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& les graisses du linge sale, une liqueur savoneuse qui aide le blanchissage. J’observerai en passant que les végétaux qui fournissent l’acide le plus foible, donnent l’alkali le plus fort.

Je ne vois pas que ce sel existe nulle part dans la nature à nud, non plus que l’alkali précédent. C’est l’art qui le tire des corps où il existoit combiné de façon que ses effets étoient tous différens. La maniere de le tirer, le végétal dont on le tire, sa pureté, l’état sec ou liquide dans lequel il est lui ont fait prendre des noms différens. On l’appelle potasse lorsqu’il coule dans un creux fait en terre, des monceaux de bois qu’on brûle au-dessus ; on le nomme sel préparé, à la maniere de Tackenius, lorsqu’on fait brûler la plante dans une marmite de fer rougie au feu & couverte ; il est le sel lixiviel d’absynthe, des cendres de genêt, &c. lorsque c’est de ces plantes qu’on le tire ; sel alkali de tartre, lorsque c’est la terre ou la lie de vin qui le fournissent ; cendres clavellées, quand ce dernier sel est mêlé avec beaucoup de terre inutile, dont on ne l’a point lessivé ; c’est du nitre fixé, lorsqu’il est le résultat de la détonation du nitre par le charbon ; & flux noir, quand c’est par le tartre crud qu’il détonne ; tombé en déliquium, c’est l’huile de tartre en défaillance, si la terre a fourni l’alkali ; c’est le prétendu alkaest de glauber, s’il vient du nitre.

Nous entrerions dans des détails immenses si nous suivions toutes ces différentes préparations ; il nous suffira de les avoir indiquées, & de dire, quelles qu’elles soient, c’est toujours le même alkali, la même substance qui donne la vertu aux uns & aux autres sels ; qu’ils ne different entr’eux que par le plus ou le moins de pureté ; que le plus pur se fait par la détonation du nitre, que cependant il a encore besoin d’être lessivé ; que les sels lixiviels des différentes plantes, en conservant une partie de leur huile & de leur sel essentiel, participent de leur vertu, si l’incinération n’est pas complette, & il est rare qu’elle le soit ; que la méthode de Tackenius leur conserve encore plus la vertu de la plante ; que la potasse & la soude sont communément fort impures, de même que les cendres clavellées, & qu’enfin on ne doit tenter les expériences qu’avec ces sels bien préparés & très-purs.

Ce que nous avons dit des alkalis fixes en général doit spécialement s’entendre de celui-ci, comme du plus fort que nous ayons ; ainsi il forme les meilleurs savons, étant traité avec les huiles ; il se combine très bien avec les essentielles ; avec celle de térébenthine il compose le savon de starkey ; il purifie, comme nous l’avons vu, l’esprit de vin, & même peut le décomposer. Poussé à un feu violent avec les métaux imparfaits, les demi-métaux. les terres, les pierres & toutes les chaux, il les dissout pour former avec eux les verres les plus transparens, mais les moins durables, sur-tout si la proportion d’alkali est trop grande ; versé sur une dissolution de métaux dans les acides, il les précipite ; & si on en met surabondamment, il en tient plusieurs en dissolution, ce qui nous confirme dans l’idée de la possibilité des sels neutres formés par l’union des alkalis fixes avec les métaux ; il se fait jour à-travers les creusets & les pots, ce qui indique sa combinaison avec les terres dont ils ont été fabriqués.

Pour un grand nombre d’expériences, il vaut mieux l’avoir en défaillance que sec ; étant déja dissous dans la moindre quantité d’eau possible, il agit plus promptement lorsqu’on veut précipiter, dissoudre. Au reste, M. Gellert assure qu’il acquiert une gravité spécifique quatre fois plus grande en tombant en deliquium.

