Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/777

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droite, & marchent douze grand pas en avant ; pendant leur demi-tour à droite, les huit files du centre restent en face, ce qui dure deux secondes de tems ; ensuite la moitié de ces huit files du centre fait à droite, & l’autre à gauche, pour cela encore deux secondes, elles font après quatre pas, & le front des huit files des demi-divisions qui suivoient celles-ci, est découvert ; pour ces quatre pas, deux secondes, donc jusqu’à ce moment en total six secondes : les huit files du centre de cette premiere division (déjà mises en marche), font, après ces six secondes de tems, encore un à droit, ou un à gauche, pour cela c’est deux secondes, elles suivent ensuite les files qu’elles avoient à leurs flancs ; & font huit pas pour les joindre, pour cela il leur faut quatre secondes, qui, avec les deux ci-devant, font six, & ces six, avec les six comptées encore ci-devant, font en tout douze ; alors les quatre files de droite & de gauche des divisions secondes à faire feu, ont déjà commencé à occuper le terrein abandonné sur leur flanc, & à se dédoubler 1°. par le pas oblique ; pour ce pas, quatre secondes, ensuite par le pas en avant, elles en font quatre, & sont à les faire deux secondes, total six, ce qui joint aux douze ci-dessus fait en tout dix-huit secondes ; la décharge que cette division seconde à tirer pourroit faire alors, seroit donc retardée de huit secondes, mais c’est la douze & treizieme décharge, donc ce ne seroit qu’un quinzieme de retard sur les douze, ce qui est peu de chose, & le feu au-lieu d’être de vingt-quatre de front, seroit de trente-deux, donc d’un tiers en sus plus nombreux, ce qui est beaucoup : mais après six minutes le front des huit files du centre de chaque demi-division seconde à tirer est découvert, il lui faut deux minutes pour aller occuper le terrein abandonné, alors ces huits files peuvent faire feu huit secondes après la derniere décharge de la premiere division ; ce qui loin de faire un retard dans la vivacité du feu, fait une vîtesse d’un soixantieme en sus ; mais cette treizieme décharge est de la moitié moins fournie que les autres ; par conséquent ce n’est plus qu’un vingt-septieme de diminution sur la quotité du feu ; cette ordonnance sur seize de hauteur peut donc faire un feu continuel, & la division qui a fait feu, peut avoir quatre ou cinq minutes pour rajuster ses armes.

Si les fusils trop courts étoient un inconvénient pour faire feu des quatres rangs, ne pourroit-il pas être réparé en plaçant les plus grands hommes au dernier rang ? Ne pourroit-on pas encore leur donner des fusils plus longs ? Quand un quatrieme rang de soldats mettroient à charger les fusils longs le double du tems que mettent les autres, son feu n’augmenteroit-il pas d’un sixieme en sus le feu de la troupe sur deux décharges ; les quatre rangs tireroient sans que les deux premiers missent genou en terre, & qu’il y eût un quatrieme & cinquieme rangs armés de fusils longs, ne pourroit-on pas faire alors feu des cinq rangs ? Si trois rangs mettoient genou en terre, ne pourroit-on pas faire feu de six ? La moitié de la troupe seroit armée de fusils longs, & même de fort longues bayonnettes. Voyez Fusil, Armes a feu, Moyen de les perfectionner.

Feu de cavalerie contre cavalerie. Si le feu de l’infanterie peut être très-meurtrier, il n’en est pas de même de celui de la cavalerie ; mais une question que je ne vois pas décidée par de bonnes épreuves, c’est de savoir s’il convient oui ou non que la cavalerie fasse feu avant de charger, il paroît bien impossible que le second rang d’un escadron puisse faire feu de son mousqueton ; il semble donc que si, comme nous avons supposé, de cent coups un seul porte, en faisant la même évaluation dans la cavalerie, son feu ne mettroit pas par chaque escadron un seul homme hors de combat, 1°. parce qu’elle ne peut faire qu’-

