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On met encore au nombre des théatres de jardin, les théatres de fleurs. Ceux-ci consistent dans le mélange des pots avec les caisses, ou dans l’arrangement que l’on fait par symmétrie sur des gradins & estrades de pierre, de bois, ou de gazon. Les fleurs propres pour cela sont l’œillet, la tubéreuse, l’amarante, la hyacinthe, l’oreille d’ours, la balsamine, le tricolor & la giroflée. (D. J.)

Théatre, (Fabrique de poudre à canon.) on nomme théatre dans les moulins à poudre, de grands échafauds de bois élevés de terre de quelques piés, sur lesquels, après que la poudre a été grenée, on l’expose au soleil le plus ardent, pour être entierement séchée, l’humidité étant ce qu’il y a de plus pernicieux à cette sorte de marchandise ; ces théatres sont couverts de grandes toiles, ou especes de draps, sur lesquels on étend la poudre. C’est au sortir de-là qu’elle se met en barrils. (D. J.)

Théatre, terme de riviere, pile de bois flotté ou neuf.

THEBÆ, (Géog. anc.) nom de plusieurs villes que nous allons indiquer, en les distinguant par des chiffres.

1°. Thebæ, ville de la haute Egypte, & à la droite du Nil pour la plus grande partie. C’est une très-ancienne ville qui donna son nom à la Thébaïde, & qui le pouvoit disputer aux plus belles villes de l’univers. Ses cent portes chantées par Homere, Iliad. j. v. 381. sont connues de tout le monde, & lui valurent le surnom d’Hécatonpyle. On l’appella pour sa magnificence Diospolis, la ville du Soleil ; cependant dans l’itinéraire d’Antonin, elle est simplement nommée Thebæ. Les Grecs & les Romains ont célebré sa grandeur, quoiqu’ils n’en eussent vu en quelque maniere que les ruines ; mais Pomponius Mela, l. I. c. ix. a exagéré sa population plus qu’aucun autre auteur, en nous disant avec emphase qu’elle pouvoit faire sortir dans le besoin dix mille combattans par chacune de ses portes.

Le nom de cette ville de Thebes ne se trouve pas dans le texte de la vulgate ; on ignore comment les anciens Hébreux l’appelloient ; car il est vraissemblable que le No-Ammon dont il est souvent parlé dans les prophetes Ezéchiel, xxx. 14. Nahum. iij. 8. Jérem. xlvj. 25. est plutôt la ville de Diospolis dans la basse Egypte, que la Diospolis magna, ou la Thebæ de la haute Egypte. Quoi qu’il en soit, cette superbe ville a eu le même sort que Menphis & qu’Alexandrie, on ne la connoît plus que par ses ruines.

2°. Thebæ, ville de Grece, dans la Béotie, sur le bord du fleuve Ismenus & dans les terres ; ceux du pays la nomment aujourd’hui Thiva ou Thive, & non pas Stiva ni Stives, comme écrit le P. Briet. Voyez Thiva.

Thebæ, ou comme nous disons en françois Thebes, fut ainsi nommée, selon Pausanias, de Thébé, fille de Prométhée. Cette ville capitale de la Béotie, fameuse par sa grandeur & par son ancienneté, l’étoit encore par les disgraces de ses héros. La fin tragique de Cadmus son fondateur, & d’Œdipe l’un de ses rois, qui tous deux transmirent leur mauvaise fortune à leurs descendans ; la naissance de Bacchus & d’Hercule ; un siege soutenu avant celui de Troie, & divers autres événemens histoire ou fabuleux, la mettoient au nombre des villes les plus renommées ; Amphion l’entoura de murailles, & persuada par son éloquence aux peuples de la campagne de venir habiter sa ville. C’est ce qui fit dire aux poëtes qu’Amphion avoit bâti les murailles de Thebes au son de sa lyre, qui obligeoit les pierres à se placer d’elles-mêmes partout où il le falloit. Bientôt la ville de Cadmus ne devint que la citadelle de Thebes qui s’aggrandit, & forma la république des Thébains. Voyez Thébains.

