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de coutumes : on dit les us & coutumes d’un tel lieu, comme si ces termes étoient absolument synonymes. Cependant le terme de coutumes, lorsqu’on l’emploie seul, dit souvent plus qu’us ou usage ; car la coutume s’entend ordinairement d’une loi, laquelle, à la vérité, dans toute son origine, n’étoit qu’un usage non écrit, mais qui par la suite des tems, a été rédigée par écrit ; au lieu que par le terme d’us ou usage, l’on n’entend communément, comme on l’a déja dit, que la maniere ordinaire d’agir, ce qui ne forme point une loi écrite.

Mais quand on joint le terme de coutumes avec celui d’us, on n’entend ordinairement par l’un & par l’autre que des usages non écrits, ou du moins qui ne l’étoient pas dans l’origine.

Ces us & coutumes, lors même qu’ils ne sont pas rédigés par écrit, ne laissent pas par succession de tems d’acquérir force de loi, sur-tout lorsqu’ils se trouvent adoptés & confirmés par plusieurs jugemens, ils deviennent alors une jurisprudence certaine. Voy. Coutume & Usage.

Les us & coutumes de la mer sont les usages & maximes que l’on suit pour la police de la navigation & pour le commerce maritime. C’est le titre d’un traité juridique de la marine, fait par Etienne Cléirac. Ces us & coutumes ont servi de modele pour former les ordonnances & réglemens de la marine. Voyez Marine, Navigation, Commerce maritime, Assurance, Police, Fret, Nolis, &c. (A)

USADIUM PROMONTORIUM, (Géog. anc.) promontoire de la Mauritanie tangitane, sur la côte de l’Océan occidental, selon Ptolomée, l. IV. c. j. Marmol dit que le nom moderne est Cabo-de-Alguer. (D. J.)

USAGE, COUTUME, (Synonym.) L’usage semble être plus universel : la coutume paroît être plus ancienne. Ce que la plus grande partie des gens pratique, est un usage : ce qui s’est pratiqué depuis longtems est une coutume.

L’usage s’introduit & s’étend : la coutume s’établit & acquiert de l’autorité. Le premier fait la mode, la seconde forme l’habitude ; l’un & l’autre sont des especes de lois, entierement indépendantes de la raison, dans ce qui regarde l’extérieur de la conduite.

Il est quelquefois plus à propos de se conformer à un mauvais usage, que de se distinguer même par quelque chose de bon. Bien des gens suivent la coutume dans la façon de penser, comme dans le cérémonial ; ils s’en tiennent à ce que leurs meres & leurs nourrices ont pensé avant eux. Girard. (D. J.)

Usage, s. m. (Gram.) La différence prodigieuse de mots dont se servent les différens peuples de la terre pour exprimer les mêmes idées, la diversité des constructions, des idiotismes des phrases qu’ils employent dans les cas semblables, & souvent pour peindre les mêmes pensées ; la mobilité même de toutes ces choses, qui fait qu’une expression reçue en un tems est rejettée en un autre dans la même langue, ou que deux constructions différentes des mêmes mots y présentent des sens qui quelquefois n’ont entr’eux aucune analogie, comme grosse femme & femme grosse, sage femme & femme sage, honnête homme & homme honnête, &. Tout cela démontre assez qu’il y a bien de l’arbitraire dans les langues, que les mots & les phrases n’y ont que des significations accidentelles, qué la raison est insuffisante pour les faire deviner, & qu’il faut recourir à quelqu’autre moyen pour s’en instruire. Ce moyen unique de se mettre au fait des locutions qui constituent la langue, c’est l’usage. « Tout est usage dans les langues (Voyez Langue, init.) ; le matériel est la signification des mots, l’analogie & l’anomalie des terminaisons ; la servitude ou la liberté des constructions,

le purisme ou le barbarisme des ensembles ». C’est pourquoi j’ai cru devoir définir une langue, la totalité des usages propres à une nation pour exprimer les pensées par la voix.

« Il n’y a nul objet, dit le p. Buffier (Gramm. fr. n°. 26), dont-il soit plus aisé & plus commun de se former l’idée, que de l’usage [en général] ; & il n’y a nul objet dont il soit plus difficile & plus rare de se former une idée exacte, que de l’usage par rapport aux langues. » Ce n’est pas précisément de l’usage des langues qu’il est difficile & rare de se former une idée exacte, c’est des caracteres du bon usage & de l’étendue de ses droits sur la langue. Les recherches mêmes du p. Buffier en sont la preuve, puisqu’après avoir annoncé cette difficulté, il entre en matiere en commençant par distinguer le bon & le mauvais usage, & ne s’occupe ensuite que des caracteres du bon, & son influence sur le choix des expressions.

« Si ce n’est autre chose, dit M. de Vaugelas en parlant de l’usage des langues (Remarq. pref. art. ij. n. 1.), si ce n’est autre chose, comme quelques-uns se l’imaginent, que la façon ordinaire de parler d’une nation dans le siege de son empire ; ceux qui sont nés & élevés n’auront qu’à parler le langage de leurs nourrices & de leurs domestiques, pour bien parler la langue du pays… Mais cette opinion choque tellement l’expérience générale, qu’elle se réfute d’elle-même… Il y a sans doute, continue-t-il (n. 2.), deux sortes d’usages, un bon & un mauvais. Le mauvais se forme du plus grand nombre de personnes, qui presque en toutes choses, n’est pas le meilleur ; & le bon, au contraire, est composé, non pas de la pluralité, mais de l’élite des voix ; & c’est véritablement celui que l’on nomme le maître des langues, celui qui faut suivre pour bien parler & & pour bien écrire ».

Ces réflexions de M. de Vaugelas sont très-solides & très-sages, mais elles sont encore trop générales pour servir de fondement à la définition du bon usage, qui est, dit-il (n. 3.), la façon de parler de la plus saine partie de la cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du tems.

« Quelque judicieuse, reprend le p. Buffier (n°. 32.), que soit cette définition, elle peut devenir encore l’origine d’une infinité de difficultés : car dans les contestations qui peuvent s’élever au sujet du langage, quelle sera la plus saine partie de la cour & des écrivains du tems ? Certainement si la contestation s’éleve à la cour, ou parmi les écrivains, chacun des deux partis ne manquera pas de se donner pour la plus saine partie… Peut-être feroit-on mieux, ajoûte-t-il (n°. 33.), de substituer dans la définition de M. de Vaugelas, le terme de plus grand nombre à celui de la plus saine partie. Car enfin, là où le plus grand nombre de personnes de la cour s’accorderont à parler comme le plus grand nombre des écrivains de réputation, on pourra aisément discerner quel est le [bon] usage. La plus nombreuse partie est quelque chose de palpable & de fixe, au lieu qui la plus saine partie peut souvent devenir insensible & arbitraire ».

Cette observation critique du savant jésuite, est très-bien fondée ; mais il ne corrige qu’à demi la définition de Vaugelas. La plus nombreuse partie des écrivains rentre communément dans la classe désignée par M. de Vaugelas comme n’étant pas la meilleure ; & pour juger avec certitude du bon usage, il faut effectivement indiquer la portion la plus saine des auteurs, mais lui donner des caracteres sensibles, afin de n’en pas abandonner la fixation au gré de ceux qui auroient des doutes sur la langue. Or il est cons-