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a fait prendre une forme solide & concrete. En effet ce savant chimiste remarque que le soufre fondu en se refroidissant se crystallise à la maniere des sels neutres. La crystallisation commence vers les parois du vaisseau dans lequel le soufre a été fondu, & à la surface par où il a le contact de l’air où le refroidissement commence, & où il se forme une croûte ; si on creve cette croûte avant que le soufre ait eu le tems de se refroidir entierement, & si l’on vuide le soufre qui est encore en fusion au centre, on verra que la croûte sera remplie de petits crystaux en colonnes ou en stries.

Quoique le soufre soit une substance très-inflammable, il ne laisse pas de brûler très-lentement. Stahl a remarqué qu’en prenant deux gros de soufre pulvérisé, au milieu duquel on place un fil qui sert de meche, & auquel on met le feu avec précaution, de crainte que la flamme ne s’étende sur la surface du soufre, ces deux gros ne perdront dans une heure de tems que 15 ou 16 grains de leur poids.

C’est une vérité reconnue de tous les chimistes, que l’acide vitriolique & l’acide du soufre sont les mêmes ; cependant l’acide sulphureux volatil dont nous venons de parler, n’est point la même chose que l’acide vitriolique ; & le célebre Stahl a observé que l’acide sulphureux volatil, en se dégageant du soufre, entraine avec lui une portion du phlogistique ; de plus il a remarqué qu’il attiroit fortement l’humidité de l’air, & que cette humidité entroit comme partie essentielle dans l’acide sulphureux volatil. Pour que le phlogistique reste uni à cet acide, il faut que le soufre soit brûlé lentement ; sans cela à un feu trop violent cette portion du phlogistique se dégageroit, & l’acide que l’on obtiendroit, seroit un simple acide vitriolique non volatil. On trouvera vers la fin de cet article la meilleure maniere d’obtenir l’acide sulphureux volatil, en parlant des préparations pharmaceutiques du soufre.

On fera voir dans la suite de cet article, que le soufre se dissout dans toutes sortes d’huiles, & dans l’alkali fixe. Quelques auteurs ont prétendu que l’on pouvoit disposer le soufre à la fixité, en le mettant en digestion dans l’acide vitriolique, & en en faisant l’abstraction, & réiterant à plusieurs reprises ces opérations ; mais les acides n’ont aucune action sur le soufre ; il n’est pas plus vrai que l’acide nitreux, ou l’acide du sel-marin rende le soufre transparent, lorsqu’on l’y fait bouillir pendant six heures.

On peut produire artificiellement du soufre ; pour cet effet on n’a qu’à prendre parties égales de tartre vitriolé, & d’alkali fixe bien pur, on les pulvérise avec un peu de charbon ; on met ce mélange dans un creuset, que l’on couvre bien exactement, & on donne un feu très-vif ; par ce moyen, le mélange entre en fusion & produit un véritable foie de soufre ; pour en séparer le soufre, on n’aura qu’à faire dissoudre ce foie de soufre dans de l’eau, & y verser quelques gouttes d’acide, qui fera tomber le soufre en poudre, sous la forme & la couleur qui lui est propre. Ce soufre s’est produit dans l’opération par la combinaison qui se fait de l’acide vitriolique contenu dans le tartre vitriolé avec le phlogistique du charbon. Le célebre Stahl, a trouvé que dans la composition du soufre, l’acide vitriolique faisoit environ du poid total, & même un peu plus, & que le phlogistique y faisoit un peu moins que .

Le soufre a la propriété de s’unir avec tous les métaux & les demi-métaux, à l’exception de l’or, sur lequel il n’agit que lorsqu’il est combiné avec le sel alkali fixe. Comme l’acide vitriolique se trouve abondamment répandu dans le regne minéral, ainsi que le phlogistique, il n’est point surprenant que l’on rencontre le soufre dans un si grand nombre de mines.

