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tartre : en sorte que chaque regne de la nature a son alkali propre. Le regne animal adopte le volatil ; le natrum appartient au minéral ; la soude à l’aqueux, & l’alkali du tartre est le végétal ; nous les examinerons séparément.

Quant à leurs propriétés médicinales, nous dirons en peu de mots qu’ils sont apéritifs, diurétiques ; que les uns & les autres, mais sur-tout les volatils, accelerent le mouvement du sang ; qu’ils sont, suivant les expériences de M. Pringle, de puissans antiseptiques, étant appliqués sur les chairs mortes ; & cependant des escharotiques sur les chairs vivantes.

Ordre I. Les alkalis fixes. Les trois especes d’alkalis fixes ne different entre elles que par le plus ou moins de principe terreux qui entre dans leur composition.

Outre les qualités communes à tous les alkalis, les fixes en ont de particulieres. Nous avons déja fait mention de plusieurs ; nous ajouterons que ces alkalis unis à une terre, ou une pierre quelconque, vitrifiable, argilleuse, calcaire ou gypseuse, forment des verres. La seule différence est dans la proportion : si celle de l’alkali est trop grande, le verre est plus transparent, mais bien plus facile à être altéré par les injures de l’air, les acides, &c. au point même que la proportion étant encore augmentée, il tombera à l’air humide en défaillance. Les cailloux fondus avec trois parties d’alkali fixe ou davantage, forment le liquor silicum, véritable dissolution des pierres les plus dures de la nature.

Ils ont plus d’affinité avec les acides que n’en ont les alkalis volatils ; aussi décomposent-ils tous les sels qui sont formés de ces deux corps ; leur grande affinité avec l’eau, & leur presque indissolubilité dans les esprits, font qu’ils peuvent aisément séparer de l’eau-de-vie & de l’esprit-de-vin, le phlegme qui n’est pas absolument nécessaire à leur combinaison ; & c’est un des moyens les plus simples de purifier l’esprit-de vin. Cependant si on jette l’alkali fixe, tartareux, brûlant dans cet esprit, il le teindra d’abord ; c’est ce qu’on appelle esprit-de-vin tartarisé. En répétant plusieurs fois cette opération, Boerhaave prétend que peu-à-peu on parviendroit à décomposer tout l’esprit-de vin.

Les alkalis fixes poussés au feu s’y fondent, & restent fixes ; ils acquierent par-là un degré de causticité de plus ; ils deviennent plus durs & legerement transparens. Fondus avec le soufre ils composent le foie de soufre, espece de savon très-remarquable par la dissolution qu’il fait de tous les métaux, & spécialement de l’or, de toutes les pierres & terres ; dissolution qui s’unit très-bien avec l’eau, & dont l’odeur putride prouve la volatilisation des alkalis fixes. Ces sels appliqués à nud, & seuls sur l’or, l’argent, & le mercure, ne les touchent point ; mais s’ils sont traités pendant long-tems avec les autres métaux ; si on n’y mêle pas du phlogistique en assez grande quantité, ils les changent en chaux : cette observation est d’un très-grand usage dans la Docimasie, où les alkalis fixes entrent dans les flux pour faciliter la fusion.

Quant à leurs vertus médicinales, ils sont extérieurement de bons répercussifs fondus dans l’eau ; autrement des caustiques qui ont la plus grande part aux effets de la pierre à cautere. Intérieurement ils sont diurétiques, antiacides, anti-émétiques ; ils corrigent les purgatifs : on voit par-là dans quels cas ils conviennent.

