirée par deux bateaux, au-lieu que le coleret l’est par des hommes ou des chevaux. Voyez Coleret. Cette pêche se fait de basse-mer, & cesse aussi-tôt que le flot commence à venir ; on ne prend ordinairement avec cet engin que des flets, lesquelles restent volontiers dans les bassures après que la mer s’est retirée.

On se sert de seines pour faire la pêche du hareng. Voyez l’article précédent.

Les seines dont on fait usage à l’embouchure des rivieres, se distinguent en seines claires & seines épaisses ; les seines claires servent à pêcher des aloses, des feintes, des saumons, & quelquefois, mais rarement, des éturgeons, & autres especes de poissons de riviere ; les mailles des seines claires sont de 11 ou 12 lignes.

Les seines épaisses n’ont au plus que cinq lignes en quarré, qui est la maille des bouts-de-quievres. Ces rets, au-lieu de plombs, sont pierrés par le bas & garnis de flottes de liege par le haut. Les Pêcheurs les alongent & les haussent ou baissent autant qu’il leur plaît ; ils les font de 60, 70, 80, 90, 100 à 200 brasses de long plus ou moins, quelquefois ils ne leur donnent qu’une brasse & demie de chûte, & quelquefois le double, suivant la largeur de la riviere & la profondeur des eaux ; les extrémités du filet sont toujours moins hautes que le milieu, pour pouvoir former une follée ou sac où le poisson se trouve arrêté, quand on vient à haler le filet à terre.

Pour faire cette pêche, il faut un bateau qui porte au large, & souvent par le travers de la riviere qu’il barre ; un bout du filet suit le bateau, & l’autre est tenu à terre par un homme ou deux. Quand le bateau

a fait une grande enceinte, ceux qui sont de dans le ramenent de même bord, & on hale les deux bouts de la seine en les rejoignant ; on enveloppe de cette maniere tout ce qui s’est trouvé dans l’enceinte du filet qui dérive au courant de l’eau quelquefois l’espace d’un quart de lieue, les Pêcheurs s’entr’aident pour haler la seine sur les bancs, d’autant que le travail est fort rude, à cause de la pesanteur du filet & de sa grandeur. La seine épaisse sert à prendre des éperlans, & généralement tout ce qui se trouve dans l’enceinte du filet, & il y a des tems différens que l’ordonnance a fixés pour faire la pêche avec ces deux différens filets.

Dans quelques endroits où l’on se sert de grandes seines dont le poids est considérable, les Pêcheurs les halent à terre avec des virevaux ou treuils qu’ils transportent où ils jugent à propos ; cette manœuvre qui est la même que quand on vire au cabestan, leur est d’autant plus commode qu’ils sont ainsi dispensés de se mettre en grande troupe pour faire cette pêche.

Il y a encore des seines qu’on appelle seines dérivantes ; cette pêche est libre dans la riviere de la Villaine, dans le ressort de l’amirauté de Nantes en Bretagne, pourvu que le pêcheur qui la veut faire, la fasse seul.

Comme le lit de la riviere est peu large, il frappe à terre un piquet où il amarre un des cordages ou bras du filet, ensuite il s’éloigne l’espace qu’il juge à propos, & le tend de la même maniere que font les autres pêcheurs qui se servent de seines ; son filet est aussi tendu en demi-cercle, & revient de même au piquet en halant à lui l’autre cordage ou bras qui est resté amarré à son bateau ; comme les seines sont fort petites, il peut aisément faire seul cette manœuvre ; quand ils sont deux dans le bateau, un desquels est souvent un jeune garçon, ce dernier reste à terre, & l’autre tend le filet qu’ils relevent ensuite ensemble, comme on fait par-tout ailleurs.

Il y a d’autres seines, entre lesquelles sont les petites seines dormantes, ainsi appellées, parce qu’elles sont sédentaires ; cette pêche qui est particuliere, ne se fait qu’à la basse-eau.

Le filet dont se servent les Pêcheurs est une petite seine ou filet long au plus de trois à quatre brasses de long, ayant environ une brasse & demie à deux brasses de fond ; chaque bout est amarré sur une perche, haute de deux à deux brasses & demie ; deux hommes tenant chacun la perche du filet, entrent à la basse-eau dans la mer le plus avant qu’il leur est possible sur des fonds de sable, ayant souvent de l’eau jusqu’au col ; l’ouverture du ret est exposée à la marée & au courant ; & comme la lame dans cette partie des côtes d’O. N. O. de l’amirauté de Quimper est toujours fort élevée quelque calme qu’il puisse faire, à cause des courans formés par la proximité des îles voisines ; lorsque ceux qui pêchent de cette maniere voient venir la houle qui ne manqueroit pas de les couvrir, ils s’élancent au-dessus en s’appuyant sur la perche dont le pié est un peu enfoncé dans le sable, ce qu’ils font avec d’autant plus de facilité que le volume de l’eau les aide à s’élever, ainsi ils évitent la vague qui amene à la côte des mulets & d’autres especes ; quand les Pêcheurs présument qu’il y a du poisson dans le filet, dont les mailles sont de vingt & dix-huit lignes en quarré, ils se rapprochent l’un de l’autre, & enveloppent ce qui est dedans ; & après l’avoir retiré, ils continuent la même manœuvre tant que la marée la leur permet, en reculant toujours du côté de la côte à mesure qu’elle monte, & ils ne finissent la pêche que quand la hauteur de l’eau les oblige de la cesser.

Le tems le plus commode pour faire cette petite pêche est depuis le mois de Mai jusqu’au commencement de Septembre : comme ce filet ne traîne