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ouvrage ; de façon que s’il y a deux mille métiers travaillant dans ce genre, peut-être ne se trouveroit-il pas dix maîtres en état de les monter. Il y en a actuellement plus de deux mille travaillant qui fabriquent les uns dans les autres, à raison de trois aunes & plus sur chaque métier, dont il y en a eu jusqu’à trois mille travaillant dans ce seul genre, mais beaucoup plus de droguets que de taffetas.

TAFFIA, s. m. (Art distill.) le taffia, que les Anglois appellent rhum, & les François guildive, est un esprit ardent ou eau-de-vie tirée par le moyen de la distillation des débris du sucre, des écumes & des gros sirops, après avoir laissé fermenter ces substances dans une suffisante quantité d’eau.

Voici de quelle façon on opere. On commence par mettre dans de grandes auges de bois construites d’une seule piece, deux parties d’eau claire, sur lesquelles on verse environ une partie de gros sirop, d’écumes & de débris de sucre fondus ; on couvre les auges avec des planches, & on donne le tems à la fermentation de produire son effet. Au bout de deux ou trois jours, selon la température de l’atmosphere, il s’excite dans les auges un mouvement intestin, qui chasse les impuretés grossieres, & les fait monter à la surface de la grappe, c’est-à-dire de la liqueur, laquelle acquiert une couleur jaune & une odeur aigre extrèmement forte, signe évident que la fermentation a passé de son état spiritueux à celui d’acidité. C’est à quoi les Distillateurs de taffia ne font nulle attention, se conduisant d’après une ancienne routine : on croit devoir les avertir de veiller soigneusement à saisir l’instant juste entre ces deux degrés de fermentation, ils y trouveront leur avantage par la bonne qualité de la liqueur qu’ils distilleront.

C’est ordinairement à la couleur, aussi-bien qu’à l’odeur, que l’ouvrier juge si la grappe est en état d’être passée à l’alembic. Alors on enleve fort exactement toutes les ordures & les écumes qui surnagent, & on verse la grappe dans de grandes chaudieres placées sur un fourneau, dans lequel on fait un feu de bois. Ces chaudieres, dont on peut voir la figure dans nos Planches de Sucrerie, sont de grandes cucurbites de cuivre rouge, garnies d’un chapiteau à long bec, auquel on adapte une couleuvre, espece de grand serpentin d’étain en spirale, formant plusieurs circonvolutions au milieu d’un tonneau plein d’eau fraîche, qu’on a grand soin de renouveller lorsqu’elle commence à s’échauffer, l’extrémité inférieure du serpentin passe au-travers d’un trou fort juste percé vers le bas du tonneau ; c’est par cette extrémité que coule la liqueur distillée dans des cruches ou pots de raffinerie servant de récipiens.

Lorsqu’il ne monte plus d’esprit dans le chapiteau, on délute les jointures du collet ; & après avoir vuidé la chaudiere, on la remplit de nouvelle grappe, & on recommence la distillation, pour avoir une certaine quantité de premiere eau distillée, laquelle étant foible, a besoin d’être repassée une seconde fois à l’alembic. Par cette rectification, elle acquiert beaucoup de limpidité & de force. Elle est très-spiritueuse ; mais par le peu de précaution, elle contracte toujours de l’âcreté, & une odeur de cuir tanné fort désagréable à ceux qui n’y sont pas accoutumés. Les Anglois de la Barbade distillent le taffia avec plus de soin que nous ne faisons. Ils l’emploient avec de la limonnade, pour en composer le punch dont ils usent fréquemment. Voyez Punch. C’est encore avec le taffia, mêlé des ingrédiens convenables, qu’ils composent cette excellente liqueur connue sous le nom d’eau des Barbades, qui cependant est beaucoup plus fine & bien meilleure lorsqu’elle est faite avec l’eau-de-vie de Coignac. On emploie com-

munément le taffia pour frotter les membres froissés,

pour soulager les douleurs rhumatismales. On y ajoute quelquefois des huiles de frégate, de soldat, ou de serpent tête-de-chien : si on le mêle avec des jaunes d’œufs cruds & du baume de copahu un peu chaud, on en compose un excellent digestif propre à nettoyer les plaies.

