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le course ou à travailler. A l’égard du côté gauche, il faut commencer dans un sens contraire, c’est-à-dire, que la premiere du côté du drap soit passée sur la premiere, quatrieme, cinquieme, & huitieme ; la seconde, sur la deuxieme, troisieme, sixieme, & septieme, & ainsi des autres. Au moyen de cette façon de passer la cordeline, il arrive que les deux premiers coups de navette se trouvent précisément sous les mêmes cordelines levées ; les deux seconds sous celles qui avoient demeuré baissées ; ainsi des autres jusqu’à la fin du course ; quoique à chaque coup de navette il leve une lisse différente, suivant l’armure ordinaire d’une prise & deux laissées.

Cette façon de passer les cordelines renferme deux objets également essentiels pour la perfection de la lisiere. Le premier est que les deux coups de navette se trouvent régulierement de chaque côté entre les trois ou quatre mêmes cordelines autant dessus que dessous, & produisent un effet bien différent que si elles croisoient à chaque coup ; parce que pour lors, le satin ne croisant pas comme la lisiere, & la trame y entrant de dans avec plus de facilité, la lisiere avanceroit plus que l’étoffe par rapport à la croisure continuelle ; ce qui la rendroit défectueuse, & feroit que l’étoffe étant déroulée, la lisiere feroit ce qu’on appelle en fabrique le ventre de veau ; tandis que l’étoffe paroîtroit également tendue ; ce qui arrive néanmoins très-souvent & fait paroître l’étoffe défectueuse, principalement quand il s’agit de coudre lisiere contre lisiere quand elle est coupée pour en faire des robes ou autres ornemens.

Le second objet, que l’on peut dire hardiment être ignoré de la centieme partie des fabriquans est, que cette façon de passer les cordelines, fait que dans celles qui levent du côté où on passe la navette, celle de la rive, ou la plus éloignée du drap, ne peut manquer de lever, & successivement les autres une prise & une laissée, afin que la trame se trouve retenue par celle qui leve, & que la lisiere soit plate à son extrémité ; ce qui s’appelle en terme de fabrique, faire le ruban ; ce qui n’arriveroit pas si la seconde levoit ; parce que pour lors, le coup de navette précédent faisant que la trame se seroit trouvée dessous la cordeline de la rive qui auroit levé, cette cordeline se trouvant baissée quand il faudroit repasser les deux coups, l’ouvrier en étendant sa trame pour la coucher, les cordelines qui ne levent pas étant très-lâches, attendu que celles qui levent supportent tout le poids destiné à leur extension ; il arrive que la trame tire la cordeline qui n’est pas tendue, & la fait ranger sous la seconde qui l’est beaucoup, attendu la levée, & forme une lisiere quarrée au lieu de former le ruban, ou d’être plate comme elle doit être.

Cette précaution quoique très-importante est tellement ignorée des fabriquans de Lyon, que presque toutes les étoffes péchent par la lisiere, & que ceux qui ne connoissent pas la fabrique, attribuent ce défaut à la qualité de la matiere dont la cordeline est composée, quoiqu’il n’y en ait pas d’autre que celui que l’on vient de citer.

Il est donc d’une nécessité indispensable de passer les cordelines d’une façon, soit aux taffetas ou gros-de-tours, soit aux satins, que celle qui est à la rive de l’étoffe soit toujours disposée à être levée du côté où l’ouvrier lance la navette, parce que pour lors il se trouvera qu’elle aura baissé au coup précédent : cette observation concerne toutes les étoffes de la fabrique en général.

Dans une étoffe telle qu’une lustrine liserée, la façon de passer la cordeline est différente pour qu’elle soit parfaite, parce que pour lors la premiere navette passe régulierement deux fois, quand celle du liseré n’en passe qu’une ; ce qui fait qu’au retour de la premiere la cordeline doit croiser pour arrêter la trame, ce qui n’arrive pas dans celle que l’on vient de citer ;

de façon que dans celle-ci les deux coups de trame & celui du liseré doivent se trouver sous un même pas pour que la lisiere ne fasse pas le ventre de veau.

