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Trajane, dont la structure paroissoit beaucoup moins durable, subsiste encore en son entier.

Tout le monde sait que le pape Sixte V. a relevé cette colonne sous son pontificat, & a fait mettre au-dessus la statue de S. Pierre : on en trouve par-tout des estampes. Voyez celles qui ont été gravées à Rome, & copiées dans nos beaux ouvrages des antiquités Romaines. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Observations sur la force des colonnes. Comme on ne bâtit pas seulement avec le bois, mais aussi avec la pierre & le marbre, il seroit à souhaiter pour le bien de l’Architecture, que nous eussions des expériences bien faites sur la force des colonnes de pierre.

M. Van Musschenbroek a déjà là-dessus fait quelques expériences, qu’il rapporte dans ses Ess. de phys. Il a pris une colonne quarrée faite de terre-glaise, & aussi dure que la brique rouge durcie par le feu : cette colonne qui avoit onze pouces & demi de long, & dont chaque côté étoit de d’un pouce, fut rompue par 195 livres : une pierre de brême longue de douze pouces , & dont chaque côté étoit de d’un pouce, fut rompue par 150 livres : un marbre blanc un peu veiné, long de treize pouces , épais d’un côté de d’un pouce, & qui avoit de l’autre côté l’épaisseur de d’un pouce, fut rompu par 250 liv.

Si l’on prend un pilier de pierre fait de demi-pierres posées les unes sur les autres, ayant l’épaisseur de trois pouces, la largeur de sept pouces, & la hauteur de dix piés ; on demande quelle charge pourra supporter ce pilier de pierre, en supposant qu’il soit bâti de briques rouges durcies par le feu.

Si ce pilier étoit de la même épaisseur que celle qu’avoit la colonne dans l’expérience précédente, & qu’il fût de la hauteur de dix piés, il ne pourroit supporter deux livres, parce que les forces sont en raison inverse des quarrés des hauteurs : mais si l’on compte qu’une pierre est de la longueur de 7 pouces, c’est-à-dire dix-sept fois plus large que n’est la colonne dans l’expérience ; alors ce même pilier de mur qui a l’épaisseur de de pouce, & la largeur de sept pouces, pourra supporter trente livres. Mais la pierre est de l’épaisseur de trois pouces, qui est le côté courbé par le poids dont il est chargé ; ce côté est donc à celui de la colonne rompue comme 36 à 5, dont les quarrés sont comme 1296 à 25 : c’est pourquoi le pilier de mur qui est de la hauteur de dix piés, ne pourra être chargé que de 1555 livres, mais s’il étoit de l’épaisseur d’une pierre entiere, il pourroit supporter un fardeau quatre fois plus pesant.

Par conséquent un mur qui sera de l’épaisseur d’une demi-pierre, & qui aura dix piés de haut, pourra être chargé de 1555 livres, autant de fois qu’il sera de la longueur des pierres entieres ou de sept pouces. Il est certain que s’il étoit fait de pierres plus dures, il pourroit supporter une charge encore plus pesante avant que d’être renversé. Si l’on compare la force d’un pilier de pierre avec celle d’un pilier de bois de chêne, qui soit aussi de la hauteur de dix piés, & dont les côtés ayent trois pouces & sept pouces, on trouvera que le bois de chêne pourra supporter beaucoup davantage, & même presque 2800 livres.

Comme on éleve dans les églises plusieurs colonnes qui soûtiennent tout le bâtiment, si l’on prenoit une colonne de marbre blanc de la hauteur de quarante piés, & dont le diametre seroit de 4 piés, elle pourroit supporter à-peu-près le poids de 105,011,085 livres. Ainsi l’on est en état de calculer quel poids étoient capables de soûtenir les 127 colonnes du temple de la Diane d’Ephese, qui étoient toutes d’une piece de soixante piés de hauteur.

Comme on bâtit souvent des maisons à deux portes qui donnent sur le coin des rues, de sorte que

tout le poids de la façade repose sur le poteau de ce coin, il n’est pas indifférent de savoir l’épaisseur qu’il convient de donner à ce poteau ; mais il seroit encore bon de calculer les avantages ou les desavantages qu’il y auroit à le former en colonnes de pierre par préférence, parce que ce poteau doit supporter sans aucun danger le poids de la façade qui repose sur lui. Voyez Résistance des solides. Cet article est de M. le Chevalier de Jaucourt.

Colonne, en terme militaire, est un corps de troupes rangé sur beaucoup de hauteur & peu de front, qui marche d’un même mouvement, en laissant assez d’intervalle entre les rangs & les files pour éviter la confusion.

Une armée marche sur une, deux, trois, ou un plus grand nombre de colonnes, suivant la nature du terrein, & le but que le général se propose.

Il ne convient point à une armée de marcher en bataille, hors le moment d’un combat, quand même, ce qui est fort rare, le terrein le permettroit ; souvent même la marche ne se fait point en-avant de l’armée : il est donc nécessaire de rompre l’armée pour faire passer les troupes les unes après les autres. Comme il y en a un grand nombre, ce ne seroit pas assez si on ne la rompoit que pour faire passer toutes les troupes dans un même endroit ; il faut, pour la facilité de la marche, diviser l’armée en plusieurs portions ou parties, qui prennent des chemins différens pour aller se rassembler au lieu où l’on a résolu de le faire : l’exécution de cette manœuvre s’appelle mettre l’armée en colonnes.

La méthode de bien distribuer une armée sur un nombre de colonnes convenable, tant par rapport à l’armée considérée en elle-même, que par rapport au pays qu’elle a à traverser, est un objet des plus considérables & des plus importans, qui mérite toute l’attention des plus habiles généraux. Ceux qui voudront voir ce que l’on a de meilleur sur ce sujet, pourront consulter l’art de la guerre par regles & par principes de feu M. le maréchal de Puysegur, imprimé chez Jombert à Paris en 1748.

La colonne est encore un corps d’infanterie serré & suppressé, c’est-à-dire un corps rangé sur un quarré long, dont le front est beaucoup moindre que la hauteur, qui n’est pas moins redoutable par la pesanteur de son choc, que par la force avec laquelle il perce & résiste également par-tout, & contre toutes sortes d’efforts. Les rangs & les files doivent être tellement serrés & condensés, que les soldats ne conservent qu’autant d’espace qu’il leur en faut pour marcher & se servir de leurs armes.

Cette colonne est celle de M. le chevalier de Folard, & c’est sa propre définition ou description qu’on vient de donner. Elle est composée de plusieurs bataillons à la queue les uns des autres, depuis un bataillon jusqu’à six, sur plus ou moins de files & de rangs, selon la situation du pays où l’on se trouve obligé d’agir & de combattre. On a pretendu qu’à la bataille de Fontenoy, gagnée par le Roi en personne le 11 Mai 1745, les Anglois avoient combattu en colonne ; mais on sait que leur colonne s’étoit trouvée formée sans dessein : plusieurs de leurs bataillons voulant éviter le feu des François qui les prenoit en flanc, se posterent, pour l’éviter, les uns derriere les autres ; ce qui forma ainsi la colonne de M. de Folard. Au reste les plus habiles militaires conviennent que cette colonne est excellente dans plusieurs cas, mais qu’on ne doit pas la regarder comme devant être employée indifféremment dans toutes sortes d’attaques. Voyez le traité de la colonne du chevalier de Folard, tome I. de son comment. sur Polybe, & le livre intitulé sentiment d’un homme de guerre sur le nouveau système du chevalier de Folard, par rapport à la colonne, &c. (Q)