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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/826

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bel ordre & à une belle discipline par le maréchal de Brissac ; mais elle perdit bientôt tous ces avantages par le désordre & la licence des guerres civiles.

» L’histoire de France, depuis Henri II. jusqu’à Henri IV. n’expose que de petites guerres de partis & des combats sans ordre ; les batailles étoient des escarmouches générales. Cela se pratiquoit ainsi faute de bonne infanterie. La cessation des troubles nous fit ouvrir les yeux sur notre barbarie ; mais les matieres militaires étoient perverties, ou plutôt perdues. Pour les recouvrer il falloit des modeles. Le prince Maurice de Nassau éclairoit alors toute l’Europe par l’ordre & la discipline qu’il établissoit chez les Hollandois. On courut à cette lumiere ; on se forma, on s’instruisit sous ses yeux à son école ; mais l’on n’imita rien servilement. On prit le fond des connoissances qu’il enseignoit par sa pratique, & l’on en fit l’application relativement au génie de la nation.

» Les grands principes sont universels ; il n’y a que la façon de les appliquer qui ne peut l’être. On établit alors le mélange des armes & des forces ; on fixa le nombre des hommes du bataillon, & les corps furent armés des différentes armes qui se prêtoient un mutuel secours. On vit sous les mêmes drapeaux des enfans perdus, des mousquetaires, des piques, des hallebardes & des rondaches. Les exercices qui nous restent de ce tems-là annoncent des principes de lumiere & de méthode dans l’instruction, mais ils n’indiquent point l’abandon de l’espece de combat qui nous étoit avantageux : au contraire, sans imiter précisément les Hollandois, nous profitâmes des lumieres du prince Maurice, conformément à notre génie, & nous surpassâmes bientôt notre modele.

» C’est ainsi que l’on peut & que l’on doit imiter, sans s’attacher aux méthodes particulieres. Car quelque bonnes qu’elles puissent être chez les étrangers, il faut toujours penser que puisqu’elles leur sont habituelles & dominantes, elles sont analogues à leur caractere. Car le caractere national ne peut se communiquer ; il ne s’imite point ; c’est, s’il est heureux, le seul avantage d’une nation sur une autre que l’ennemi ne puisse pas s’approprier ; mais quand on y renonce par principe, & qu’on se dépouille de son naturel pour imiter, on finit par n’être ni soi ni les autres, & l’on se trouve fort au-dessous de ceux qu’on a voulu imiter.

» Je ne doute pas que les étrangers ne voient avec plaisir que nous nous sommes privés volontairement de l’avantage de notre vivacité dans le choc qu’ils ont toujours redouté en nous, & qu’ils ont cherché à éluder parce qu’ils n’ont pas cru pouvoir y résister, & encore moins l’imiter. Cette imitation étoit hors de leur caractere ; elle leur a paru impraticable ; ils se sont servi de leur propre vertu, & ils se sont procuré des avantages dans un autre genre, en se faisant un principe constant de se dévoyer autant qu’ils le peuvent à l’impétuosité de notre choc.

» Il faut chercher sans doute à se rendre propre au genre de combat auquel ils nous forcent le plus souvent ; mais il est nécessaire en même tems de s’appliquer à employer cette force qu’ils redoutent en nous, & dont ils nous apprennent la valeur par l’attention qu’ils ont à l’éviter.

» Il est donc nécessaire que notre ordre habituel n’ait pas cette tendance uniquement destinée à la mousqueterie, & à la destruction de toute autre force. C’est pourquoi il faut fixer des principes & un ordre également distant de l’état de foiblesse, & celui d’une force qui n’est propre qu’à certaines circonstances, ou qui est employé au-delà de la nécessité ». (Q)

TADGIES, (terme de relation.) nom qu’on donne aux habitans des villes de la Transoxane, & du pays d’Iran, c’est-à-dire à tous ceux qui ne sont ni tartares, ni mogols, ni turcs, mais qui sont naturels des villes ou des pays conquis.

