Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/914

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rent encore les sueurs ou émanations ammoniacales. Ces faits sont tirés d’une dissertation allemande de M. Model sur le sel ammoniac naturel.

Un grand nombre de plantes sont chargées de sel marin, & contiennent aussi de l’alkali volatil, telles sont la moutarde, le chou, &c. On peut encore obtenir du sel ammoniac de presque toutes les terres argilleuses & de substances minérales qui sont chargées de sel marin. En un mot toutes les fois que l’on combinera de l’alkali volatil avec l’acide du sel marin, on obtiendra ce sel.

Le sel ammoniac qui vient d’être décrit, est un produit de l’art ; mais on en trouve outre cela qui a été formé par la nature seule, & sans le concours des hommes. Les environs des volcans & des endroits qui sont sujets aux embrasemens souterreins, contiennent presque toujours une grande quantité de sel ammoniac que la chaleur du terrein pousse & sublime à la surface. Nous avons des preuves convaincantes de cette vérité à Pouzzole, au royaume de Naples, aux environs de l’Etna & du Vésuve, &c. & partout où l’on trouve ce sel, il y a lieu de soupçonner qu’il y a, ou du moins qu’il y a eu autrefois des embrasemens de la terre. Ces feux ont dégagé l’acide du sel marin de sa base, & il s’est combiné avec l’alkali volatil des bitumes & des substances animales & végétales qui se trouvent souvent dans l’intérieur de la terre. Ce sel ammoniac n’est point toujours fort pur ; il est mêlé de terres, de pierres, de soufre & d’autres matieres vomies par les volcans. On en trouve une très-grande quantité en Tartarie dans le pays des Calmoucks, d’où les caravannes le transportent en Sibérie ; on dit que ce sel se trouve attaché à des rochers, qu’il est mêlé de terres, & que quelquefois on en rencontre des masses qui sont jointes avec du soufre natif. On trouve aussi une très-grande quantité de ce sel ammoniac naturel près d’Orenbourg dans la Sibérie.

Le sel ammoniac, tant celui qui est formé par la nature, que celui qui se fait artificiellement en Egypte, n’est point parfaitement pur ; le dernier est souvent mêlé de matieres grasses dont il faut le dégager ; cette putréfaction se fait en le sublimant de nouveau dans des vaisseaux à qui l’on donne assez de chaleur pour les faire rougir ; alors il s’éleve en petites particules semblables à de la farine : c’est ce que l’on nomme fleurs de sel ammoniac. Mais on parviendra à le purifier encore plus aisément & plus sûrement, en le faisant dissoudre dans de l’eau, & en le faisant crystalliser ; par ce moyen l’on aura le sel ammoniac sous la forme de crystaux grouppés, comme les épines autour d’un bâton, & qui ressembleront à des barbes de plumes ou à des feuilles de fougere & de persil. Une propriété singuliere de ces crystaux, lorsqu’ils ont été formés par une évaporation lente & à grande eau, c’est qu’ils sont flexibles comme du plomb ; c’est le seul sel à qui on connoisse cette propriété.

On décompose le sel ammoniac de la maniere suivante : on mêle une partie de sel ammoniac en poudre avec deux parties de sel alkali fixe ; on joint un peu d’eau à ce mêlange que l’on met dans un vaisseau de terre peu élevé, sur lequel on adapte un chapiteau de verre ; on lute exactement les jointures ; on y adapte un récipient à long col. On commence par donner un feu doux pour faire passer le flegme à la distillation ; après quoi on augmentera le feu. Il s’attachera au chapiteau un sel alkali volatil sous une forme concrete, & l’on aura dans le récipient, de l’esprit de sel ammoniac chargé d’eau qui sera d’une odeur très-pénétrante ; & il restera dans la cucurbite un sel neutre formé par l’acide du sel marin qui a quitté l’alkali volatil avec qui il étoit uni pour se combiner avec l’alkali fixe. Ce sel s’appelle sel fébrifuge de Sylvius.

