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l’huile de succin, on aura l’eau de luce. On donne le nom d’esprits volatils huileux aromatiques aux autres produits liquides de semblable distillation.

La Médecine fait un très-grand usage des alkalis volatils sur-tout aromatisés ; ils sont cordiaux, céphaliques, antihystériques, calmans, anodins, narcotiques. On les prend intérieurement, ou on en respire l’odeur. Au rapport de Boherrhaave, ils peuvent causer la gangrene appliqués extérieurement. Un sûr moyen, selon lui, d’en former un point, consiste à prendre un grain de sel alkali volatil, l’appliquer sur la peau, & le couvrir d’un emplâtre, dans peu l’escharre gangreneuse sera formée tout-au-tour de ce grain de sel.

Dans les teintures il sert à préparer les couleurs bleues & violettes ; l’orseil & le bleu ordinaire, lui doivent toute leur préparation.

Classe III. Les sels neutres. Les sels neutres, salés, moyens, androgynes, hermaphrodites ou enixes (car les Chimistes leur ont donné tous ces noms), sont des corps solubles dans l’eau, la plûpart savoureux, formant des crystaux, ou une masse épaisse, voyez les articles Neutre, sel, & Moyen, sel ; ils sont formés par l’union des acides ou des alkalis entre eux, ou avec des pierres, des terres & des métaux. La partie la plus fixe au feu s’appelle la base.

Ils different entre eux, 1°. par les substances dont on les tire qui sont minérales, végétales ou animales ; 2°. ils sont naturels ou factices ; 3°. les naturels existent purs dans la nature, ou bien ils sont mêlés avec d’autres substances dont il faut les extraire par des calcinations, l’exposition à l’air, des décoctions, des lessives & des précipitations ; 4°. les factices different par la maniere de les préparer ; les uns veulent être sublimés, les autres crystallisés à la faveur de l’évaporation & du refroidissement de la liqueur qui les tient en dissolution, d’autres précipités par le moyen de l’esprit-de-vin, quelques-uns arrachés à leurs menstrues propres pour être dissous par un autre ; d’autres enfin demandent une préparation, une précipitation antérieure de la base dissoute dans un autre menstrue, ce que M. Henkel nomme appropriation dans le traité qui porte ce titre ; 5°. les sels neutres different encore par leur crystallisation ; la plus grande partie forme des crystaux d’une figure qui leur est propre, qui sert à en établir la différence, & qui varie suivant que l’évaporation est rapide, moyenne, ou insensible ; voyez sur cet art. le mém. de M. Rouelle parmi ceux de l’académie des Sciences ; une bonne partie aussi ne donne point de crystaux connus jusqu’à présent, & n’en constitue pas moins un sel neutre ; 6°. il est des sels moyens entierement neutres, d’autres le sont avec surabondance d’acide ou d’alkali ; 7°. les uns sont volatils, les autres fixes au feu ; 8°. les uns se dissolvent aisément dans l’eau froide, d’autres exigent de sa part un très-grand degré de chaleur ; il en est qui sont si solubles dans l’eau, qu’ils tombent en défaillance à l’air humide, d’autres y perdent au contraire leur humidité, & tombent en efflorescence ; 9°. plus l’eau est chaude, plus la quantité de sel qu’elle peut tenir en dissolution est grande ; mais les proportions varient suivant les sels ; 10°. l’eau entre dans la composition de tous les sels neutres, mais dans des proportions bien différentes ; on peut en général avancer que leur facilité de se dissoudre dans l’eau est proportionnée à la quantité qu’ils contiennent ; 11°. ils different par leur gravité spécifique ; 12°. par leur dureté ; 13°. lorsqu’ils font partie des végétaux, & qu’ils y existent tels qu’on les extrait, ce sont des sels essentiels ; 14°. ils sont simples, c’est-à-dire formés par l’union de deux substances seulement, ou composés de trois ; 15°. ils different essentiellement entre eux par la nature de leur base & par celle de l’acide, ou de l’alkali qui les

constitue proprement sels neutres. C’est par ces deux dernieres différences que nous établirons les ordres, les genres & les especes.