Cette république fut élevée pendant un moment au plus haut point de grandeur par le seul Epaminondas ; mais ce héros ayant été tué à la bataille de Mantinée, Philippe plus heureux, se rendit maître de toute la Béotie, & Thebes au plus haut point de grandeur fut soumise au roi de Macédoine. Alexandre en partant pour la Thrace, y mit une garnison macédonienne, que les habitans égorgerent sur les faux-bruits de la mort de ce prince. A son retour il assiégea Thebes, la prit, & par un terrible exemple de sévérité, il la détruisit de fond en comble. Six mille de ses habitans furent massacrés, & le reste fut enchaîné & vendu. On connoît la description touchante & pathétique qu’Eschine a donnée du saccagement de cette ville dans sa harangue contre Ctésiphon. Strabon assure que de son tems, Thebes n’étoit plus qu’un village.

Ovide par une expression poétique dit qu’il n’en restoit que le nom ; cependant Pausanias, qui vivoit après eux, fait encore mention de plusieurs statues, de temples, & de monumens qui y restoient, il seroit maintenant impossible d’en pouvoir justifier quelque chose.

Mais il reste à la gloire de Thebes, la naissance du plus grand de tous les poëtes lyriques, du sublime Pindare ; qui lui-même appelle Thebes sa mere. Ses parens peu distingués par leur fortune, tiroient cependant leur origine des Ægides, tribu considérable à Sparte, & d’où sortoit la famille d’Arcésilas roi des Cyrénéens, à laquelle Pindare prétendoit être allié. Quoique les auteurs varient sur le tems de sa naissance, l’opinion de ceux qui la placent dans la 65 olympiade, l’an 520 avant J. C. paroît la mieux fondée. « Ce poëte, dit Pausanias, étant encore dans sa premiere jeunesse, un jour d’été qu’il alloit à Thespies, il se trouva si fatigué de la chaleur, qu’il se coucha à terre près du grand chemin, & s’endormit. Durant son sommeil, des abeilles vinrent se reposer sur les levres, & y laisserent un rayon de miel ; ce qui fut comme un augure de ce que l’on devoit un jour entendre de lui ».

Il prit des leçons de Myrtis, femme que distinguoit alors son talent dans le poëme lyrique. Il devint ensuite disciple de Simonide de Lasus, ou d’Agathocle, qui excelloit dans ce même genre de poésie ; mais il surpassa bientôt tous ses maîtres, & il brilloit déjà au même tems que le poëte Eschyle se signaloit chez les Athéniens dans le poëme dramatique.

La haute réputation de Pindare pour le lyrique, le fit chérir de plusieurs princes ses contemporains, & surtout des athletes du premier ordre, qui se faisoient grand honneur de l’avoir pour panégyriste, dans leurs victoires agonistiques ; Alexandre fils d’Amyntas, roi de Macédoine, renommé par ses richesses, étoit doué d’un goût naturel pour tous les beaux arts, & principalement pour la poésie & pour la musique. Il prenoit à tâche d’attirer chez lui par ses bienfaits, ceux qui brilloient en l’un & l’autre genre, & il fut un des admirateurs de Pindare, qu’il honora de ses libéralités. Ce poëte n’eut pas moins de crédit à la cour de Gélon & d’Hiéron, tyrans de Syracuse ; & de concert avec Simonide, il contribua beaucoup à cultiver & orner l’esprit de ce dernier prince, à qui son application continuelle au métier de la guerre, avoit fait négliger totalement l’étude des belles-lettres ; ce qui l’avoit rendu rustique, & d’un commerce peu gracieux.

Clément Alexandrin donne Pindare pour l’inventeur de ces danses, qui dans les cérémonies religieuses, accompagnoient les chœurs de musique, & qu’on appelloit hyporchemes. Il est du-moins certain, que non-seulement il chanta les dieux par des cantiques admirables, mais encore qu’il leur éleva des monu-