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bats des bêtes se faisoient dans les amphithéatres, les cirques, & autres édifices publics. Les bêtes qui y servoient étoient ou domestiques & privées, comme le taureau, le cheval, l’éléphant, &c. ou sauvages, comme le lion, l’ours, le tigre, la panthere, &c. elles combattoient ou contre d’autres de la même espece, ou contre des bêtes de différentes especes, ou contre des hommes : ces hommes étoient ou des criminels, ou des gens gagés, ou des athletes. On tenoit les bêtes enfermées dans des cachots ou caveaux rangés circulairement au rez de chaussée des arenes ; on les appelloit caveæ : les plus furieuses étoient attachées par les jambes avec des instrumens de fer. Les criminels qui sortoient vainqueurs du combat des bêtes étoient quelquefois renvoyés absous ; mais pour l’ordinaire ce combat étoit regardé comme le dernier supplice. Voyez Bestiaires.

Les profanes condamnoient au supplice des bêtes les premiers Chrétiens, qui loin de se défendre, se laissoient massacrer comme des agneaux.

Mais les bêtes féroces ne servoient pas seulement dans les amphithéatres ; il y avoit chez les Grecs & les Romains des gens qui les apprivoisoient, leur apprenoient des tours de souplesse, & les rendoient dociles au joug, si l’on en croit les monumens & les Poëtes. On voit dans plusieurs morceaux antiques des léopards, des lions, des pantheres, des cerfs, &c. attelés. On lit dans Martial que les léopards ont été subjugués, les tigres conduits avec le foüet, les cerfs bridés, les ours emmuselés, les sangliers conduits au licou, les bisontes, ou taureaux sauvages, mis aux chars, &c.

Les Grecs, dit le savant pere de Montfaucon, l’emportoient sur les Romains dans cet art, ainsi qu’en plusieurs autres : on vit dans la seule pompe de Ptolemée Philadelphe, vingt-quatre chars tirés par des éléphans, soixante par des boucs, douze par des lions, sept par des orix, cinq par des bufles, huit par des autruches, & quatre par des zebres.

L’empereur Eliogabale fit tirer son char par quatre chiens d’une grandeur énorme ; il parut en public traîné par quatre cerfs ; il fit une autre fois atteler des lions & des tigres : dans ces occasions il prenoit les habits des dieux auxquels ces animaux étoient consacrés. Voyez Amphithéatre, Cirque, Théatre, Gymnase, Gymnastique, Athlète, Lutte, Lutteur .

Bêtes, (Chasse.) Les chasseurs distribuent les bêtes en fauves, en noires, & en rousses ou carnacieres : les fauves sont les cerfs, les dains, les chevreuils, avec leurs femelles & faons ; les noires sont les sangliers & les marcassins. Les bêtes fauves & noires composent la grande venaison. Les bêtes rousses ou carnacieres, sont le loup, le renard, le blaireau, la fouine, le putois, &c. il est permis à tout le monde de les chasser & tuer. Voyez Venaison.

Bête chevaline, (Manége.) c’est la même chose que cheval : mais cela ne se dit que d’un cheval de paysan, ou de peu de valeur. Bête bleue, est une expression figurée & proverbiale, qui signifie un cheval qui n’est propre à rien. (V)

Bête, jeu de la bête ou de l’homme, (Jeu.) Il se joüe à trois, quatre, cinq, six, & même sept : mais dans ce dernier cas il faut que le jeu soit composé de trente-six cartes, & que la tourne soit la derniere du jeu de celui qui mêle : mais le mieux c’est de la joüer à cinq & à trois. Le jeu de cartes, quand on n’est que cinq, ne doit contenir que trente-deux cartes ; & à quatre & à trois on ôte les sept. Le roi est la principale carte du jeu de la bête ; la dame le suit & emporte le valet, qui leve l’as, celui-ci le dix, & ainsi des autres. Celui à qui il écheoit de mêler les cartes, les fait couper à l’ordinaire au premier de sa gauche, & en distribue cinq à chaque joüeur, en tel nombre

à la fois qu’il lui plaît. Il y a de l’avantage à joüer en premier. Quand les cartes sont ainsi données, l’on tourne la premiere du talon que l’on y laisse retournée, parce qu’elle est la triomphe pendant tout le coup.