Les cordelines dans celle-ci doivent donc être passées, savoir du côté droit la premiere & la plus proche du drap sur la 3, 4, 7 & 8e lisse ; la seconde sur la premiere, 2, 5 & 6e, ainsi des autres, soit qu’il y en ait six ou huit ; de façon que celle de la rive se trouve toujours passée sur les mêmes lisses de la seconde ; par conséquent elle leve du côté où la navette est lancée. Les cordelines du côté gauche doivent être passées en sens contraire, c’est-à-dire, la premiere plus près du drap sur la premiere, 2, 5 & 6e, la seconde sur la 3, 4, 7 & 8e ; ce qui fait qu’au moyen de l’armure du satin, celle de la rive, au second coup de navette, se trouve régulierement sur la troisieme lisse, qui est celle qui doit lever à ce même coup, suivant l’armure du métier.

Cordelines pour les damas. Il n’est pas possible de passer la cordeline dans le damas, ni dans tous les satins à cinq lisses ; de façon que celle de la rive leve régulierement du côté que la navette est lancée, attendu le nombre impair des lisses, qui fait que quand le course des cinq lisses est fini, la navette se trouve à gauche dans le premier, & à droite dans le second ; il y a cependant une façon de les passer, pour que la lisiere soit belle, différente des autres genres d’étoffe : la premiere cordeline du côté du drap doit être passée sur la premiere lisse du côté du corps, la quatrieme & la cinquieme ; la seconde doit être passée sur la deuxieme & la troisieme ; la troisieme sur la quatrieme & la cinquieme ; la quatrieme sur la premiere, la seconde & la troisieme ; la cinquieme sur la troisieme, quatrieme & la cinquieme ; la sixieme sur la premiere & la seconde, en commençant à la droite. La lisiere du côté gauche doit être passée de même que celle du côté droit. Il y a encore une autre façon de passer la cordeline ; savoir, la premiere du côté du drap sur la premiere & la seconde ; la seconde sur la quatrieme & la cinquieme ; la troisieme sur la seconde & la troisieme ; la quatrieme sur la premiere & la cinquieme ; la cinquieme sur la troisieme & la quatrieme ; la sixieme sur la premiere & la seconde, où il faut observer que la lisse du milieu, ou la troisieme par laquelle finit le second course, ou le dixieme coup, ne doit jamais faire lever les mêmes cordelines qui sont sur la premiere lisse, parce que pour lors le course finissant par celle du milieu, les mêmes cordelines leveroient, & la trame ne seroit point liée.

De la différence des damas de Lyon & de Gènes. La façon dont les Italiens, principalement les Génois, fabriquent le damas, est tellement différente de celle dont on se sert en France, soit par la qualité & quantité de soie dont leurs chaînes sont composées, soit par la maniere dont ils sont travaillés, qu’il n’est pas besoin d’être fabriquant pour convenir que si leurs étoffes sont préférées aux nôtres, leurs principes sont aussi plus excellens ; c’est ce qu’il est nécessaire d’expliquer.

On vient de dire que la qualité & quantité de la soie dont les chaînes des damas qui se fabriquent chez l’étranger sont composées, different de la quantité & qualité de celle qui est employée dans les damas qui se fabriquent en France, il faut le démontrer.

Le réglement du 1 Octobre 1737, quoique rempli de vetilles sur le fait de la fabrication des étoffes, ne fait aucune mention des damas meubles ; il ordonne seulement, art. 68. que les damas ne pourront être faits à moins de 90 portées de chaîne. Celui du 19 Juin 1744, ordonne, titre viij. art. 4. que les damas réputés pour meubles ne pourront être faits à-moins de 90 portées de chaîne, chaque portée de 80 fils.