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le quelques particules d’air avec le sang dans les poumons, ou non. Voyez Poumon, Air, &c.

En supposant même qu’il s’insinue quelque portion d’air dans la veine pulmonaire, il ne peut autrement dilater le cœur que par une effervescence dans le ventricule gauche, qui ne seroit point suffisante pour dilater le droit : mais la dissection anatomique de la partie ne suffit-elle point pour détruire ce sentiment, qui a été suffisamment réfuté par un grand nombre d’excellens auteurs ? Voyez Respiration.

Quoi qu’il en soit, la masse de l’atmosphere paroît être le véritable antagoniste de tous les muscles qui servent à l’inspiration ordinaire & à la contraction du cœur ; & cela se trouve confirmé non-seulement par sa puissance, mais encore par la nécessité de son action sur les corps animaux. Voyez Atmosphere.

Le cœur, comme nous l’avons déjà observé, est un muscle solitaire d’une force extraordinaire, qui est encore augmentée par les muscles intercostaux & le diaphragme, qui n’ont point d’antagonistes ; de sorte qu’elle a besoin d’être contrebalancée par quelque force équivalente, quelle qu’elle puisse être : car quoique l’action des muscles intercostaux soit volontaire, ils ne sont pas pour cela exempts de la condition des autres muscles qui servent aux mouvemens volontaires, lesquels seroient dans une contraction perpétuelle, nonobstant l’influence de la volonté, sans le balancement des muscles antagonistes. Le poids de l’atmosphere qui presse sur la poitrine & sur toutes les autres parties du corps, supplée à ce balancement qui se trouve entre les autres muscles : & comme dans tous les autres mouvemens volontaires l’influence de la volonté ne fait qu’augmenter l’action de l’une des deux puissances qui étoient auparavant en équilibre ; de même elle ne sert ici qu’à donner à ces muscles assez de force pour soûtenir un poids qui surmonteroit leurs forces, s’ils n’étoient point secondés de la maniere que je viens de le dire. Aussi-tôt que ce secours vient à manquer, les côtes s’abaissent de nouveau par la seule pesanteur de l’atmosphere ; ce qu’elles ne feroient point sans cela, malgré le penchant naturel qu’ont ces muscles à se contracter.

Cela est suffisamment prouvé par les expériences de Torricelli, & par celles qu’on a faites sur des animaux dans le vuide, où dès que la pression de l’air est ôtée, les muscles intercostaux & le diaphragme sont contractés, les côtes s’élevent dans le moment, & la volonté ne peut plus les obliger à s’abaisser, à moins que l’air ne vienne à son secours, & ne les y force par sa pression.

Comme dans l’élevation des côtes le sang est en quelque sorte obligé d’entrer dans les poumons par le passage qu’il trouve ouvert ; de même lorsqu’elles viennent à s’abaisser, il est forcé, par l’affaissement des poumons & par la contraction des vaisseaux sanguins, de passer par la veine pulmonaire dans le ventricule gauche du cœur : cela joint au poids de l’atmosphere qui presse sur toute la surface du corps qu’il entoure de tous côtés, est cette puissance qui oblige le sang à monter dans les veines, après que la force que le cœur lui avoit imprimée a cessé ; & elle suffit même pour obliger le cœur à sortir de son état naturel & à se dilater.

Lorsqu’on vient à supputer la pesanteur d’une colonne d’air égale à la surface du corps, on s’apperçoit qu’elle suffit pour produire les effets qu’on lui attribue. Si l’on considere outre cela que les corps des animaux sont des machines capables de céder à la pression, on connoîtra sans peine qu’elle doit agir sur eux de la maniere que nous l’avons dit. Cependant quoique nos corps soient entierement com-

posés de petits tubes ou vaisseaux remplis de fluides,

cette pression, quelque grande qu’elle soit, étant la même partout, ne pourroit les affecter, à moins que les dimensions superficielles ne variassent également ; à cause qu’étant également pressés partout avec le même degré de force, les fluides qu’ils contiennent ne pourroient se retirer dans aucun endroit, & faire place à ceux qui les suivent, mais demeureroient aussi fixes & aussi immobiles que s’ils étoient actuellement solides. Voyez Fluide & Air.

Mais la dilatation de la poitrine fournit assez d’espace aux fluides pour se mouvoir, & son resserrement leur imprime un nouveau mouvement ; ce qui est le principe de la circulation continuelle du sang.

Cette dilatation & cette contraction réciproque des dimensions superficielles du corps paroissent si nécessaires à la vie de l’animal, qu’il n’y en a aucun, quelqu’imparfait qu’il soit, dans lequel elles ne se trouvent ; pour le moins on n’en a encore decouvert aucun dans lequel elles n’ayent existé.

Quoique les côtes & les poumons d’un grand nombre de poissons & d’insectes n’ayent aucun mouvement, & que leur poitrine, par une suite nécessaire, ne puisse point se dilater ; ce défaut est cependant réparé par un méchanisme analogue qui supplée autant qu’il faut aux besoins de la vie. Les poissons, par exemple, qui n’ont point de poumons, ont des oüies qui font les mêmes fonctions qu’eux ; car elles reçoivent & rejettent l’eau alternativement ; de sorte que les vaisseaux sanguins souffrent la même altération dans leurs dimensions, que dans les poumons des animaux les plus parfaits. Voyez Ouies.

Quoique les poumons des insectes different autant que ceux des poissons de ceux des animaux parfaits, ils ont cependant la même action & le même usage qu’eux ; c’est-à-dire qu’ils servent à chasser l’air, & à varier les dimensions & la capacité des vaisseaux sanguins. Comme ils n’ont point de poitrine ou de cavité séparée pour le cœur & les vaisseaux qui reçoivent l’air, ces derniers se distribuent dans tout le tronc, par le moyen duquel ils communiquent avec l’air extérieur par différens soupiraux, auxquels sont adaptés différens sifflets qui envoyent des rameaux dans tous les muscles & dans tous les visceres, & paroissent accompagner les vaisseaux sanguins par tout le corps, de même que dans les poumons des animaux parfaits. Par cette disposition le corps s’enfle dans chaque inspiration, & se resserre dans chaque expiration ; ce qui doit causer dans les vaisseaux sanguins une vicissitude d’extension & de contraction, & imprimer un plus grand mouvement dans les fluides qu’ils contiennent, que ne le feroit le cœur qui ne paroît point musculeux dans ces animaux.

Le fœtus est le seul animal qui soit exempt de la nécessité de recevoir & de chasser alternativement quelque fluide ; mais pendant qu’il est enfermé dans la matrice, il ne paroît avoir tout au plus qu’une vie végétative, & ne mérite point d’être mis au nombre des animaux ; & sans cette petite portion de mouvement musculaire qu’il exerce dans la matrice, on pourroit sans absurdité le regarder comme une greffe ou une branche de la mere. Voyez Fœtus, &c.

On peut objecter contre la doctrine que nous venons d’établir, que le cœur de plusieurs animaux ne bat pas avec moins de régularité & moins de force dans le vuide que dans l’air, comme M. Boyle l’a expérimenté avec ceux des grenouilles. Trans. phil. n°. 62.

Estimation de la force du cœur. La quantité de la force du cœur a été différemment estimée, & sur di-