En commençant, chaque joüeur met devant soi une fiche & deux jettons, l’un pour le jeu, & l’autre pour le roi de triomphe, quoique celui qui l’a ne joüe pas ; suffisant pour cela que le coup se joüe ; & celui qui mêle y en ajoûte un troisieme, qui le fait reconnoître pour avoir mélé les cartes. Celui qui gagne tire les jettons & une fiche, & ainsi des autres à tous les coups, jusqu’à ce que toutes les fiches soient gagnées ; après quoi chacun en remet une autre, & l’on recommence comme auparavant. Celui qui fait joüer, & a toutes les mains, gagne tous les jettons, tout ce qui est sur jeu, fût-ce des bêtes qui n’y auroient pas été mises pour le coup, & même les fiches ; & outre cela chaque joüeur est encore obligé de lui payer un jetton : s’il ne fait pas toutes les mains, il n’a pour l’avoir entrepris, que la peine & le chagrin de ne les avoir pas faites. Mais lorsque celui qui fait joüer ne leve pas trois mains, ou les deux premieres, lorsqu’elles sont partagées entre les joüeurs, il fait la bête, c’est-à-dire, qu’il met autant de jettons qu’il en auroit tiré s’il eût gagné. Ainsi si le coup étoit simple, c’est-à-dire, qu’il n’y eût pas sur le jeu des bêtes faites précédemment, & si l’on étoit cinq, celui qui feroit la bête ne la feroit que de onze jettons, parce que la fiche & le jetton que chacun met devant soi en fait dix, & celui qui mêle met le onzieme. Cependant il peut avoir été réglé entre les joüeurs de mettre moins devant soi ; alors la bête seroit proportionnée au nombre de jettons fixé.

L’on voit que dans les onze jettons dont nous venons de parler plus haut, nous ne comprenons pas celui qui est destiné pour le roi de triomphe, qu’il laisseroit cependant, si faisant joüer il perdoit le coup : mais quand le roi les tire, chaque joüeur en met de nouveaux pour le coup suivant. Toute bête simple doit aller sur le coup où elle a été faite ; & s’il y en avoit plusieurs simples faites d’un même coup, elles iroient toutes ensemble. Mais les bêtes doubles doivent aller les unes après les autres dans les coups suivans, & toûjours les plus grosses les premieres.

Lorsqu’il y a une bête sur le jeu, les autres joüeurs ne mettent point de jettons, excepté celui qui mêle, qui donne le sien à l’ordinaire. Celui qui gagne lors qu’il y a une bête double au jeu, leve outre la bête une fiche, & tous les jettons qui sont au jeu ; & fait la bête proportionnellement au gain, lorsqu’il perd. Quand nous avons dit que pour gagner il falloit au moins faire les deux premieres mains, c’est bien entendu qu’aucun des joüeurs n’en fait trois ; puisqu’alors on perd comme si on les eût faites le dernier.

Il arrive assez souvent dans ce jeu que deux joüeurs se disputent le gain du coup, parce que celui qui a fait joüer d’abord, n’empêche point de joüer aussi quiconque se trouve un assez beau jeu pour l’emporter sur lui & sur tous les joüeurs qui se liguent contre lui en faveur du premier joüeur ; parce que le second risque de perdre le double de ce qui est au jeu : ce qui fait voir qu’on ne dit point contre, sans un très beau jeu. On n’est plus reçû à le dire, quand une fois la premiere carte est jettée. Toute l’habileté des joüeurs consiste à forcer celui qui fait joüer à surcouper, ou à se défaire de leurs bonnes cartes à propos, pour donner plus de force à ceux qui sont en état de le faire perdre ; ce qui cependant n’est de loi que dans le cas où il n’y a point de vole à craindre. On doit au contraire garder tout ce qui peut l’empêcher, lorsqu’on en est menacé. On doit encore fournir de la couleur joüée ; couper si l’on n’en a point ; & si quelque autre avoit déjà coupé, il faudroit le