une décharge, à cause qu’il faut plus de tems à cheval

pour charger un mousqueton, que pour un fusil à pié ; 2°. qu’il passe pour constant que le feu du mousqueton doit être fait de plus près pour faire un feu égal à celui du fusil ; 3°. une troupe à cheval parcourt l’espace qui la sépare de l’ennemi plus vîte qu’une troupe à pié ; 4°. S’il est avantageux à une troupe d’infanterie de s’ébranler en avant pour recevoir & donner le choc, il l’est indubitablement davantage à la cavalerie ; 5°. il faut une espace pour se mettre au trot, peut-être même au galop, sa troupe ne pouvant être assez parfaitement dressée pour partir de l’arrêt au grand trot ; 6°. la cavalerie qui a fait feu avant le choc se trouve dégarnie du feu de son mousqueton lors de la poursuite, si elle a battu, ou de sa retraite, si elle a plié ; on ne peut pas donner pour raison de ne pas faire faire feu à la cavalerie ; la frayeur qu’a causé quelquefois aux chevaux de leurs troupes le feu que des escadrons ont faits. Voyez façon de dresser les chevaux au feu, & institutions militaires de M. de la Poterie.

Si l’infanterie présente un but de cinq piés & demi de haut, la cavalerie en présente un tiers plus élevé, & par conséquent plus de moitié plus aisé à atteindre, donc on devroit en même proportion estimer que de cinquante coups un portera ; la cavalerie tire de plus près, cela compense la difficulté qu’elle a de tirer juste : un cheval du premier rang ne peut culbuter celui ou ceux qui le suivent, & si ces premiers ne culbutent pas, ils causent peut-être plus de desordre encore dans l’escadron ; le feu du mousqueton ne doit point servir après la défaite, parce qu’alors étant melés, on ne doit tirer qu’à bout touchant, & le pistolet suffit pour cela, le mousqueton est inutile dans la retraite ; il est nécessaire qu’un escadron s’ébranle avant de recevoir le choc, & prenne la même vîtesse que son ennemi, non-seulement pour avoir la même force, mais pour que cette vîtesse cause aux chevaux de son ennemi la même frayeur que la vîtesse de cet ennemi cause aux siens (il est très-nécessaire de s’appliquer dans les exercices à diminuer dans les chevaux cette frayeur causée par l’approche d’un escadron, & même d’un bataillon). L’espace pour mettre un escadron en train au grand trot ou galop est d’environ dix toises pour toute cavalerie ; douze à quinze toises que l’ennemi peut parcourir pendant ce même tems, font vingt-cinq ou trente ; donc un escadron peut encore faire feu de son mousqueton lorsque son ennemi n’est plus qu’à vingt-cinq ou trente toises de lui : or à cette distance le feu doit être mieux ajusté, & l’on pourroit compter peut-être que de huit ou dix coups un portera.

Sur un front de cinquante maîtres qui fait feu sur un pareil front, ce sont cinq maîtres de l’escadron ennemi qui sont frappés, sans compter ceux que la chûte de ceux-ci peut faire culbuter ; mais enfin il semble au-moins que le feu que peut faire une troupe bien exercée ne peut pas lui nuire ; voilà à-peu-près les raisons pour & contre. Pour des autorités en faveur du feu, voyez art de la guerre, p… c’est le seul auteur qui l’ait approuvé.

Feu de l’infanterie contre la cavalerie. Le feu de l’infanterie peut atteindre la cavalerie de plus loin qu’il n’atteint d’autre infanterie, puisque la cavalerie présente un plus grand but (voyez Fusil, sa portée), quelque vîtesse que la cavalerie mette à parcourir cet espace, elle ne peut le faire en moins de huit minutes ; or elle essuyera au-moins huit décharges à quatre par minute, deux files de cavalerie occupant au moins un front égal à trois files de soldats à quatre de hauteur, c’est quarante-huit coups de fusil pour chaque file de cavalier, si des quarante-huit deux coups portent, que l’escadron soit sur deux rangs, il n’arrivera pas un seul cavalier sur l’infanterie ; mais