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capitaine anglois fut massacré impitoyablement, parce que les matelots de son équipage avoient eu le malheur de tuer un de ces serpens qui étoit venu se loger dans leur magasin. Comme les cochons se nourrissoient de serpens, on a pris le parti d’en détruire l’espece, de peur qu’ils ne continuassent à manger les divinités favorites de la nation. Le grand serpent-fétiche, que les negres croient immortel, a un temple magnifique, des prêtres auxquels la crédulité des souverains a fait accorder des terres & des revenus considérables : de plus tous les ans on consacre à ce dieu un certain nombre de vierges choisies destinées à ses plaisirs, ou plutôt à ceux de ses ministres. Ces imposteurs sont parvenus à persuader au peuple qu’il est un tems dans l’année pendant lequel les serpens saisissent toutes les jeunes filles qui leur plaisent, & les jettent dans une espece de délire qui suit leurs embrassemens ; les parens de ces filles, pour les faire guérir de cette frénésie, les mettent dans des hôpitaux sous la direction des prêtres, qui travaillent à leur cure, & qui se font payer un prix considérable à titre de pension ; de cette maniere ils savent se faire payer même des plaisirs qu’ils se procurent. Ces pensions & les présens qui les accompagnent, sont un produit immense, que les prêtres sont pourtant obligés de partager avec le souverain. Les filles qui ont été guéries dans ces sortes d’hôpitaux, sont obligées de garder un secret inviolable sur les choses qu’elles y ont vues ; la moindre indiscrétion seroit punie de mort. Cependant on nous dit que les prêtres imposteurs parviennent à fasciner tellement ces victimes de leur brutalité, que quelques-unes croyent réellement avoir été honorées des embrassemens du grand serpent-fétiche. Bosman raconte que la fille d’un roi fut obligée de subir les mêmes épreuves que les autres. Rien ne seroit plus dangereux que de révoquer en doute la probité des prêtres & la certitude des amours de leurs dieux. Ces prêtres se nomment féticheres, ils ont un chef ou souverain pontife qui n’est pas moins révéré que le roi, & dont le pouvoir balance souvent celui du monarque. Son autorité est fondée sur l’opinion du vulgaire, qui croit que ce pontife converse familierement avec le dieu, & est l’interprete de ses volontés. Les féticheres ont une infinité de moyens pour s’engraisser de la substance des peuples qui gémissent sous leurs cruelles extorsions ; ils font le commerce, ont un grand nombre d’esclaves pour cultiver leurs terres ; & la noblesse, qui s’apperçoit souvent de leur manege, est accablée de leur crédit, & gémit en silence des impostures de ces misérables.

Le grand serpent-fétiche a aussi des prêtresses, appellées betas, qui se consacrent à son service ; les anciennes en choisissent tous les ans un certain nombre parmi les belles filles du pays. Pour cet effet, armées de bâtons, elles vont courir dans les villes, elles saisissent toutes les jeune, filles qu’elles rencontrent dans les rues ; & secondées des prêtres, elles assomment quiconque voudroit leur opposer de la résistance. Les jeunes captives sont conduites au séjour des prêtresses, qui leur impriment la marque du grand serpent. On leur apprend à chanter des hymnes en son honneur, à former des danses autour de lui, enfin à faire valoir leurs charmes, dont elles partagent les revenus avec les vieilles prêtresses qui les instruisent. Cela n’empêche point que l’on n’ait pour elles la plus profonde vénération.

Serpent, en terme d’Astronomie, est une constellation de l’hémisphere boréal, qu’on appelle plus particulierement serpent ophiuchus.

Les étoiles de la constellation du serpent, sont au nombre de 17 dans le catalogue de Ptolomée, de 19 dans celui de Ticho, & de 59 dans celui de Flamsteed. Chambers. (O)

Serpent d’airain, (Hist. jud.) figure d’airain qui représentoit un saraph, ou serpent volant, & que Moïse fit mettre au-dessus d’une pique, assurant que tous ceux qui le regarderoient seroient guéris de la morsure des serpens aîlés qui désolerent les Israélites dans le desert, comme il est rapporté dans le livre des Nombres, chap. xxj. v. 9.

