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dérable de leur tout. Cent livres de différens bois neufs, très-secs, brûlés avec le soin nécessaire, pour ne perdre que la terre qui est inévitablement entraînée dans la fumée, n’ont laissé que trois livres dix onces de cendres calcinées, à peu-près un trentieme de leur poids. Ce produit doit varier considérablement selon que le corps qui le fournit est plus ou moins terreux, plus ou moins dense, plus ou moins épuisé de ses sucs, &c. C’est ainsi que les écorces en général, & sur-tout les écorces des vieux troncs, doivent en fournir beaucoup plus qu’une plante aqueuse, ou un fruit pulpeux ; les plantes abondantes en extrait amer, beaucoup plus que les plantes résineuses ; un os beaucoup plus qu’un viscere, &c. Il est telle plante aqueuse dont on peut séparer par la simple dessiccation, jusqu’à de son poids, qui par conséquent dans cet état de secheresse, étant supposée, toutes choses d’ailleurs égales, d’une densité pareille à celle du bois dont nous avons parlé, ne donneroit que le de son poids de cendre. Ceux qui seront curieux de connoître avec détail le rapport du produit dont il s’agit, au corps dont il faisoit partie, peuvent consulter les analyses des premiers Chimistes de l’académie royale des sciences, & celles de la matiere médicale de M. Geoffroy.

La cendre ou la terre végétale & la terre animale conservent chacune inaltérablement un caractere, & comme le sceau de leur regne respectif. La terre végétale, selon l’observation de Becher, porte toûjours dans le verre à la composition duquel on l’employe, une couleur verte, ou tirant foiblement sur le bleu. « Viridis vel subcæruleus, indelebilem sui regni asteriscum servans, nempè vegetabilem viriditatem exprimens ». Et la terre animale une couleur de blanc de lait. C’est à la suite de cette observation que le même Becher forme très-sérieusement ce souhait singulier : « O utinam ita consuetum foret, & amicos haberem qui ultimam istam opellam, siccis, & multis laboribus exhaustis ossibus meis, aliquando præstarent, qui inquam eam in diaphanam illam, nullis sæculis corruptibilem substantiam redigerent, suavissimum sui generis colorem, non quidem vegetabilium virorem, tremuli tamen narcissuli ideam lacteam præsentantem, quod paucis quidem horis fieri posset… Plût à Dieu que ce fût un usage reçû, & que j’eusse des amis qui me rendissent ce dernier devoir, qui, dis-je, convertissent un jour mes os secs, & épuisés par de longs travaux, en cette substance diaphane, que la plus longue suite de siecles ne sauroit altérer, & qui conserve sa couleur générique, non la verdure des végétaux, mais cependant la couleur de lait du tremblant narcisse ; ce qui pourroit être exécuté en peu d’heures, &c. »

M. Pott observe dans sa Lithogeognosie, des différences réelles & caractéristiques dans les terres calcaires & alkalines tirées des trois regnes, & même parmi les différentes terres du même regne, comme entre la craie & la marne, entre l’ivoire, la corne de cerf, les écailles d’huîtres, &c. soit pour le degré de fusibilité, soit pour le plus ou le moins de facilité à être portées à la transparence. Apparemment qu’on trouveroit aussi des différences essentielles entre les cendres lessivées de divers végétaux.

Ces observations prouvent suffisamment que les terres des cendres végétales ou animales, ne sont pas des corps simples, ou qu’on n’est pas encore parvenu à les réduire à la simplicité élémentaire, pas même à la simplicité générique des terres alkalines ou calcaires, dans la classe desquelles on les range ; classe dont, pour le dire en passant, le caractere propre n’existe seul dans aucun sujet connu, ou qui est toûjours modifié dans chacun de ces sujets par des qualités particulieres (qualités qui, dans la doctrine Chimique, sont toûjours des substances ou des êtres phy-

siques (Voyez Chimie) si intimement inhérentes qu’on n’a jamais pû jusqu’à présent simplifier les différentes terres calcaires, au point de les rendre exactement semblables, comme on peut amener à cette ressemblance parfaite les eaux tirées de différentes plantes, ou même celles qu’on tire des différens regnes, les phlogistiques des trois regnes, &c. Voyez Terre.

La fameuse opinion de la résurrection des plantes & des animaux de leurs cendres, qui a tant exercé les savans sur la fin du dernier siecle, & au commencement de celui-ci, ne trouveroit à présent sans doute des partisans que très-difficilement. Voyez Palingenesie.

La terre des cendres entre très-bien en fusion, & se vitrifie avec différens mêlanges, mais sur-tout avec les terres vitrifiables & les alkalis fixes. C’est par cette propriété que les cendres végétales non lessivées, comme les cendres de fougere, les cendres de Moscovie, celles du varec, la soude, &c. sont propres aux travaux de la Verrerie. Voyez Verre.

Les cendres lessivées fournissent aux Chimistes des intermedes & des instrumens, tels que le bain de cendre, & la matiere la plus usitée des coupelles. Voyez Intermede & Coupelle.

Le sel lixiviel ou alkali fixe retiré des cendres des végétaux, est d’un usage très-étendu dans la Chimie physique, & dans différens arts chimiques. Voyez Sel lixiviel.

C’est à ce dernier sel que les cendres doivent leur propriété de blanchir le linge, de dégraisser les étoffes, les laines, &c. Voyez Blanchissage, Sel lixiviel, Menstrue. C’est parce que la plus grande partie, ou au moins la partie la plus saline de la matiere qui fournit ce sel dans l’ustion, a été enlevée par l’eau, au bois flotté, que les cendres de ce bois sont presque inutiles aux blanchisseuses. Voyez Extrait.

Les cendres non lessivées sont employées aussi dans la fabrication du nitre, mais apparemment ne lui fournissent rien le plus souvent, contre l’opinion commune. Voyez Nitre. Cet article est de M. Venel.

* Cendres, (Agriculture.) les cendres sont un fort bon amendement, de quelque matiere & de quelque endroit qu’elles viennent, soit du foyer, soit de lessive, du four à pain, à charbon, à tuile, à chaux, & d’étain ; elles conviennent assez à toutes sortes de terre. On les mêle avec le fumier, pour qu’il s’en perde moins. Quand un champ est maigre, il est assez ordinaire d’y mettre le feu, & de l’engraisser des cendres mêmes des mauvaises herbes qu’il produit, si elles sont abondantes : on le laboure aussi-tôt. On en use de même quand on a des prés stériles & usés ; ou bien on en enleve la surface qu’on transporte par pieces de gasons dans d’autres terres, où on les brûle. Voyez Engrais des terres & Agriculture.

Cendre, pluie de cendres, (Physique.) Dans les Transactions philosophiques il est fait mention d’une ondée ou pluie de cendres dans l’Archipel, qui dura plusieurs heures, & qui s’étendit à plus de cent lieues. Voyez Pluie. Ce phénomene n’a rien de surprenant, puisqu’il est très-possible que lorsqu’il y a quelque part un grand incendie, ou un volcan, le vent pousse les cendres, ou peut-être la poussiere de cet endroit dans un autre, même assez éloigné. (O)

* Cendre de cuivre, (Métallurgie.) c’est une espece de vapeurs de grains menus que le cuivre jette en l’air dans l’opération du rafinage. On peut recevoir cette vapeur en retombant, en passant une pelle de fer, à un pié ou environ au-dessus de la surface du cuivre qui est alors dans un état de fluidité très-subtile. Voyez l’article Cuivre.

Cendres gravelées, (Chimie.) elles se font avec de la lie de vin : voici suivant M. Lemery la