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pour les objets éloignés, la prunelle se dilate, le crystallin s’approche de la rétine, & tout le globe de l’œil devient plus convexe : c’est le contraire pour les objets qui sont proches, la prunelle se contracte, le crystallin s’avance & l’œil s’alonge ; & il n’y a personne qui n’ait senti en regardant quelque objet fort près, que tout le globe de l’œil est alors, pour ainsi dire, dans une situation violente. Voyez Prunelle, Crystallin, &c.

On juge encore de la distance d’un objet par l’angle plus ou moins grand sous lequel on le voit, par sa représentation distincte ou confuse, par l’éclat ou la foiblesse de sa lumiere, par la rareté ou la multitude de ses rayons.

C’est pourquoi les objets qui paroissent obscurs ou confus, sont jugés aussi les plus éloignés ; & c’est un principe que suivent les Peintres, lorsqu’en représentant des figures sur le même plan, ils veulent que les unes paroissent plus éloignées que les autres. Voyez Perspective, &c.

De-là vient aussi que les chambres dont les murailles sont blanchies, paroissent plus petites ; que les champs couverts de neige ou de fleurs blanches, paroissent moins étendus que quand ils sont revêtus de verdure : que les montagnes couvertes de neige paroissent plus proches pendant la nuit : que les corps opaques paroissent plus éloignés dans les tems du crépuscule. Voyez Distance.

III. La grandeur ou l’étendue des objets visibles se connoit principalement par l’angle compris entre deux rayons tirés des deux extrémités de l’objet au centre de l’œil, cet angle étant combiné & composé, pour ainsi dire, avec la distance apparente de l’objet. Voyez Angle, Optique.

Un objet paroît d’autant plus grand, toutes choses d’ailleurs égales, qu’il est vu sous un plus grand angle : c’est-à-dire que les corps vus sous un plus grand angle paroissent plus grands, & ceux qui sont vus sous un plus petit angle, paroissent plus petits ; d’où il suit que le même objet peut paroître tantôt plus grand, tantôt plus petit, selon que sa distance à l’œil est plus petite ou plus grande : c’est ce qu’on appelle grandeur apparente.

Nous disons que pour juger de la grandeur réelle d’un objet, il faut avoir égard à la distance ; car puisqu’un objet proche peut paroître sous le même angle qu’un objet éloigné, il faut nécessairement estimer la distance ; si la distance apperçue est grande, quoique l’angle optique soit petit, on peut juger qu’un objet éloigné est grand, & réciproquement.

La grandeur des objets visibles est soumise à certaines lois démontrées par les Mathématiciens, lesquelles doivent néanmoins recevoir quelques limitations dont nous parlerons plus bas. Ces propositions sont :

1°. Que les grandeurs apparentes d’un objet éloigné sont réciproquement comme ses distances.

2°. Que les co-tangentes de la moitié des angles sous lesquels on voit un même objet, sont comme les distances ; d’où il suit qu’étant donné l’angle visuel d’un objet avec sa distance, l’on a une méthode pour déterminer la grandeur vraie ; en voici la regle : le sinus total est à la moitié de la tangente de l’angle visuel, comme la distance donnée est à la moitié de la grandeur vraie. Par la même regle, étant donnée la distance & la grandeur d’un objet, on déterminera l’angle sous lequel il est vu.

3°. Que les objets vus sous le même angle ont des grandeurs proportionnelles à leur distance.

Dans toutes ces propositions on suppose que l’objet est vu directement, c’est-à-dire que le rayon qui lui est perpendiculaire, le partage en deux également ; mais cette proposition ne doit être regardée comme vraie que quand les objets que l’on compare,

sont l’un & l’autre fort éloignés, quoiqu’à des distances inégales. Ainsi le soleil, par exemple, qui est vu sous un angle de 32 minutes environ, seroit vu sous un angle d’environ 16 minutes, s’il étoit deux fois plus éloigné, & son diametre nous paroîtroit deux fois moindre. Voyez Apparent.

Lorsque les objets sont à des distances assez petites de l’œil, leur grandeur apparente n’est pas simplement proportionnelle à l’angle visuel. Un géant de six piés est vu sous le même angle à six piés de distance qu’un nain de deux piés vu à deux piés ; cependant le nain paroit beaucoup plus petit que le géant.

La corde ou la soutendante AB d’un arc quelconque de cercle (Pl. d’Optiq. fig. 51.) paroît sous le même angle dans tous les points D, C, E, G, quoique l’un de ses points soit considérablement plus près de l’objet que les autres ; & le diametre DG paroit de même grandeur dans tous les points de la circonférence du cercle. Quelque auteurs ont conclu de-là que cette figure est la forme la plus avantageuse que l’on puisse donner aux théâtres.

Si l’œil est fixe en A (fig. 52.), & que la ligne droite BC se meuve de maniere que ses extrémités tombent toujours sur la circonférence d’un cercle, cette ligne paroîtra toujours sous le même angle ; d’où il suit que l’œil étant placé dans un angle quelconque d’un poligone régulier, tous les côtés paroîtront sous le même angle.

Les grandeurs apparentes du soleil & de la lune à leur lever & à leur coucher, sont un phénomène qui a beaucoup embarrassé les philosophes modernes. Selon les lois ordinaires de la vision, ces deux astres devroient paroître d’autant plus petits, qu’ils sont plus près de l’horison ; en effet ils sont alors plus loin de l’œil, puisque leur distance de l’œil, lorsqu’ils sont à l’horison, surpasse celles où ils en seroient, s’ils se trouvoient dans le zénith d’un demi-diametre entier de la terre, & à proportion, selon qu’ils se trouvent plus près ou plus loin du zénith dans leur passage au méridien ; cependant les astres paroissent plus petits au méridien qu’à l’horison. Ptolemée, dans son almageste, liv. I. c. iij. attribue cette apparence à la réfraction que les vapeurs font subir aux rayons. Il pense que cette réfraction doit agrandir l’angle sous lequel on voit la lune à l’horison précisément comme il arrive à un objet placé dans l’air qu’on voit du fond de l’eau ; & Théon, son commentateur, explique assez clairement la cause de l’augmentation de l’angle sous lequel on voit l’objet dans ces circonstances. Mais on a découvert qu’il n’y a en effet aucune inégalité dans les angles sous lesquels on voit la lune ou le soleil à l’horison ou au méridien ; & c’est ce qui a fait imaginer à Alhazen, auteur arabe, une autre explication du même phénomène, laquelle a été depuis suivie & éclaircie ou perfectionnée par Vitellien, Kepler, Bacon & d’autres. Selon Alhazen, la vue nous représente la surface des cieux comme plate, & elle juge des étoiles, comme elle feroit d’objets visibles ordinaires qui seroient répandus sur une vaste surface plane. Or nous voyons l’astre sous le même angle dans les deux circonstances ; & en même tems appercevant de la différence dans leurs distances, parce que la voûte du ciel nous paroît applatie, nous sommes portés à juger l’astre plus grand lorsqu’il paroit le plus éloigné.

Descartes, & après lui le docteur Wallis & plusieurs autres auteurs, prétendent que quand la lune se leve ou se couche, une longue suite d’objets interposés entre nous & l’extrémité de l’horison sensible, nous la font imaginer plus éloignée que quand elle est au méridien où notre œil ne voit rien entr’elle & nous : que cette idée d’un plus grand éloignement nous fait imaginer la lune plus grande, parce que