On peut encore décomposer le sel ammoniac en le mêlant avec de la chaux éteinte à l’air & bien pulvérisée ; on les met promptement dans une cucurbite de terre. Si la chaux n’est point parfaitement éteinte, on y joint un peu d’eau. On adapte un chapiteau de verre & un matras à long col pour récipient. On donne un feu très-doux. On obtient par ce moyen une liqueur beaucoup plus pénétrante que l’esprit du sel ammoniac de l’opération précédente, & il reste dans la cucurbite un sel neutre que l’on nomme sel ammoniac fixe. Si l’on joint de l’huile essentielle de succin à la liqueur alkaline & volatile tirée du sel ammoniac par l’intermede de la chaux, on obtient ce qu’on appelle eau de luce. Voyez Luce eau de.

Ce qu’on appelle le sel d’Angleterre, se fait en mêlant quatre parties de craie avec une partie de sel ammoniac ; on expose ce mélange à grand feu, & l’on obtient un sel blanc concret, d’une odeur pénétrante, mais qui perd bientôt sa force, si l’on ouvre fréquemment le flacon qui le contient.

Le sel ammoniac secret de Glauber n’est autre chose qu’un sel neutre formé par l’union de l’acide vitriolique & de l’alkali volatil.

Le sel ammoniac est d’un grand usage dans la chimie ; il est propre à sublimer les métaux ; & les alchimistes lui ont attribué un grand nombre de vertus qui paroîtront équivoques à ceux qui n’ont point foi à leurs travaux. Ils lui ont donné une infinité de noms différens & bizarres, comme sel admirable, sel solaire, sel mercuriel : aigle céleste, clé des métaux, dragon volant, pilon des sages, sel hermétique, roi des sels, lapis aquilinus, aqua duorum fratrum cum sorore, &c.

On se sert de ce sel pour faire de l’eau régale. On l’emploie pour étamer les vaisseaux de fer, de cuivre & de laiton. Il est d’un grand usage dans plusieurs arts & métiers.

En mêlant une très-petite quantité de sel ammoniac avec le tabac, il lui donne du montant & de la force, & le rend beaucoup plus pénétrant. (—)

Sel essentiel, (Chimie.) le sel essentiel, est celui qui étant contenu dans un végétal, forme avec lui une partie de son aggrégation.

Les sels essentiels different entr’eux par la plante dont on les extrait, par la maniere dont on les retire, par leur nature & leurs propriétés. Il en est de volatils dont l’odeur est dûe à un alkali, tels sont ceux de quelques plantes à fleur cruciforme, & des fœtides. Le principe volatil de quelques autres est acide ; mais pour l’ordinaire le sel acide retenu par les huiles & les mucilages, ne se volatilise pas à la température ordinaire de l’air, au point de se faire sentir à l’odorat ; il a presque toujours besoin de la distillation. On confond sans raison quelquefois tous ces sels volatils, avec l’esprit recteur, & l’huile essentielle.

Le plus grand nombre de ces sels est fixe au feu, & vraiment neutre, quoique de différente nature. Les plantes maritimes, les légumineuses de Tournefort, les graminées, les fucus, les algues contiennent du sel marin ; toutes les plantes aromatiques, astringentes & ameres, du tartre vitriolé ; les aspéri-foliées de Rajus ou borraginées, la pariétaire, le pourpier, le chardon bénit, le cerfeuil, le concombre sauvage, un nitre abondant ; la canne à sucre & quelques autres plantes fournissent un sel peu défini, qui est fort analogue à celui du moût & du miel. Dans tous les végétaux ces sels neutres sont communément avec surabondance d’acide apparent comme dans l’oseille, ou caché comme dans la plûpart, il ne se montre que lorsqu’il est dépouillé de toutes les matieres étrangeres ; la crême de tartre séparée du vin est dans ce cas. M. Boulduc a prouvé dans les mémoires de l’acad. des Scienc. ann. 1734, que la bourrache contient du nitre, du sel marin, & du tartre vitriolé