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tarde pas à ressentir les mauvais effets d’un remede, souvent violent, administré avec aussi peu de connoissance & de précautions, & meurt ordinairement victime de sa crédulité, sans s’en appercevoir, & ce qui est pis, sans corriger les autres. Au reste, quand je dis le peuple, je n’entends pas seulement les gens pauvres destinés à vivre du travail de leurs mains, & à la sueur de leur front ; je suis trop convaincu que sur-tout dans ce qui concerne la santé il y a autant de peuple dans les palais que dans les chaumieres.

V. Il ne nous reste plus qu’à exposer les signes tirés des urines, qui font craindre le plus grave & le dernier des accidens ; je veux dire la mort. Voyez ce mot. Les qualités de l’urine qui servent à établir ce prognostic facheux, varient suivant les cas, & les symptomes avec lesquels elles se rencontrent. Ainsi, dans les personnes bilieuses la suppression d’urine est une cause & un signe de mort prochaine ; dans les pleurésies l’urine sanguinolente, d’un rouge foncé, presque noire, ténébreuse, ζοφώδες, avec un sédiment peu louable, ἀδιακρίτου, est ordinairement mortelle dans quatorze jours : ce symptome est très-fréquent dans les pleurésies dorsales, qui sont si dangereuses. Dans les mêmes maladies l’urine porracée avec un sédiment noir, ou semblable à du son, n’est pas moins funeste ; celle qui renferme des peaux semblables à des toiles d’araignées, indique une colliquation qui emporte en peu de tems le malade. Coac. prænot. cap. xxvij. n°. 38. 19. 24. Dans les péripneumonies les urines d’abord épaisses, ensuite atténuées au quatrieme jour, sont un signe mortel. Ibid. cap. xiv. n°. 40. Il n’y a plus rien à esperer des malades lorsque l’urine sort sans qu’ils s’en apperçoivent, ils tombent dans des foiblesses dont il n’est pas possible de les tirer. Ibid. cap. xxj. n°. 4. Lorsqu’à la stranguerie survient la passion iliaque, le malade meurt le septieme jour, la fievre seule excitant une abondante excrétion d’urine, peut prévenir cette fatale terminaison. Ibid. n°. 5. Dans les malades qui sont sur le point de mourir, les urines sont quelquefois rougeâtres & promptes à fermenter. Prorrhet. lib. I. sect. ij. n°. 39. Si dans ces douleurs de vessie, dont nous avons parlé plus haut (ii.) l’urine étant devenue purulente n’apporte aucun soulagement. si la vessie n’est pas plus molle, & si la fievre est toujours forte, il est à craindre que le malade succombe. Prognost. lib. II. n°. 82. En général les urines noirâtres, huileuses, très-fétides, fournissent un prognostic de mort, si elles ne sont accompagnées d’aucun signe critique, & si au-contraire elles se rencontrent avec des symptomes graves.

Il ne faut pas s’attendre que toutes les propositions que nous avons données soient toujours rigoureusement vraies, & que tous les signes que nous venons d’exposer soient constamment suivis de leur effet, & par conséquent infaillibles, 1°. parce qu’en médecine il n’y a rien d’absolument certain, & que le plus haut degré de certitude médicinale ne va jamais au-delà d’une grande probabilité ; 2°. parce qu’il en est des signes tirés de l’urine, comme de ceux que fournissent les autres actions du corps : seuls, ils sont pour l’ordinaire fautifs ; réunis & combinés ensemble, ils se prêtent mutuellement de la force & de la sûreté, & concourent à établir des prognostics assez probables : 3°. on pourroit encore ajouter que l’urine peut plus facilement induire en erreur, parce qu’il est très-difficile de connoître en quoi & de combien elle s’écarte dans les maladies de l’état naturel, parce que la même urine peut signifier différentes choses ; l’urine limpide & abondante annonce chez les uns une attaque de néphrétique, chez les autres un redoublement, chez ceux-ci le délire, chez ceux-là peut-être une excrétion critique, chez quelques-autres l’effet d’une boisson aqueuse prise en quan-