Le soufre en poudre, mêlé avec de la limaille de

fer, & humecté, produit une chaleur très-forte, & le mélange finit par s’allumer. Le soufre trituré avec du mercure, se change en une poudre noire, connue sous le nom d’éthiops minéral. Si on sublime ce mélange, on obtient du cinnabre. Voyez Cinnabre. Combiné avec le régule d’antimoine, il forme ce qu’on appelle l’antimoine cru. Voyez Régule d’antimoine. Le soufre combiné avec l’arsenic, fait la substance appellée orpin ou orpiment, voyez cet article.

Le soufre, comme nous l’avons déja fait remarquer, n’est point soluble dans l’eau, ainsi c’est une erreur de croire qu’il puisse lui communiquer aucune qualité. Quelques personnes ont cru, sans raison, qu’il étoit propre à rafraîchir l’eau.

On prépare diversement le soufre pour des usages pharmaceutiques : on trouve dans les boutiques, premierement les fleurs de soufre dont il a été déja parlé. 2°. le soufre lavé, & la crême de soufre. Ce soufre lavé se prépare ainsi : prenez du soufre commun entier, deux livres ; faites-les fondre à un feu doux, dans un vaisseau de terre ; versez dessus trois livres d’eau bouillante ; faites bouillir le mélange pendant un quart-d’heure, laissez-le reposer un instant, & decantez ; versez une pareille quantité d’eau bouillante sur le résidu, faites bouillir encore, & decantez ; repetez cette manœuvre quatorze fois ; mettez votre soufre ainsi lavé, dans un vaisseau de terre bien couvert, que vous tiendrez deux heures dans un four, pour que votre soufre coule comme de l’huile ; laissez refroidir le vaisseau, cassez-le, retirez votre soufre & le reduisez en poudre : c’est le soufre lavé. Si vous pulvérisez ultérieurement ce soufre sur le porphire avec une eau distillée aromatique, vous aurez la crême de soufre. 3°. Le lait & le magistere de soufre, ne sont autre chose que le précipité du foie de soufre, soit spontané, soit obtenu par l’acide du vinaigre. Ce n’est par conséquent, comme on voit, que du soufre très-divisé par la pulvérisation philosophique. On voit encore que le soufre lavé, la crême de soufre, le lait ou le magistere de soufre, & les fleurs de soufre, ne sont qu’une même chose, savoir du soufre entier très divisé, mais très-vraissemblablement le lait ou magistere de soufre plus que ses autres préparations, d’ailleurs très-analogues. On prépare d’ailleurs un lait de soufre d’une espece particuliere, & qui differe essentiellement de tous ces remedes purement sulphureux. Celui-ci est un précipité du même, hépar de soufre par l’alun : il se fait dans ce cas une double précipitation, savoir celle du soufre, & celle de la terre de l’alun ; ce précipité est immense eu égard à la quantité de réactifs d’où on le retire.

L’union du soufre à différentes huiles, soit essentielles, soit par expression, fournit divers baumes de soufre, ou rubis de soufre ; ils se préparent en faisant dissoudre des fleurs de soufre dans une huile quelconque, de l’une ou de l’autre espece ; les huiles par expression en dissolvent une très-grande quantité, & l’on peut faire commodément cette opération dans un vaisseau de terre, & avec le secours d’un feu tel qu’il n’échauffe l’huile que jusqu’au point de faire fondre le soufre, ce qui arrive à un degré bien inférieur à celui qui seroit nécessaire pour faire bouillir cette huile ; les huiles essentielles au-contraire ne dissolvent que peu de soufre. Boërhaave a trouvé que l’huile de térébenthine, v. g. n’en pouvoit dissoudre qu’un de son poids. On doit traiter le soufre avec les huiles essentielles, dans un matras à long cou, qui ne soit rempli qu’à demi, & qu’il faut laisser ouvert, parce qu’il faut faire bouillir le mélange, effectuer la dissolution, & qu’il faut prévenir l’explosion énorme dont est susceptible ce mélange, selon l’observation rapportée par Hoffman, phys. chim. l. III. obs. 15. or cette explosion ne peut avoir cependant lieu, que lorsqu’on traite imprudemment