Genre I. L’alkali fixe minéral, ou naturel. Ce sel est le natrum ou nitrum des anciens, spécialement de Pline. On le trouve suivant son rapport & celui de plusieurs voyageurs, mêlé avec de la terre dans tout le levant ; il est aisé de le séparer de cette terre par une lessive évaporée jusques à siccité. On le

trouve dans tous les pays du monde fondu dans certaines eaux minérales, auxquelles on a donné absurdement le nom d’acidules, à cause de leur goût piquant : telles sont les eaux de Vals, Spa, Aix-la-Chapelle, & tant d’autres. Ce sel se desseche quelquefois sur les rochers où les eaux minérales ont passé, & se sont évaporées. Il est alors aisé à ramasser ; mais ce ne seroit jamais qu’en petite quantité : nous en avons vu à Vals former un coup d’œil agréable ; son goût fait la base de celui de ces eaux. Ce sel differe de l’alkali tartareux par un plus grand degré de fixité, & moins d’affinité avec l’eau, puisqu’il ne tombe pas en défaillance comme lui ; il contient donc plus de terre. C’est par cette quantité de terre qu’il differe encore, quoique très-peu, de l’alkali marin, avec lequel plusieurs chimistes le confondent. Sa différence nous paroît bien établie par celle qui est entre le sel d’epson, & celui de Glauber, quoique nous convenions sans peine, qu’il y a dans tout cela une obscurité qui seroit aisément dissipée, si on composoit des sels neutres avec cet alkali & les acides.

Nous pensons, quoique nous ne sachions pas que l’expérience ait été faite, que cet alkali, moins alkali (s’il est permis de le dire) que le marin & le tartareux, a moins d’affinité qu’eux avec les acides, & qu’ils pourroient par conséquent décomposer les sels neutres qu’il formeroit.

Ses vertus médicinales sont les mêmes que celles des alkalis en général, avec la différence qu’elles sont plus douces.

Genre II. L’alkali fixe marin. Le second alkali fixe, celui qui tient un milieu entre les deux autres, est l’alkali fixe qui sert de base au sel marin & au sel gemme ; c’est lui qu’on retire par l’incinération de plusieurs plantes maritimes, mais sur-tout du kali ou soude : c’est lui que tous les chimistes modernes confondent avec le précédent, le natrum. On voit aisément que ce sel a donné son nom aux autres alkalis, al n’étant qu’un article arabe qui confirme dans cette étymologie. Il a donc été le premier découvert, si on excepte le natrum ; il contient plus de terre que le tartareux, & moins que le minéral. On le reconnoît aisément, parce qu’il ne tombe point en défaillance à l’air ; qu’il s’y seche même, & en ce qu’il se crystallise comme les sels neutres, qualité qui lui est propre.

On tire ce sel de la soude, en en amassant des grands morceaux qu’on fait sécher & brûler : on peut le retirer aisément des sels neutres qu’il forme, en le précipitant par l’alkali tartareux, qui a plus d’affinité que lui avec les acides.

C’est de ce sel qu’on prépare avec la chaux & l’huile d’olive le savon ordinaire ; c’est avec lui & le sable qu’on fait le verre le plus durable ; on feroit même le plus beau, si les Verriers se donnoient la peine de séparer par une lessive les parties hétérogenes qui sont mêlées avec lui dans les cendres.

Il est peu d’usage en médecine ; ses vertus sont celles des alkalis fixes en général.

Genre III. L’alkali fixe tartareux. Le plus fort de tous les alkalis fixes, celui qui contient le moins de terre, celui qui se dissout le plus aisément dans l’eau, le seul qui tombe en défaillance à l’air, pour peu qu’il soit humide ; celui qui précipite tous les autres, s’ils sont unis avec des acides, qu’on est bien éloigné de pouvoir crystalliser, c’est l’alkali que fournissent les cendres des plantes qui ne sont pas maritimes, le tartre & le nitre. C’est lui que nous trouvons dans les cendres dont on se sert communément pour faire des lessives, pourvu qu’on brûle des végétaux qui n’ont point trempé long-tems dans l’eau ; comme le bois flotté, dont les cendres semblables à celles qui ont été lessivées, ne sont bonnes à aucun usage dans les arts. Cet alkali forme dans les lessives avec les huiles