tité, &c. parce que la moindre passion d’ame, la plus

légere émotion peut changer considérablement l’état de l’urine, parce qu’elle varie suivant qu’elle est vieille ou récente, qu’on l’a laissée long-tems en repos, ou qu’on l’a agitée, &c. c’est pourquoi un médecin prudent, qui ne veut ni risquer sa réputation, ni hazarder le bien de ses malades, ne se contente pas de l’examen de l’urine ; il ne le néglige cependant pas ; il joint les lumieres qu’il en retire à celles qu’il peut obtenir des autres côtés, & parvient par ce moyen à répandre un certain jour sur l’état actuel & futur des malades qui lui sont confiés : il sait d’ailleurs que le principal usage de l’examen des urines est pour connoître le tems de la coction dans les maladies aiguës, qu’il y sert infiniment, & qu’il est aussi utile dans les affections du foie, dans l’hydropisie, le calcul, les ulceres des reins & de la vessie, qu’il est moins avantageux dans les maladies de la tête & de la poitrine, encore moins dans les affections nerveuses, hystériques, hypocondriaques, & qu’enfin ces signes sont les plus souvent fautifs, lorsqu’on prétend s’en servir pour distinguer des maladies particulieres.

On voit encore par-là ce qu’il faut penser de ces gens, qui, sur des urines apportées de loin, agitées, ballotées en divers sens, très-vieilles & par-là souvent décomposées, prétendent décider de l’âge, du tempérament, de l’état de santé, ou de maladie, & de l’espece de maladie de ceux qui les ont rendues. Mais n’insistons pas davantage sur cet article, nous ne parviendrons jamais à corriger ces charlatans, ils trouvent leur intérêts ; à tromper encore moins réussirons-nous à désabuser le peuple de sa sotte crédulité, il veut être trompé, & mérite de l’être. (m)

Urine, maladie de l’, (Médecine.) les maladies que nous allons examiner regardent principalement l’excrétion de l’urine ; leur division naît des différentes manieres dont cette fonction peut être altérée. Dans l’état naturel l’urine sort à plein canal de la vessie par l’uretre, formant un jet continu, sans douleur, & avec une certaine force ; cette excrétion ne se fait qu’à différentes reprises plus ou moins rapprochées, suivant les âges, les sujets, les tempéramens, les sexes, les saisons, &c. mais toujours par un effort volontaire ; il y aura vice dans cette excrétion, & par conséquent maladie, dès que toutes ces qualités ne se rencontreront pas, ce qui pourra arriver 1°. lorsque l’urine ne coulera point du tout ; cette maladie est connue sous le nom grec ἰσχουρία, ischurie, qui répond à suppression ou rétention d’urine. 2°. Lorsque l’excrétion sera difficile & douloureuse, ce qui constitue la dysurie, ardeur ou difficulté d’urine. 3°. Lorsque l’urine, au-lieu de sortir sans interruption & de droit-fil, ne coulera qu’avec peine & goutte-à-goutte, ce dérangement a conservé en françois le nom grec strangurie ; les Latins l’appellent indifféremment urinæ stillicidium & stranguria. 4°. Lorsque l’urine s’écoule continuellement de la vessie, sans qu’il se fasse aucun effort, & que la volonté y ait part, on nomme ce symptome incontinence d’urine. 5°. Lorsque l’excrétion d’urine sera fréquente & très-copieuse ; si cet accident persiste quelque tems, & si la matiere même des urines est considérablement altérée au point qu’elles aient une consistence huileuse, une saveur douçâtre comme du miel, & une couleur cendrée ou laiteuse ; la maladie qui résulte du concours de ces symptomes s’appelle diabete, διαϐήτης ; nous n’en parlerons pas ici, parce qu’elle est suffisamment détaillée à l’article Diabete, auquel nous renvoyons le lecteur : nous allons exposer en peu de mots ce qui regarde les autres maladies, & nous ajouterons à la suite quelques remarques sur les altérations morbifiques de la matiere même des urines, telles que le pissement de sang, de pus, de poils, &c.