TADINÆ, ou Tadinum, (Géogr. anc.) & ses habitans Tadinates ; ville d’Italie au pié du mont Apennin, & des frontieres de l’Umbrie. Elle étoit sur la voie Flaminienne, & le fleuve Rasina mouilloit ses murs. On la nomme aujourd’hui Gualdo ; cependant Gualdo n’est pas dans le même lieu que Tadinæ, mais sur une colline voisine. (D. J.)

TADMOR, (Géogr. mod.) on écrit aussi Thadmor, Tamor, Thamor, Thedmor, Tedmoor & Tedmor ; mais qu’on écrive comme on voudra, c’est l’ancien nom hébraïque & syriaque de la ville célebre, que les Grecs & les Romains ont nommée Palmyre. Voyez Palmyre.

TADORNE, TARDONNE, s. f. (Hist. nat. Ornitholog.) tadorna bellonii, oiseau de mer qui est plus petit que l’oie, & plus gros que le canard ; il a le bec court, large, un peu courbe, & terminé par une espece d’ongle ; cet ongle & les narines sont noires ; tout le reste du bec a une couleur rouge ; il y a près de la base de la piece supérieure du bec, une prééminence oblongue & charnue ; la tête & la partie supérieure du cou sont d’un verd foncé & luisant ; le reste du cou & le jabot ont une belle couleur blanche ; les plumes de la poitrine & des épaules sont de couleur de feuille morte, cette couleur forme un cercle au-tour de la partie antérieure du corps ; le bas de la poitrine & le ventre sont blancs ; les plumes du dessous de l’anus ont une couleur tirant sur l’orangé, à-peu-près semblables à celle des plumes du dessus de la poitrine ; les plumes du dos & des aîles, à l’exception de celles de la derniere articulation de l’aîle, sont blanches ; les longues plumes des épaules ont une couleur noire ; celles de la queue sont blanches, à l’exception de la pointe qui est noire. Rai, synop. meth. avium. Voyez Oiseau.

TADOUSSAC ou Tadousac, (Géog. mod.) port & établissement de l’Amérique septentrionale, dans la nouvelle France, au bord du fleuve S. Laurent, à 30 lieues au-dessous de Québec, près de l’embouchure de la riviere Saguenai ; c’est un petit port capable au plus de contenir vingt navires. Longit. 309. lat. 48. 33. (D. J.)

TÆDA, s. m. (Botan. & Littérat.) tæda en botanique, est le pin des montagnes converti en une substance grasse. Rai, Dalechamp, Clusius & Parkinson ont, je crois, raison de penser que le mot tæda est homonyme, & signifie quelquefois le bois gras & résineux, τὴν δᾷδα, du pin que l’on brûle en forme de torche ; & quelquefois une espece particuliere d’arbre que Théophraste n’a point connue. On tire de la partie inférieure du pin des montagnes, qui est près de la racine, des morceaux de bois résineux dont on se sert pour allumer du feu, & pour éclairer dans plusieurs endroits de l’Allemagne ; la seve se jettant sur la racine cause une suffocation, par le moyen de laquelle l’arbre se convertit en tæda. Le sapin & la melèse se convertissent quelquefois en tæda ; mais cela est assez rare, car c’est une maladie particuliere au pin des montagnes.

L’usage que l’on faisoit des morceaux de tæda pour éclairer, est cause que l’on donne le même nom à toutes sortes de flambeaux, & sur-tout au flambeau nuptial. Aussi le mot de tæda se prend-il dans les poëtes pour le mariage. Catule appelle un heureux mariage, felices tædæ ; & Séneque nomme tæda, l’épithalame ou la chanson nuptiale. Aristenete, dans sa description des noces d’Acoucés & de Cydippé, dit qu’on mêla de l’encens dans les flambeaux nuptiaux, afin qu’ils répandissent une odeur agréable avec leur