Quoique le fréquent usage de l’eau-de-vie & des liqueurs spiritueuses soit pernicieux à la santé, on a remarqué que de toutes ces liqueurs le taffia étoit la moins malfaisante. Cela paroît démontré par les excès qu’en font nos soldats & nos negres, qui résisteroient moins long-tems à la malignité des eaux-de-vie qu’on fait en Europe. Art. de M. le Romain.

TAFILET, (Géog. mod.) royaume d’Afrique, en Barbarie, compris dans les états de Maroc. Il est borné au nord par les royaumes de Tremecen & de Fez, au midi par le desert de Barbarie, au levant par le pays des Béréberes, & au couchant par les royaumes de Fez, de Maroc & de Sus. On le divise en trois provinces, qui sont Dras, Sara & Thuat. Les grandes chaleurs qu’il y fait, & les sables en rendent le terroir stérile ; cependant il y croît beaucoup de dattes. Ses principales villes sont Tafilet, capitale, Sugulmesse, Timescuit & Taragale. (D. J.)

Tafilet, (Géog. mod.) ville d’Afrique, capitale du royaume, & sur une riviere de même nom. Elle est peuplée d’environ deux mille béréberes, & son terroir produit les meilleures dattes de Barbarie. Long. 16. 5. lat. 28. 30. (D. J.)

Tafilet, riviere, (Géog. mod.) riviere d’Afrique dans la Barbarie, au royaume du même nom qu’elle traverse. Elle a sa source dans le mont Atlas, au pays des Sagars, & se perd dans les sables du Sara, ou desert de Barbarie. (D. J.)

TAFOE, (Géog. mod.) ou Tafou ; province d’Afrique, dans la Guinée proprement dite, au royaume d’Akim. Vers le midi de cette province, est la montagne de Tafou, où l’on prétend qu’il y a des mines d’or.

TAFURES, (Géog. mod.) petite ville d’Asie, dans l’Archipel des Moluques, à 80 lieues de Ternate. Elle a trois lieues de circuit, des palmiers, du coco, plusieurs autres fruits, un grand étang, &c. en un mot, elle est fertile, & néanmoins fort dépeuplée par les ravages qu’y commirent les Espagnols en 1631, & dont elle n’a pu se relever. (D. J.)

TAGAE, (Géog. anc.) ville de la Parthie aux confins de l’Hyrcanie, près du fleuve Oxus, selon Polybe, l. X. n°. 26. & selon Solin.

TAGAMA, (Géog. anc.) ville d’Afrique dans la Lybie intérieure, sur le bord du Niger, entre Vellégia & Panagra, selon Ptolomée, l. IV. c. vj. Elle a été épiscopale.

TAGAOST, (Géog. mod.) ville d’Afrique, au royaume de Maroc, dans la province de Sus, à 20 lieues de la mer. Les Juifs qui s’y trouvent vivent dans un quartier séparé, & y font un bon commerce. Long. 10. lat. 28. 30. (D. J.)

TAGASTE, (Géog. anc.) ville d’Afrique dans la Numidie, entre Hippone & Sicca-Veneria, ou comme le marque l’itinéraire d’Antonin, sur la route d’Hippone à Carthage, entre Hippone & Naraggara, à 53 milles de la premiere de ces villes, & à 25 de la seconde. Pline nomme Tagaste, Tagestense oppidum. C’étoit un siege épiscopal, qui a subsisté long-tems après les ruines de Carthage & d’Hippone.

Cette ville a été encore célebre par la naissance de S. Augustin, en l’an 354 de J. C. & d’Alypius son bon ami, qui en devint évêque l’an 394. Tandis que S. Augustin refutoit les Pélagiens avec la plume, Alypius obtint contre eux de l’empereur Hono-