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tingue de toute autre : la cause formelle s’unissant à la matérielle, produit le corps ou le composé. La cause exemplaire, c’est le modele que se propose l’agent, & qui le dirige dans son action : ce modele est ou intrinseque, ou extrinseque à l’agent ; dans le premier cas, il se confond avec les idées archetypes, voyez Idée ; dans le second cas, il se prend pour toutes les riches productions de la nature, & pour tous les ouvrages exquis de l’Art. Voy. ces deux articles. Pour ce qui regarde les causes finales, consultez l’article suivant. (X)

Causes finales. (Métaphys.) Le principe des causes finales consiste à chercher les causes des effets de la nature par la fin que son auteur a dû se proposer en produisant ces effets. On peut dire plus généralement, que le principe des causes finales consiste à trouver les lois des phénomenes par des principes métaphysiques.

Ce mot a été fort en usage dans la Philosophie ancienne, où l’on rendoit raison de plusieurs phénomenes, tant bien que mal, par des principes métaphysiques aussi tant bons que mauvais. Par exemple on disoit : l’eau monte dans les pompes, parce que la matiere a horreur du vuide ; voilà le principe métaphysique absurde par lequel on expliquoit ce phénomene. Aussi le chancelier Bacon, ce génie sublime, ne paroît pas faire grand cas de l’usage des causes finales dans la Physique. Causarum finalium, dit-il, investigatio sterilis est, & tanquam virgo Deo consecrata, nil parit. De augm. scient. lib. III. c. v. Quand ce grand génie parloit ainsi, il avoit sans doute en vûe le principe des causes finales, employé même d’une maniere plus raisonnable que ne l’employoient les scholastiques. Car l’horreur du vuide, par exemple, est un principe plus que stérile, puisqu’il est absurde. Bacon avoit bien senti que nous voyons la nature trop en petit pour pouvoir nous mettre à la place de son auteur ; que nous ne voyons que quelques effets qui tiennent à d’autres, & dont nous n’appercevons pas la chaîne ; que la fin du Créateur doit presque toûjours nous échapper, & que c’est s’exposer à bien des erreurs que de vouloir la démêler, & sur-tout expliquer par là les phénomenes. Descartes a suivi la même route que Bacon, & sa philosophie a proscrit les causes finales avec la scholastique. Cependant un grand philosophe moderne, M. Leibnitz, a essayé de ressusciter les causes finales, dans un écrit imprimé, Act. erud. 1682, sous le titre de Unicum Opticæ, Catoptricæ, & Dioptricæ principium. Dans cet ouvrage M. Leibnitz se déclare hautement pour cette maniere de philosopher, & il en donne un essai en déterminant les lois que suit la lumiere.

La nature, dit-il, agit toûjours par les voies les plus simples & les plus courtes ; c’est pour cela qu’un rayon de lumiere dans un même milieu va toûjours en ligne droite tant qu’il ne rencontre point d’obstacle : s’il rencontre une surface solide, il doit se refléchir de maniere que les angles d’incidence & de reflexion soient égaux ; parce que le rayon obligé de se refléchir, va dans ce cas d’un point à un autre par le chemin le plus court qu’il est possible. Cela se trouve démontré partout. Voyez Miroir & Réfraction. Enfin si le globule lumineux rencontre une surface transparente, il doit se rompre de maniere que les sinus d’incidence & de réfraction soient en raison directe des vîtesses dans les deux milieux ; parce que dans ce cas il ira d’un point à un autre, dans le tems le plus court qu’il est possible.

M. de Fermat avant M. Leibnitz, s’étoit servi de ce même principe pour déterminer les lois de la réfraction ; & il ne faudroit peut-être que ce que nous venons de dire, pour démontrer combien l’usage des causes finales est dangereux.

En effet, il est vrai que dans la réflexion sur les miroirs plans & convexes, le chemin du rayon est le plus court qu’il est possible : mais il n’en est pas de même dans les miroirs concaves ; & il est aisé de démontrer que souvent ce chemin, au lieu d’être le plus court, est le plus long. J’avoüe que le pere Taquet, qui a adopté dans sa Catoptrique ce principe du plus court chemin, pour expliquer la réflexion, n’est pas embarrassé de la difficulté des miroirs concaves. Lorsque la nature, dit-il, ne peut pas prendre le chemin le plus court, elle prend le plus long ; parce que le chemin le plus long est unique & déterminé, comme le chemin le plus court. On peut bien appliquer ici ce mot de Ciceron : Nihil tam absurdum excogitari potest, quod dicture non sit ab aliquo philosophorum.

Voilà donc le principe des causes finales en défaut sur la reflexion. C’est bien pis sur la réfraction ; car en premier lieu, pourquoi dans le cas de la réflexion, la nature suit-elle tout à la fois le plus court chemin & le plus court tems ; au lieu que dans la réfraction, elle ne prend que le plus court tems, & laisse le plus court chemin ? On dira qu’il a fallu choisir ; parce que dans le cas de la réfraction, le plus court tems & le plus court chemin ne peuvent s’accorder ensemble. A la bonne heure : mais pourquoi préférer le tems au chemin ? En second lieu, suivant MM. Fermat & Leibnitz, les sinus sont en raison directe des vîtesses, au lieu qu’ils doivent être en raison inverse. Voyez Réfraction & Action. Reconnoissons donc l’abus des causes finales par le phénomene même que leurs partisans se proposent d’expliquer à l’aide de ce principe.

Mais s’il est dangereux de se servir des causes finales à priori pour trouver les lois des phénomenes ; il peut être utile, & il est au moins curieux de faire voir comment le principe des causes finales s’accorde avec les lois des phénomenes, pourvû qu’on ait commencé par déterminer ces lois d’après des principes de méchanique clairs & incontestables. C’est ce que M. de Maupertuis s’est proposé de faire à l’égard de la réfraction en particulier, dans un mémoire imprimé parmi ceux de l’académie des Sciences, 1744. Nous en avons parlé au mot Action. Il fait à la fin & au commencement de ce mémoire, des réflexions très-judicieuses & très-philosophiques sur les causes finales. Il a depuis étendu ces réflexions, & porté plus loin leur usage dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, 1746, & dans sa Cosmologie. Il montre dans ces ouvrages l’abus qu’on a fait du principe des causes finales, pour donner des preuves de l’existence de Dieu par les effets les moins importans de la nature ; au lieu de chercher en grand des preuves de cette vérité si incontestable. Voyez l’article Cosmologie. Ce qui appartient à la sagesse du Créateur, dit M. de Fontenelle, semble être encore plus au-dessus de notre foible portée, que ce qui appartient à sa puissance. Eloge de M. Leibnitz. Voyez aussi des réflexions très-sages de M. de Mairan sur le principe des causes finales, dans les Mém. acad. 1723. (O)

Cause, en Méchanique & en Physique, se dit de tout ce qui produit du changement dans l’état d’un corps, c’est-à-dire, qui le met en mouvement ou qui l’arrête, ou qui altere son mouvement.

C’est une loi générale de la nature, que tout corps persiste dans son état de repos ou de mouvement, jusqu’à ce qu’il survienne quelque cause qui change cet état. Voyez Projectile, & Lois de la Nature.

Nous ne connoissons que deux sortes de causes capables de produire ou d’altérer le mouvement dans les corps ; les unes viennent de l’action mutuelle que les corps exercent les uns sur les autres à raison de leur impénétrabilité : telles sont l’impulsion & les ac-