Jesus-Christ, dans S. Jean, ch. iij. v. 4. nous avertit que ce serpent ainsi élevé, étoit une figure de sa passion & de son crucifiement : sicut Moyses exaltavit serpentem in deserto, ita exaltari oportet Filium hominis. Ce serpent d’airain fut conservé parmi les Israélites jusqu’au regne d’Ezéchias, qui ayant appris qu’on lui rendoit un culte superstitieux, le fit mettre en pieces, & lui donna par dérision le nom de nohestan. Voyez Nohestan.

Marsham s’est imaginé que le serpent d’airain étoit une espece de talisman, c’est-à-dire de ces pieces de métal qui sont fondues & gravées sous certaines constellations, d’où elles tirent une vertu extraordinaire pour guérir certaines maladies. Les uns attribuent ces effets au démon, d’autres à la nature du métal, d’autres aux influences des constellations. Marsham pense donc que ce serpent d’airain élevé par Moïse, guérissoit les hébreux mordus des serpens, de la même maniere que les talismans guérissent certaines maladies, par la proportion qui se rencontre entre les métaux dont ils sont composés, ou les influences des astres sous lesquels ils sont formés, & la maladie dont on dit qu’ils guérissent ; mais c’est attaquer un miracle par des suppositions chimériques, puisque rien n’est plus incertain que ces prétendues qualités qu’on attribue aux talismans. Voyez Talisman.

Buxtorf le fils au contraire dans son histoire du serpent d’airain, croit que cette figure devoit naturellement augmenter le mal des blessés au-lieu de le guérir, en leur retraçant l’image des monstres qui les avoient li cruellement déchirés, & que Dieu fit éclater doublement sa puissance en guérissant par un moyen qui devoit produire un effet contraire. Mais il est aussi inutile de grossir ce miracle qu’il est téméraire de le réduire à un effet purement naturel.

On prétend montrer à Milan, dans l’église de S. Ambroise, un serpent d’airain qu’on dit être le même que celui de Moïse. L’Ecriture raconte trop positivement la destruction de ce dernier par Ezéchias, pour qu’on ajoute foi à la tradition populaire des Milanois. Calmet, Dict. de la Bible, tome III. page 542 & 543.

Serpent, dans l’Ecriture, se prend aussi pour le démon. Le serpent invisible qui tenta Eve par l’organe du serpent sensible, étoit le démon, comme l’Ecriture & tous les commentateurs le remarquent. Quelques-uns expliquent aussi du démon ce que dit Job du serpent tortueux, chap. xxvj. v. 13. S. Jean, dans l’Apocalypse, ch. xij. v. 9 & 14. marque clairement que le serpent ancien est le démon & satan : draco ille magnus, serpens antiquus, qui vocatur diabolus & satanas, & seducit universum orbem. Les Juifs appellent aussi le démon l’ancien serpent.

Serpent, (Mythol.) cet animal est un symbole ordinaire du soleil. Dans quelques monumens il se mord la queue, faisant un cercle de son corps, pour marquer le cours ordinaire de cet astre. Dans les figures de Mithras, il environne quelquefois Mithras à plusieurs tours, pour figurer le cours annuel du soleil sur l’écliptique, qui se fait en ligne spirale.

Le serpent étoit aussi le symbole de la Médecine, & des dieux qui y président, comme d’Apollon, d’Esculape. Mais Pausanias nous dit que quoique les serpens en général soient consacrés à ce dernier dieu, cette prérogative appartient sur-tout à une espece particuliere dont la couleur tire sur le jaune ; ceux-là ne font point de mal aux hommes, & l’Epidaurie est le