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de foco, loco, & chantello. Quilibet, est-il dit, per se tenens focum certum, & locum, vel chantellum, in dicta villa… duodecim denarios parisienses solvet tantummodo annuatim… On voit qu’en cet endroit locum & chantellum sont synonymes.

La coûtume de Bourbonnois, art. 192. & 203. fait mention d’un droit dû au seigneur par certains serfs, appellé les quatre deniers de chantelle. M. de Lauriere, en son glossaire du Droit François, au mot chantelle, estime que ces deniers sont ainsi appellés, parce qu’ils sont dûs par les serfs de la châtellenie de Chantelle. Il agite ensuite si cette châtellenie n’auroit point été ainsi nommée à cause que les serfs qui y demeurent payent au seigneur quatre deniers de foco, loco, & chantello, comme ceux de Saint-Palais en Berri ; mais il n’adopte pas cette opinion. Il ne paroît pas cependant que le droit de chantelle ait été ainsi nommé de la châtellenie de Chantelle, attendu qu’il se perçoit en bien d’autres endroits, ainsi que l’annonce la coûtume de Bourbonnois, qui porte qu’il y a plusieurs serfs audit pays, dont aucuns payent quatre deniers à cause de leur servitude, ce qui s’appelle les quatre deniers de chantelle ; & plus loin il est dit, que tous ceux qui doivent quatre deniers de taille, que l’on appelle les quatre deniers de chantelle, & tous leurs descendans, ainsi qu’ils se trouvent écrits au terrier ou papier du prévôt desdits quatre deniers de chantelle, sont tous serfs, & de serve condition, de poursuite, & de morte-main. (A)

CHANTEPLEURE, terme d’Architecture, barbacame ou ventouse qu’on fait aux murs de clôture, construits près de quelques eaux courantes, afin que dans leur débordement elles puissent entrer dans le clos & en sortir librement, sans endommager les murs. (P)

* Chantepleure, s. f. (Tonnel.) espece d’entonnoir fabriqué par les tonneliers, & à l’usage des marchands de vin. Voyez cet instrument, Planche du Tonn. fig. 18. Il a la forme d’un petit cuvier échancré à sa circonférence ; cette échancrure sert à emboîter les vaisseaux dont on se sert pour le remplir, afin que ce remplissage se fasse sans répandre de liqueur. Son fond est percé d’un trou auquel on a adapté une douille, ou queue de fer-blanc, plus ou moins longue, mais criblée de petits trous sur toute sa longueur ; on passe cette douille dans la bonde d’un tonneau ; elle descend jusque dans la liqueur, & transmet celle qu’on a versée dans le cuvier, & qu’on veut transvaser dans le tonneau, sans troubler celle qui y est déjà. Pour arrêter les ordures qui passeroient avec la liqueur, on a bouché l’ouverture de la douille qui est au-dedans du cuvier, d’un morceau de fer-blanc percé de trous, & cloué sur le fond du cuvier.

* Chantepleure. (Œcon. rustiq.) On donne ce nom à des canelles aussi simples que de peu de valeur, qu’on adapte à la campagne au-bas des vaisseaux remplis de liqueur, comme les cuves à fouler la vendange, les tonneaux à piquette, les cuviers. à couler la lessive, les barrils qui contiennent l’huile de noix, ceux où l’on met le vinaigre, &c. Ce n’est autre chose que l’assemblage de deux morceaux de bois, dont l’un est percé dans toute sa longueur, & dont l’autre s’insere dans le morceau de bois percé, comme une cheville qui rempliroit exactement le trou. Celui-ci est mobile ; l’ouverture où on le place est en-dehors du vaisseau ; l’autre est en-dedans. On le tire ou l’on le pousse, pour tirer ou arrêter la liqueur.

CHANTER, c’est faire différentes inflexions de voix agréables à l’oreille, & toûjours correspondantes aux intervalles admis dans la Musique, & aux notes qui les expriment.

La premiere chose qu’on fait en apprenant à chanter, est de parcourir une gamme en montant par les degrés diatoniques jusqu’à l’octave, & ensuite en descendant par les mêmes notes. Après cela on monte & l’on descend par de plus grands intervalles, comme par tierces, par quartes, par quintes ; & l’on passe de cette maniere par toutes les notes, & par tous les différens intervalles. V. Échelle, Gamme, Octave.

Quelques-uns prétendent qu’on apprendroit plus facilement à chanter, si au lieu de parcourir d’abord les degrés diatoniques, on commençoit par les consonnances, dont les rapports plus simples sont plus aisés à entonner. C’est ainsi, disent-ils, que les intonnations les plus aisées de la trompette & du cor sont d’abord les octaves, les quintes, & les autres consonnances, & qu’elles deviennent plus difficiles pour les tons & sémi-tons. L’expérience ne paroît pas s’accorder à ce raisonnement ; car il est constant qu’un commençant entonne plus aisément l’intervalle d’un ton que celui d’une octave, quoique le rapport en soit bien plus composé : c’est que, si d’un côté le rapport est plus simple, de l’autre la modification de l’organe est moins grande. Chacun voit que si l’ouverture de la glotte, la longueur ou la tension des cordes gutturales est comme 8, il s’y fait un moindre changement pour les rendre comme 9, que pour les rendre comme 16.

Mais on ne sauroit disconvenir qu’il n’y ait dans les degrés de l’octave, en commençant par ut, une difficulté d’intonnation dans les trois tons de suite, qui se trouvent du fa au si, laquelle donne la torture aux éleves, & retarde la formation de leur oreille. Voyez Octave & Solfier. Il seroit aisé de prévenir cet inconvénient en commençant par une autre note, comme seroit sol ou la, ou bien en faisant le fa diéze, ou le si bémol. (S)

On a fait un art du chant ; c’est-à-dire que des observations sur des voix sonores qui chantoient le plus agréablement, on a composé des regles pour faciliter & perfectionner l’usage de ce don naturel, Voy. Maître à chanter ; mais il paroît par ce qui précede, qu’il y a encore bien des découvertes à faire sur la maniere la plus facile & la plus sûre d’acquérir cet art.

Sans son secours, tous les hommes chantent, bien ou mal, & il n’y en a point qui en donnant une suite d’inflexions différentes de la voix, ne chante ; parce que quelque mauvais que soit l’organe, ou quelque peu agréable que soit le chant qu’il forme, l’action qui en résulte alors est toûjours un chant.

On chante sans articuler des mots, sans dessein formé, sans idée fixe, dans une distraction, pour dissiper l’ennui, pour adoucir les fatigues ; c’est de toutes les actions de l’homme celle qui lui est la plus familiere, & à laquelle une volonté déterminée a le moins de part.

Un muet donne des sons, & forme par conséquent des chants : ce qui prouve que le chant est une expression distincte de la parole. Les sons que peut former un muet peuvent exprimer les sensations de douleur ou de plaisir. De-là il est évident que le chant a son expression propre, indépendante de celle de l’articulation des paroles. Voyez Expression.

La voix d’ailleurs est un instrument musical dont tous les hommes peuvent se servir sans le secours de maîtres, de principes ou de regles. Une voix sans agrément & mal conduite distrait autant de son propre ennui la personne qui chante, qu’une voix sonore & brillante, formée par l’art & le goût. Voyez Voix. Mais il y a des personnes qui par leur état sont obligées à exceller dans la maniere de se servir de cet organe. Sur ce point, comme dans