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ment une terre, ou du moins qu’il y a une terre qui lui sert de base.

Mais on est à présent détrompé de cette erreur par l’examen analytique qui a été fait des principes du cachou ; premierement en Allemagne par Hagendorn, Wedelius, & autres, & ensuite en France par M. Bouldue.

Les expériences, les dissolutions, & les différentes analyses de ce mixte, ont prouvé démonstrativement que c’est un suc de végétal épaissi : car 1.o au lieu de jetter comme toutes les autres terres un limon dans l’humidité, il s’y dissout entierement, à quelques parties grossieres près ; & non-seulement dans les liqueurs aqueuses, mais encore dans les spiritueuses : 2.o il se dissout facilement dans l’eau commune, s’incorpore avec elle, & lui communique une teinture rouge, de même qu’un grand nombre d’extraits & de sucs de végétaux épaissis : 3.o la filtration ne l’en sépare point ainsi qu’elle fait les terres ; mais il passe par le filtre avec l’eau : 4.o en le filtrant on n’y trouve jamais de terre, si ce n’est lorsqu’il est mal-propre : 5.o il s’enflamme, brûle dans le feu, & ne donne que peu de cendres : 6.o mis dans la bouche il ne laisse sur la langue aucun goût de terre, & s’y fond totalement : 7.o on en tire par la chimie beaucoup d’huile & de sels essentiels, pareils à ceux qu’on tire des plantes.

Le cachou n’est point une substance vitriolique. Ces raisons étant décisives, d’autres Physiciens ont imaginé de placer le cachou dans la classe des vitriols, c’est-à-dire, de le regarder comme une substance composée, qui tient de leur nature : mais cette imagination n’a pas fait fortune ; les expériences la détruisent, & prouvent que le cachou n’a rien de vitriolique : en effet, 1.o on n’en sépare aucun sel de cette nature ; 2.o si on le mêle avec un alkali, il ne produit ni effervescence ni précipitation ; 3.o sa solution fait l’encre, avec une addition de quelques substances vitrioliques.

C’est une substance végétale. Il seroit inutile de m’étendre davantage sur de pures fictions : d’ailleurs tout le monde convient aujourd’hui qu’il faut mettre le cachou dans le rang des substances végétales ; personne n’oseroit le contester ; c’est un fait dont on est pleinement convaincu.

Sa définition. Par conséquent on peut hardiment le définir un suc gommeux, résineux, sans odeur, fait & durci par art, d’un roux noirâtre extérieurement, & d’un roux brun intérieurement ; son goût est astringent, amer quand on le met dans la bouche, ensuite plus doux & plus agréable. Voilà ce qu’on connoît du cachou : mais on n’est point encore assûré si c’est un suc qu’on tire de la décoction de diverses plantes, ou le fruit d’une seule ; & si notre cachou est la même chose que le lycium Indien de Dioscoride.

Il ne faut pas le confondre avec le cajou. Quelques-uns se fondant sur l’affinité des noms, ont avancé que le cachou est l’extrait ou le suc épaissi du fruit que nous appellons noix d’acajou ; car ce fruit se nomme catzu ou cajou : mais ceux qui ont eu cette idée ne connoissoient pas l’acajou, qui contient dans sa sustance un suc acre, mordicant, brûlant les levres & la langue, & qui est d’une saveur bien différente de celle du cachou.

Arbre dont on tire le cachou suivant Garcie. Si nous nous en rapportons à Garcie, l’arbre dont on tire le cachou est de la hauteur du frêne : il a des feuilles très-petites, & fort semblables à celle de la bruyere ou du tamaris : il est toûjours verd, & hérissé de beaucoup d’épines. Voici comment il rapporte la maniere de le tirer. On coupe par petits morceaux les branches de cet arbre, on les fait bouillir, ensuite on les pile ; après cela on en forme des pastilles & des tablettes avec la farine de nachani, & avec

la sciure d’un certain bois noir qui naît dans le pays.

