Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aratus qui ranima quelque tems dans la Grece la liberté expirante.

« Et l’aimable Philopaemen, le favori & le dernier espoir de son pays, qui ne pouvant en bannir le luxe & la pompe, sut le tourner du côté des armes ; simple & laborieux à la campagne, chef habile & hardi aux champs de Mars.

« Un peuple puissant, race de héros, paroît dans le même paysage pour m’offrir des pieces de comparaison, & me mettre en état de juger le mérite entre les deux premieres nations du monde.

« Il me semble que le front plus severe de ce dernier peuple, n’a d’autre tache qu’un amour excessif de la patrie, passion trop ardente & trop partiale. Numa, la lumiere de Rome, fut son premier & son meilleur fondateur, puisqu’il fut celui des mœurs. Le roi Servius posa la base solide sur laquelle s’éleva la vaste république qui domina l’univers. Viennent ensuite les grands & véritables consuls.

« Junius Brutus, dans qui le pere public du haut de son redoutable tribunal, fit taire le pere privé.

« Camille, que son pays ingrat ne put perdre, & qui ne sut venger que les injures de la patrie.

« Fabricius, qui foule aux piés l’or séducteur.

« Cincinnatus, redoutable à l’instant où il quitta sa charue.

« Coriolan, fils soumis, mari sensible, coupable seulement d’avoir pris le parti des Volsques contre les Romains.

« Le magnanime Paul Emile rend la liberté à toutes les villes de Macédoine.

« Marcellus défait les Gaulois, & s’empare de Syracuse en pleurant la mort d’Archimede.

« Et toi sur-tout Regulus, victime volontaire de Carthage, impétueux à vaincre la nature, tu t’arraches aux larmes de ta famille pour garder ta foi, & pour obéir à la voix de l’honneur ».

Les vies du philosophe de Chéronée, offrent encore à mes réflexions, « Marius fuyant, & se cachant dans les marais de Minturne ; Sylla son successeur, dont l’abdication noble, hardie, sensée, vertueuse, rendit son nom célebre dans Rome jusqu’à la fin de sa vie.

« Les Gracches doués du talent de la parole, sont pleins de feu, & d’un esprit d’autorité des tribuns qui leur fut fatal ; esprit toujours turbulent, toujours ambitieux, toujours propre à produire des tyrans populaires.

« Lucullus est malheureux de n’être pas mort dans le tems de ses victoires.

« Scipion, ce chef également brave & humain, parcourt rapidement tous les différens degrés de gloire sans tache ; ardent dans la jeunesse, il sut ensuite gouter les douceurs de la retraite avec les muses, l’amitié, & la philosophie.

« Sertorius, le premier capitaine de son tems, tout fugitif qu’il étoit, & chef de barbares en terre étrangere, tient tête à toutes les forces de la république, & périt par l’assassinat d’une de ses créatures.

« Cicéron, ta puissante éloquence arrêta quelque tems le rapide destin de la chute de Rome !

« Caton, tu es la vertu même, dans les plus grends dangers !

« Et toi malheureux Brutus, héros bienfaisant, ton bras tranquille, poussé par l’amour de la liberté, plongea l’épée romaine dans le sein de ton ami ! Voilà les hommes dont Plutarque a fait le tableau ! » (D. J.)

Vies des saints, (Hist. ecclésiastique.) voyez Legende.

Ajoutez ici avec l’auteur de l’esprit des lois, que si les vies des saints ne sont pas véridiques sur les miracles, elles fournissent du-moins de grands éclaircissemens sur l’origine des servitudes, de la glèbe, &

des fiefs : d’ailleurs les mensonges qui s’y trouvent peuvent apprendre les mœurs & les lois du tems, parce qu’ils sont relatifs à ces mœurs & à ces lois. On lit, par exemple, dans les vies des saints, que Clovis donna à un saint personnage la puissance sur un territoire de six lieues de pays, & qu’il voulut qu’il fut libre de toute jurisdiction quelconque. Il est vraissemblable que ce trait d’histoire est une fausseté, mais elle nous prouve que les mensonges se rapportent aux mœurs & aux lois du tems, & ce sont ces mœurs & ces lois qu’il faut chercher dans la lecture des vies des saints. (D. J.)

Vie, (Jurisprud.) en cette matiere se distingue en vie naturelle & vie civile.

On entend par vie naturelle le cours de la vie selon la nature.

La vie civile est l’état que tient dans l’ordre politique, celui qui n’en est pas déchu par quelque changement arrivé dans sa personne : ce changement arrive ou par ingression en religion, ou par quelque peine qui emporte mort civile. C’est en conséquence de la vie civile, que le citoyen jouit des droits qui sont émanés de la loi, & dont cesse de jouir celui qui est mort civilement. Voyez Cité, Mort, Profession religieuse. (A)

Vie, Vivre, Vivant, (Crit. sacr.) l’Ecriture parle au propre & au figuré de la vie du corps & de celle de l’ame, de la vie temporelle & de la vie éternelle. La vie temporelle étoit la récompense de l’observation de l’ancienne loi. Le seigneur est appellé le Dieu vivant, parce que lui seul vit essentiellement. Le Seigneur est vivant, est une formule de serment par la vie de Dieu ; laquelle formule se trouve souvent dans l’Ecriture. Vous jurerez en vérité, selon votre conscience & en justice ; le Seigneur est vivant, dit Jérémie, iv. 2. La terre des vivans, par rapport à ceux qui sont morts, c’est le monde ; dans le sens spirituel, c’est le ciel où la mort ne regne plus.

Les eaux vivantes, sont les eaux pures, les eaux de source, Lévitiq. 14.

Jesus-Christ est la vie, parce que la pratique de ses préceptes nous conduit à une vie heureuse. (D. J.)

Vie, la, (Géog. mod.) nom commun à deux petites rivieres de France, l’une dans la haute Normandie, l’autre dans le bas-Poitou. La premiere a sa source au pays d’Auge, & se jette dans la Dive. La seconde née au dessus de Poire-sur Roche, se perd dans la mer. (D. J.)

VIEIL, VIEUX, adj. (Gram.) qui est depuis longtems, & qui touche à la fin de sa durée. Un vieil homme, un vieil habit, un vieux cheval. C’est un homicide, à la maniere de Platon, que de caresser une vieille. On est vieux à soixante ans ; décrépit à quatre-vingt. Il y a de vieilles histoires, qui n’en sont pas plus vraies, quoiqu’on les répete sans cesse ; de vieux bons mots que tout le monde sait, & qui sont la provision d’esprit des sots ; de vieux manuscrits qu’on ne consulte plus ; peu de vieilles passions ; beaucoup de vieux livres, qu’on ne lit guere, quoique souvent une page de ces vieux livres ait plus de substance que tout un volume nouveau ; on parle aussi d’un bon vieux tems qu’on regrette, & ces regrets prouvent du-moins qu’on est mécontent de celui qui court ; de vieilles amitiés ; d’un vieux langage dont notre jargon académique n’est qu’un squelette ; de vieux capitaines qui savoient leur métier, & dont nous avons bon besoin, &c.

Vieil de la montagne, terme de relation ; quelques-uns disent vieux de la montagne, & d’autres veillards de la montagne ; nom du prince ou sultan des Ismaéliens de l’Iraque persienne, que les musulmans appellent Molahedah, impies & schismatiques, dont les sujets se dévouoient, pour assassiner ceux que leur prince tenoit pour ses ennemis.