Ce sel est d’un usage économique très-étendu, puisqu’il entre dans toutes les lessives ; il est à tout moment nécessaire dans les teintures pour précipiter sur

les laines, fils ou soies mordues déja par un acide, la partie colorante : il y en a pour cet usage deux manufactures considérables à Lyon ; il ranime les couleurs violettes des végétaux que l’air a ternies ; il est un excellent fumier, pourvu qu’il ne soit mêlé avec la terre qu’en très-petite quantité.

Les Médecins l’emploient dans un grand nombre de maladies ; tiré de différentes plantes par diverses méthodes, il a les vertus des autres alkalis fixes, mais plus fortes ; & il y joint, suivant la préparation, la vertu des végétaux dont on l’a tiré.

Ordre II. L’alkali volatil. Le second ordre des alkalis ne comprend qu’un genre d’alkali volatil, qui a paru jusqu’à présent être le même de quelque part qu’il vienne.

Nous avons dit plus haut, que peut-être les alkalis volatils n’étoient autre chose que les fixes séparés d’une portion de leur terre, avec lesquels le phlogistique s’est combiné. Nous avons été conduits dans cette idée par la transmutation des alkalis fixes en volatils, lorsqu’on y ajoute du phlogistique, ou lorsque par un mouvement intestin la combinaison des principes en fermentation devient différente.

On trouve cet alkali en très-grande abondance dans les animaux, dont toutes les parties soumises à la distillation le fournissent, sans que la putréfaction ait précédé. Il n’est que quelques insectes qui doivent être exceptés de cette regle. Mais quoique nous l’ayons appellé l’alkali animal, on le trouve encore dans plusieurs plantes à nud. Telles sont celles de la tétradynamie de Linnæus, la plûpart des cruciformes de Tournefort, les arum, & plusieurs autres de la Gynandrie, le chenopodium fœtidum, & quelques autres éparses dans les différentes classes ; on le trouve encore dans certaines eaux minérales, on le reconnoît à une odeur d’œufs pourris ; telles sont celles de Lauchtadt & Gieshubel en Allemagne. L’art produit l’alkali volatil en faisant putréfier les plantes & les animaux, en faisant du foie de soufre ; il l’extrait par la distillation de tous les corps précedens, de même que de la suie & de tous les sels ammoniacaux ; s’il le tire sous une forme solide, il se nomme sel alkali volatil ; si c’est sous un liquide, on l’appelle esprit volatil ; pour le tirer des substances qui le contiennent à nud, la seule distillation suffit ; mais lorsqu’il est combiné avec quelque acide, il est nécessaire que la décomposition précede. C’est communément du sel ammoniac d’Egypte qu’on le retire pour les expériences chimiques & les usages médicinaux. On obtient la décomposition de trois manieres, avec l’alkali fixe du tartre, la chaux commune & les chaux de plomb. Par la premiere méthode l’alkali volatil est concret ; par les deux autres il est liquide, & on a besoin d’ajouter un peu d’eau pour aider la distillation.

L’alkali volatil a moins d’affinité avec les acides que n’en ont les alkalis fixes, la chaux & le plomb ; ce qui fait que ces trois substances le décomposent ; il en a moins avec l’acide végétal qu’avec le marin, le nitreux & le vitriolique. C’est la raison pour laquelle ce dernier acide décompose tous les sels ammoniacaux formés par les autres acides. L’alkali volatil dissout tous les métaux & les terres calcaires par différens procédés.

Il forme des savons avec les huiles grasses & essentielles, & même avec l’esprit de vin, si l’un & l’autre sont aussi déphlegmés qu’il est possible, deux liqueurs très-déliées, très transparentes forment en se mêlant un coagulum, une masse pâteuse, blanchâtre, connue sous le nom de soupe de Vanhelmont. Si en distillant par l’alkali fixe le volatil, on ajoute un huitieme ou un seizieme d’huile essentielle quelconque, on aura un sel volatil aromatique qui prendra son nom de la plante qui aura fourni l’huile essentielle. Si c’est par la chaux qu’on le distille, après avoir mêlé de