On fait sécher ces pastilles à l’ombre : quelquefois on n’y mêle pas cette sciure.

Description de cet arbre suivant, Bontius. Bontius, un des premiers voyageurs qui en ait parlé, dit que cet arbre est tout couvert d’épines sur le tronc & sur les branches, ayant des feuilles qui sont presque comme celles de la sabine, ou de l’arbre que l’on appelle l’arbre de vie, hormis qu’elles ne sont pas si grosses ni si épaisses. Il porte, dit-il, des feves rondes de couleur de pourpre, dans lesquelles sont renfermées trois ou quatre noix tout au plus, & qui sont si dures que l’on ne peut les casser avec les dents. On en fait bouillir les racines, l’écorce & les feuilles, pour en faire un extrait que l’on appelle cate ; extrait, pour le dire en passant, que ces deux auteurs, Garcie & Bontius, croyent être le lycium Indien de Dioscoride.

Suivant Hebert de Jager. Mais Hebert de Jager, dans les Ephemérides des curieux de la nature, décad. II. an. 3. écrit que le lycium des Indes, ou le cate de Garcias, ou le kaath, comme les Indiens l’appellent, & le reng des Perses, est un suc tiré non d’un arbre, mais de presque toutes les especes d’acacia qui ont l’écorce astringente & rougeâtre, & de beaucoup d’autres plantes dont on peut tirer par l’ébullition un suc semblable. Tous ces sucs sont designés, ajoûte-t-il, dans ces pays-là sous le nom de kaath, quoiqu’ils soient bien différens en bonté & en vertu.

Il parle cependant d’un arbre qui porte le plus excellent & le meilleur kaath : cet arbre est nommé khier par les Indiens, khadira par les Brachmanes, tsaanra par les Golcondois, karanggalli fatti par les Malabares.

C’est une espece d’acacia épineux, branchu, dont les plus grandes branches sont couvertes d’une écorce blanchâtre cendrée. Les rameaux qui produisent des feuilles sont couverts d’une peau roussâtre, & ils sortent des plus grandes branches entre les petites épines, placées deux à deux, crochues & opposées. Les feuilles ailées, portées sur une côte, sont semblables à celles de l’acacia, mais plus petites. Cet auteur n’a pas vû les fleurs ni le fruit. On retire de cet arbre par la décoction, dans le royaume de Pégu, un suc dont on fait le kaath, si recherché dans toutes les Indes orientales.

L’arbre qui fournit le cachou est sur-tout l’Areca. En effet, quoi qu’en dise Hebert de Jager, l’arbre qu’on nomme areca est le plus célebre parmi ceux qui donnent l’extrait de kaath ou le cachou ; & c’est même le seul qui fournisse le vrai cachou, si l’on en croit les voyageurs qui méritent le plus de créance, & en particulier Jean Othon Helbigius, homme très-versé dans la connoissance des plantes orientales, & qui a fait un très-long séjour dans le pays.

Synonymes de cet arbre. Voilà donc la plante que nous cherchions : c’est un grand arbre des Indes orientales, qui croît seulement sur les bords de la mer & dans les terres sabloneuses, une espece de palmier qui porte les noms suivans dans nos ouvrages de Botanique ; palma cujus fructus sessilis Fausel dicitur, C. B. P. 510. Filfil & Fufel Avicen. Faufel, sive areca palmæ foliis, J. B. 1. 389. areca, sive Fauvel, Clus. Exot. 188. Pinung. Bont. caunga hort. Malab. où l’on en trouvera la figure très-exacte.

Sa description. Sa racine est noirâtre, oblongue, épaisse d’un empan, garnie de plusieurs petites racines blanchâtres & rousses ; son tronc est gros d’un empan près de la racine, & un peu moins vers son sommet ; son écorce est d’un verd gai, & si unie, qu’on ne peut y monter à moins qu’on n’attache à ses piés des crochets & des cordes, ou qu’on ne l’entoure par intervalles de liens faits de nattes, ou de quelqu’autre matiere semblable.