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Caire, sont obligés de payer ici quelques droits. (D. J.)

SEMER, ENSEMENCER, (Synonymes.) Semer a rapport au grain ; c’est le blé qu’on seme dans le champ. Ensemencer a rapport à la terre ; c’est le champ qu’on ensemence de blé. Le premier de ces mots a une signification plus étendue & plus vaste ; on s’en sert à l’égard de toutes sortes de grains ou de graines, & dans toutes sortes de terreins. Le second a un sens plus particulier & plus restraint ; on ne s’en sert qu’à l’égard des grandes pieces de terre préparées par le labourage ; ainsi l’on seme dans ses terres & dans ses jardins, mais l’on n’ensemence que ses terres & non ses jardins.

Ensemencer n’est jamais employé que dans le sens propre & literal ; mais semer au figuré est très-beau.

L’âge viril ne produit point des fruits de science & de sagesse, si les principes n’en ont été semés dans le tems de la jeunesse. On se fait un art de se retirer du monde, quand l’âge commence à refroidir les passions, & à semer des rides sur le visage.

La poésie se sert aussi de ce terme avec noblesse ; témoin ces deux vers énergiques & sententieux de Corneille :

Et comme il n’a semé qu’épouvante & qu’horreur,
Il n’en recueille aussi que trouble & que terreur.

(D. J.)

Semer, v. act. (Econom. rustiq.) c’est mettre la semence en terre, afin qu’elle y germe & s’y multiplie. Pour bien faire nette opération, il y a trois conditions à remplir : jetter sur la terre la quantité de semence qui convient, la distribuer également, & la recouvrir à une certaine profondeur.

Les différentes graines doivent être semées en plus ou moins grande quantité, en proportion de ce qu’elles tallent naturellement plus ou moins ; en raison de la qualité de la terre, & des préparations qui ont précedé la semaille. Quatre boisseaux d’orge, mesure de Paris, suffisent pour ensemencer un arpent, à 20 piés pour perche, lorsque la terre est bonne & bien préparée. Il en faut jusqu’à huit dans une terre maigre, ou qui n’a pas été cultivée avec le même soin. On peut dire qu’en généralles laboureurs surchargent la terre d’une grande quantité de semence. Mais aussi les reproches qu’on leur fait à cet égard sont souvent outrés ; les expériences faites en petit, sur lesquelles on les appuie, ne concluent rien pour les semailles faites en grand, & presque tous les moyens qu’on a conseillés pour épargner la semence sont puériles. On sait depuis long-tems que quelques grains semés & soignés dans un jardin se multiplient à un point qui paroit prodigieux. Il est sûr que, même en grand, les grains semés un peu clairs, acquierent plus de vigueur, parce qu’ils ont plus d’air & de nourriture. Lorsqu’ils ont été semés trop dru, la paille en est foible, sujette à verser ; les épis sont courts & mal nourris. Mais si la crainte de ces inconveniens porte à trop épargner la semence, les grains sont bien-tôt surmontés par une quantité si excessive des mauvaises herbes qui croissent dans les vuides, qu’on ne peut pas espérer de les détruire entierement. On rend ainsi la récolte nulle pour lui sauver quelques accidens. Voilà donc deux excès à éviter ; & l’agriculture, aussi bien que la morale, ramene au juste milieu. Il est d’usage en plusieurs endroits de semer un septier de blé, mesure de Paris, dans un arpent à 20 piés pour perches. Il est certain que dans la plûpart des terres à blé, lorsqu’elles ont été bien labourées & bien engraissées, huit boisseaux de semence suffisent. On a même essayé avec succès d’en semer encore un peu moins. Mais ces vues d’épargne sur la semence, doivent être soumises à l’expérience des laboureurs intelligens, avant d’être ap-

pliquées aux différens lieux. Il y a des terres qui,

selon leur expression, mangent leur semence, & qui en demandent plus que les autres.

La second condition à laquelle il faut faire attention en semant, c’est à l’égale distribution de la semence. Il est aisé d’appercevoir combien cette égalité de distribution est indispensable. La nécessité dont elle est a fait imaginer dans ces derniers tems sous le nom de semoir, différens instrumens auxquels leurs inventeurs, ou ceux qui les ont adoptés ont attaché une grande idée d’utilité. Mais rien n’est moins propre à semer toujours également que la plûpart des semoirs qu’on a imaginés. Car l’égalité de la distribution dépendant de l’uniformité du mouvement ; il faut presque toujours supposer que l’animal qui fait mouvoir l’instrument n’aura rien d’inégal dans sa marche, & que la terre qu’on veut semer n’aura rien de raboteux. Or une pierre suffit pour anéantir ces suppositions, & troubler l’opération de la plûpart des semoirs. Ces instrumens sont d’ailleurs assez sujets à se détraquer ; & par cette raison il faut éviter tout ce qui est machine, lorsqu’on peut s’en passer. La main d’un homme bien exercé est le meilleur semoir qu’on puisse employer. Il n’est sujet à aucun accident ; & l’opération en est sûre, facile & prompte. C’est ce que l’expérience confirme tous les jours.

La troisieme condition nécessaire pour que la semaille soit bien faite, c’est que la semence soit enterrée jusqu’à un certain point. Ce degré doit être fixé en raison de la nature de la terre, & de l’espece de la semence. Les différentes graines ne germent pas toutes au même degré de profondeur. Le blé, par exemple, peut être enterré jusqu’à quatre pouces ; & la graine de luserne ne doit être que légerement recouverte. Il faut que le blé soit enfoncé à une plus grande profondeur dans les terres légeres, & celles qui sont aisément battues de la pluie. Ces terres venant à s’affaisser laisseroient à découvert les racines de la plante. C’est donc d’après la nature bien connue de la terre qu’il faut décider si l’on doit enterrer la semence avec la charrue, ou la recouvrir avec la herse. Voyez Herser.

Il y a deux tems marqués pour les semailles. On seme à la fin de l’été, & au commencement de l’automme, les grains qui peuvent soutenir le froid de l’hiver, comme sont les seigles, les blés, &c. On appelle mars ou menus grains ceux qu’on seme à la fin de l’hiver & au commencement du printems. Tels sont les avoines, les orges, &c. Il y a presque toujours de l’avantage à faire de bonne-heure l’une & l’autre de ces deux semailles. Mais on est souvent forcé de sacrifier cet avantage à la nécessité d’attendre que la terre soit en état de recevoir la semence. Il faut, autant que l’on peut, ne point semer dans la poussiere, parce que le grain étant trop long-tems à germer, une grande partie court risque d’être enlevée par les oiseaux. Il ne faut jamais semer dans la boue, parce que lorsqu’elle vient à se durcir, les racines ne pouvant plus s’étendre, la plante ne fait que languir. Mais les moindres laboureurs sont instruits de ces détails. Si quelquefois ils paroissent les négliger, c’est qu’ils sont souvent forcés par la saison qui les gagne, & qu’ils ont à choisir entre semer mal & ne point semer du tout.

On multiplie par la semence, non-seulement les grains, mais les plantes, les fleurs, les arbres fruitiers, les bois. Chacun de ces objets exige un art particulier, & des détails dans lesquels nous n’entrerons point. Voyez Jardins, Potager, Fleuriste, Pépiniere, &c.

SEMESTRE, s. m. (Gram. & Jurispr.) en terme de palais, est le service que les officiers de certains tribunaux font seulement pendant six mois : les officiers du grand-conseil, ceux de la chambre des comp-