Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/474

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Par la même raison, tous les voussoirs, à compter depuis la clé de voûte, vont toujours en exerçant une moindre partie de leur pesanteur totale, & enfin le dernier qui est posé sur une face horisontale du pié droit, n’exerce aucune partie de sa pesanteur ; ou, ce qui est la même chose, ne fait nul effort pour tomber, puisqu’il est entierement soutenu par le pié droit.

Si l’on veut que tous les voussoirs fassent un effort égal pour tomber, ou soient en équilibre, il est visible que chacun depuis la clé de voûte jusqu’au pié droit, exerçant toujours une moindre partie de sa pesanteur totale, le premier, par exemple, n’en exerçant que la moitié, le second, un tiers, le troisieme, un quart, &c. il n’y a pas d’autres moyens d’égaler ces différentes parties, qu’en augmentant à proportion les tous dont elles sont parties ; c’est-à-dire qu’il faut que le second voussoir soit plus pesant que le premier, le troisieme plus que le second, & ainsi de suite jusqu’au dernier qui doit être infiniment pesant, parce qu’il ne fait nul effort pour tomber, & qu’une partie nulle de sa pesanteur, ne peut être égale aux efforts finis des autres voussoirs, à moins que cette pesanteur ne soit infiniment grande.

Pour prendre cette même idée d’une maniere plus sensible & moins métaphysique ; il n’y a qu’à faire réflexion que tous les voussoirs, hormis le dernier, ne pourroient laisser tomber un autre voussoir quelconque, sans s’élever ; qu’ils résistent à cette élévation jusqu’à un certain point déterminé par la grandeur de leur poids, & par la partie qu’ils en exercent ; qu’il n’y a que le dernier voussoir qui puisse en laisser tomber un autre sans s’élever en aucune sorte, & seulement en glissant horisontalement ; que les poids, tant qu’ils sont finis, n’apportent aucune résistance au mouvement horisontal, & qu’ils ne commencent à y en apporter une finie, que quand on les conçoit infinis.

M. de la Hire, dans son traité de Méchanique, imprimé en 1695, a démontré quelle étoit la proportion selon laquelle il falloit augmenter la pesanteur des voussoirs d’un arc demi-circulaire, afin qu’ils fussent tous en équilibre ; ce qui est la disposition la plus sûre que l’on puisse donner à une voûte, pour la rendre durable. Jusque-là, les Architectes n’avoient eu aucune regle précise, & ne s’étoient conduits qu’en tâtonnant. Si l’on compte les degrés d’un quart de cercle, depuis le milieu de la clé de voûte, jusqu’à un pié droit, l’extrémité de chaque voussoir appartiendra à un arc d’autant plus grand, qu’elle sera plus éloignée de la clé ; & il faut par la regle de M. de la Hire, augmenter la pesanteur d’un voussoir par-dessus celle de la clé, autant que la tangente de l’arc de ce voussoir l’emporte sur la tangente de l’arc de la moitié de la clé. La tangente du dernier voussoir devient nécessairement infinie, & par conséquent aussi sa pesanteur. Mais comme l’infini ne se trouve pas dans la pratique, cela se réduit à changer autant qu’il est possible, les derniers voussoirs, afin qu’ils résistent à l’effort que fait la voûte pour les écarter, qui est ce qu’on appelle sa poussée. Acad. des Sciences, année 1704. (D. J.)

VOUSSURE, s. f. (Architect.) signifie toute sorte de courbure en voûte, mais particulierement les portions de voûte en forme de scotie, qui servent d’empattement aux platfonds & qui sont aujourd’hui en usage. Les voussures qui sont au-dedans d’une baie de porte ou de fenêtre derriere la fermeture, s’appellent arrieres-voussures ; il en est de différentes figures. Voyez Arriere-voussure.

VOÛTE, s. f. en Architecture, est un plancher en arc, tellement fabriqué, que les différentes pierres dont il est fabriqué, se soutiennent les unes les autres par leur disposition. Voyez Arc.

On préfere dans bien des cas les voûtes plates, parce qu’elles donnent à la piece plus de hauteur & d’élévation, & que d’ailleurs elles sont plus fermes & plus durables. Voyez Platfond, Plancher, &c.

Saumaise remarque que les anciens ne connoissoient que trois sortes de voûtes ; la premiere, fornix, faite en forme de berceau ; la seconde, testudo, en forme de tortue, & nommée chez les François, cul de four ; & la troisieme, concha, faite en forme de coquille.

Mais les modernes subdivisent ces trois sortes en un bien plus grand nombre, auxquelles ils donnent différens noms, suivant leurs figures & leur usage ; il y en a de circulaires, d’elliptiques, &c.

Les calottes de quelques-unes, sont des portions de sphere plus ou moins grandes ; celles qui sont au-dessus de l’hémisphere sont appellées grandes voûtes, ou voûtes surmontées : celles qui sont moindres que des hémispheres se nomment voûtes basses ou surbaissées, &c.

Il y en a dont la hauteur est plus grande que le diametre ; d’autres dont elle est moindre.

Il y a des voûtes simples, des doubles, des croisées, diagonales, horisontales, montantes, descendantes, angulaires, obliques, pendantes, &c. Il y a aussi des voûtes gothiques, de pendentives, &c. Voyez Ogives, Pendentives, &c.

Les voûtes principales qui couvrent les principales parties des bâtimens, pour les distinguer des voûtes moindres & subordonnées qui n’en couvrent qu’une petite partie, comme un passage, une porte, &c.

Double voûte, est celle qui étant bâtie sur une autre pour rendre la décoration extérieure proportionnée à l’intérieure, laisse un espace entre la convexité de la premiere voûte & la concavité de l’autre, comme dans le dôme de S. Paul à Londres, & de S. Pierre à Rome.

Voûtes à compartimens, sont celles dont la face intérieure est enrichie de panneaux de sculpture séparés par des plates bandes : ces compartimens qui sont de différentes figures, suivant les voûtes, & pour l’ordinaire dorés sur un fond blanc, sont faites de stuc sur des murailles de briques, comme dans l’église de S. Pierre à Rome, & de plâtre sur des voûtes de bois.

Théorie des voûtes. Une arcade demi-circulaire ou voûte étant appuyée sur deux piés droits, & toutes les pierres qui la composent étant taillées & placées de maniere que leurs jointures ou leurs lits prolongés, se rencontrent tous au centre de la voûte ; il est évident que toutes les pierres doivent être taillées en forme de coins, c’est-à-dire, plus larges & plus grosses au sommet qu’au fond ; au moyen de quoi elles se soutiennent les unes les autres, & opposent mutuellement l’effort de leur pesanteur qui les détermine à tomber.

La pierre qui est au milieu de la voûte, qui est perpendiculaire à l’horison, & qu’on appelle la clé de la voûte, est soutenue de chaque côté par les deux pierres contiguës précisément comme par deux plans inclinés ; & par conséquent l’effort qu’elle fait pour tomber, n’est pas égal à sa pesanteur.

Mais il arrive toujours que cet effort est d’autant plus grand, que les plans inclinés le sont moins ; de sorte que s’ils étoient infiniment peu inclinés, c’est-à-dire, s’ils étoient perpendiculaires à l’horison aussi bien que la clé, elle tendroit à tomber avec tout son poids, & tomberoit actuellement, à-moins que le mortier ne la retînt.

La seconde pierre qui est à droite ou à gauche de la clé est soutenue par une troisieme, qui au moyen de la figure de la voûte, est nécessairement plus inclinée à la seconde, que la seconde ne l’est à la pre-