Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/527

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tourner de tous côtés : c’est sur le pupitre que l’on pose le livre qui contient la piece de musique que l’on veut joüer. Il y a aussi à la partie antérieure fg deux platines c, d, garnies de leurs bobeches & de bras ployans, dans lesquelles on met les bougies allumées, qui éclairent le claveciniste lorsqu’il veut joüer la nuit.

On monte ensuite le clavecin de cordes, partie jaunes, partie blanches, c’est-à-dire de cuivre & d’acier : celles de cuivre servent pour les basses, & les autres pour les dessus. Les cordes jaunes & blanches sont de plusieurs numéros ou grosseurs : le numéro moindre marque les plus grosses cordes ; le numéro premier en jaune est pour le c-sol-ut des basses à la double octave, au-dessous de celui de la clé d’ut, lequel doit sonner l’unisson de huit piés. Voyez Diapason. Lorsque le clavecin est à ravalement, comme celui représenté dans la Planche, on met en descendant des cordes jaunes encore plus grosses que le numéro premier, & qui sont marquées par 0, 00, 000 ; la corde 000 est la plus grosse qu’on employe jusqu’à présent, elle sert pour f-ut-fa du seize pié : on se sert aussi quelquefois pour le ravalement de cordes de cuivre rouge, marquées de même 000, 00, 0, 1, 2 ; ces cordes sont plus touchantes & plus harmonieuses que les cordes jaunes.

Table des numeros des cordes, & du nombre qu’on doit mettre de chacune, en commençant par les basses, & en montant selon la suite des sautereaux

A   B :
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, &c.


la premiere colonne contient les numeros des cordes, & la seconde le nombre de cordes qu’on doit mettre à chaque numero.

Numeros des cordes 1. Nombre des cordes selon la suite des sautereaux.
000   2 Les cordes comprises dans l’accolade peuvent être de cuivre rouge, si les jaunes ne parlent pas bien.
00 2
0 3
1 3
2 3
3 4
4 4
5 4
Cordes blanches qui commencent à f-ul-fa de la clé de fa.
6 & quelquefois 5 5
7 5
8 5
9 5
10 5
11 9 si le dessus monte jusqu’en e-si-mi.

12. Le numero 12 sert pour la petite octave à la place du numero 11 ; de même le numero 11 sert à la place du numero 10, ainsi des autres.

Pour la tablature de cet instrument, voyez la table du rapport de l’étendue des instrumens de musique, où les notes & les clés de musique sont placés au-dessous des touches d’un clavier, qui y est représenté par l’accord, voyez Partition ; & remarquez que l’ut du milieu du clavecin doit être à l’unisson d’un tuyau de prestant de deux piés ouvert, & que la petite octave ac doit être accordée à l’octave au-dessus des grandes cordes bd, & à l’unisson du prestant. On se sert pour tourner les chevilles d’une clé appellée accordoir. Voyez Accordoir de clavecin.

* Clavecin oculaire, (Musiq. & Opt.) instrument à touches analogue au clavecin auriculaire, composé d’autant d’octaves de couleurs par tons & demi-tons, que le clavecin auriculaire a d’octaves de sons par tons & demi-tons, destiné à donner à l’ame par les yeux les mêmes sensations agréables de mélodie & d’harmonie de couleurs, que celles

de mélodie & d’harmonie de sons que le clavecin ordinaire lui communique par l’oreille.

Que faut-il pour faire un clavecin ordinaire ? des cordes diapasonnées selon un certain système de Musique, & le moyen de faire resonner ces cordes. Que faudra-t-il pour un clavecin oculaire ? des couleurs diapasonnées selon le même système que les sons, & le moyen de les produire aux yeux : mais l’un est aussi possible que l’autre.

Aux cinq toniques de sons, ut, ré, mi, sol, la, correspondront les cinq toniques de couleurs, bleu, verd, jaune, rouge, & violet ; aux sept diatoniques de sons, ut, ré, mi, fa, sol, la, si, ut. les sept diatoniques de couleurs, bleu, verd, jaune, aurore, rouge, violet, turquin, bleu clair ; aux douze chromatiques ou sémi-diatoniques de sons, ut, ut, ♯, ré, ré, ♯, mi, fa, fa, ♯, sol, sol, ♯, la, la, ♯, si, ut ; les douze chromatiques ou sémi-diatoniques de couleurs, bleu, céladon, verd, olive, jaune, aurore, orangé, rouge, cramoisi, violet, agate, turquin, bleu, &c. d’où l’on voit naître en couleurs tout ce que nous avons en sons ; modes majeur & mineur ; genres diatonique, chromatique, enharmonique ; enchaînemens de modulations ; consonnances, dissonnances, mélodie, harmonie, ensorte que si l’on prend un bon rudiment de musique auriculaire, tel que celui de M. d’Alembert, & qu’on substitue par-tout le mot couleur au mot son, on aura des élémens complets de musique oculaire, des chants colorés à plusieurs parties, une basse fondamentale, une basse continue, des chiffres, des accords de toute espece, même par supposition & par suspension, une loi de liaison, des renversemens d’harmonie, &c.

Les regles de la musique auriculaire ont toutes pour fondement la production naturelle & primitive de l’accord parfait par un corps sonore quelconque : soit ce corps ut ; il donne les sons ut, sol, mi, auxquels correspondront le bleu, le rouge, le jaune, que plusieurs artistes & physiciens regardent comme trois couleurs primitives. La musique oculaire a donc dans ses principes un fondement analogue à la musique auriculaire. Voyez Couleur.

Qu’est-ce que joüer ? C’est, pour le clavecin ordinaire, sonner & se taire, ou paroître & disparoître à l’oreille. Que sera-ce que joüer pour le clavecin oculaire ? se montrer & se tenir caché, ou paroître & disparoître à l’œil : & comme la musique auriculaire a vingt ou trente façons de produire les sons, par des cordes, des tuyaux, des voix, des violons, des basses, des lyres, des guitarres, des clavecins, des épinettes, des hautbois, des flûtes, des fifres, des flageolets, des bassons, des serpens, des trompettes, des orgues, &c. la musique oculaire aura autant de façons correspondantes de produire les couleurs, des boîtes, des éventails, des soleils, des étoiles, des tableaux, des lumieres naturelles, artificielles, &c. voilà la pratique.

Les objections qu’on a faites contre la musique & l’instrument oculaires se présentent si naturellement, qu’il est inutile de les rapporter ; nous osons seulement assûrer qu’elles sont si parfaitement, sinon détruites, au moins balancées par les réponses tirées de la comparaison des deux musiques, qu’il n’y a plus que l’expérience qui puisse décider la question.

La seule différence importante entre les deux clavecins qui nous ait frappés, c’est que quoiqu’il y ait sur le clavecin ordinaire un grand intervalle entre sa premiere & sa derniere touche, l’oreille n’apperçoit point de discontinuité entre les sons ; ils sont liés pour elle comme si les touches étoient toutes voisines ; au lieu que les couleurs seront distantes & disjointes à la vûe. Pour remédier à cet inconvénient dans la mélodie & l’harmonie oculaires, il faudroit