Ordre I. Sels neutres simples. Nous appellons sels neutres simples, ceux qui, comme nous l’avons dit, n’exigent que l’union de deux substances pour leur composition ; ces substances sont acides, alkalines, terreuses ou métalliques. La nature de l’acide formera les premiers genres, celle de l’alkali les suivans.

Genre I. Vitriols. Nous donnons le nom de vitriol à tous les sels dont l’acide vitriolique est le principe. Les especes, comme il paroît par la table, sont tirées des quatre alkalis, des quatre terres, des sept métaux & de six demi-métaux. A côté des terres calcaires j’ai mis leurs chaux, qui donnent souvent des sels d’une nature différente. Parmi les métaux, j’ai placé la platine, quoique les sels qu’elle peut produire ne soient pas encore connus.

L’or & la terre vitrescible sont les seules substances indissolubles dans l’acide vitriolique par les procédés ordinaires ; cependant comme la plus grande partie des chimistes suppose que le sel sédatif du borax est l’acide vitriolique uni à une terre vitrescible, nous lui avons donné cette place. Pour essayer de dissoudre la terre vitrescible, ne pourroit-on pas en faire d’abord un verre avec surabondance d’alkali, ou un liquor silicum ? on y verseroit alors une assez grande quantité d’acide vitriolique, nitreux, marin ou végétal, pour espérer de tenir l’alkali & la pierre en dissolution ? c’est à l’expérience à résoudre ce problème.

Genre II. Nitres. L’or & la terre vitrescible sont encore les seules substances indissolubles dans l’acide nitreux ; mais on voit par la table le grand nombre de sels qui n’ont point été nommés, & qui ne sont pas connus.

Nous ferons sur ce genre les observations suivantes : 1°. Tous les sels formés par l’union de l’acide nitreux détonnent : 2°. cet acide dissout les terres calcaires, & forme avec elles un magma deliquescent qui a besoin d’une forte évaporation pour se crystalliser ; uni à la chaux, le magma qu’il forme est au contraire très-volatil : il dissout le cuivre, & éleve dans l’opération beaucoup de vapeurs rouges qui ne sont dûes qu’au fer que l’acide entraîne avec lui, comme l’a prouvé M. Hellot : il faut encore une évaporation forte pour faire crystalliser le sel qui en résulte. Le fer est précisément dans le même cas ; mais on remarque avec soin que l’acide foible en dissout une plus grande quantité. L’étain n’est dissous qu’en partie par l’acide nitreux, la dissolution n’en est point claire ; il est converti en une chaux d’un jaune bleu, qui devient entierement blanche étant lavée dans de l’eau, qui n’est ensuite soluble que dans l’eau régale. La dissolution de l’étain, dans ce dernier acide, est d’un grand usage dans les teintures dont elle releve beaucoup l’éclat, sur-tout de l’écarlate. Le mercure se dissout mieux dans l’acide concentré, en grande quantité & échauffé. Ce sont-là les preuves les plus grandes de leur peu d’affinité. L’acide nitreux dissout lentement l’arsenic, l’antimoine, le bismuth & le cobalt ; il dissout au contraire avec vivacité le zinc. La dissolution de l’antimoine n’est jamais claire ; il s’en précipite un antimoine diaphorétique. Tous les sels que les demi-métaux & l’alkali minéral peuvent produire sont inconnus. Voyez Acide nitreux, sous le mot Nitre.

Genre III. Sels marins. L’acide marin uni à l’alkali minéral forme un sel qui ne differe pas du sel marin. La terre crétacée s’y dissout, mais ce sel ne peut se crystalliser. Sa saveur est astringente, son odeur bitumineuse : mis au feu, il se boursouffle sans décrépiter ; l’acide se dissipe, & une chaux reste. En