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sont trop hautes, ils le tendent avec leurs petits bateaux.

Le corre ou corret est un véritable sac de chalut ou rets traversier de la longueur qu’on veut. Voyez l’article Chalut. Le haut de l’ouverture est chargé de flotes de liége, & le bas de plaques de plomb du poids d’environ deux onces pesant ; ce qui fait pour la garniture entiere du filet trois à quatre livres. On oppose l’ouverture du corret au courant de la riviere ; l’un des côtés du sac est amarré à une ancre qui est au large du bateau ; les liéges qui soûlevent le haut du filet le tiennent ouvert d’environ deux brasses, si la marée monte suffisamment dans la riviere. Les mailles de ce filet n’ont que 14 à 15 lignes. Etabli de cette maniere, il ne peut être nuisible, puisqu’il reste où les pêcheurs l’ont placé. Pour faire une meilleure pêche, ils sont obligés de battre l’eau avec des perches ou avec leurs avirons, s’ils sont dans leur bateau, & de faire du bruit afin que le poisson sorte du fond & de la vase où il se tient.

Ils ne peuvent pêcher que de marée baissante, à moins qu’ils ne retournent l’embouchure de leur corret pour pêcher de flot avec des mailles de dix-huit lignes en quarré ; cette pêche ne peut être abusive : le sac du corret est le même que celui du chalut ou rets traversier, ou de la dranguelle claire usitée par les pêcheurs de la Seine, à la différence que ces deux instrumens coulent sur le fond, & que le corret est sédentaire.

Les pêcheurs de riviere, à leurs embouchures, prennent avec ce filet des poissons plats, sur-tout des plies & des anguilles. Ils y prennent cependant aussi d’autres sortes de poissons ronds, s’ils remontent : ce qui est rare à cause de la bourbe que les poissons de mer fuient toûjours.

CORREAU, (Marine.) voyez Coureau. (Z)

* CORRECT, adj. (Littérat.) ce terme désigne une des qualités du style. La correction consiste dans l’observation scrupuleuse des regles de la Grammaire. Un écrivain très-correct est presque nécessairement froid : il me semble du moins qu’il y a un grand nombre d’occasions où l’on n’a de la chaleur qu’aux dépens des regles minutieuses de la syntaxe ; regles qu’il faut bien se garder de mépriser par cette raison, car elles sont ordinairement fondées sur une dialectique très-fine & très-solide ; & pour un endroit qui seroit gâté par leur observation rigoureuse, & où l’auteur qui a du goût sent bien qu’il faut les négliger, il y en a mille où cette observation distingue celui qui sait écrire & penser, de celui qui croit le savoir. En un mot, on ne doit passer à un auteur de pécher contre la correction du style, que lorsqu’il y a plus à gagner qu’à perdre. L’exactitude tombe sur les faits & les choses ; la correction, sur les mots. Ce qui est écrit exactement dans une langue, rendu fidélement, est exact dans toutes les langues. Il n’en est pas de même de ce qui est correct ; l’auteur qui a écrit le plus correctement, pourroit être très-incorrect traduit mot à mot de sa langue dans une autre. L’exactitude naît de la vérité, qui est une & absolue ; la correction, de regles de convention & variables.

Correct, se dit, en Peinture, d’un dessein, d’un tableau, où tous les objets, & particulierement les figures, sont bien proportionnées, où les parties sont bien arrêtées, & leurs contours exactement semblables à ceux que présente la nature. On dit, ce Peintre est correct. Dict. de Peint. (R)

* CORRECTEUR, s. m. (Gramm.) celui qui corrige. Corriger a deux acceptions ; c’est, ou infliger une peine pour une faute commise, ou changer de mal en bien la disposition habituelle & vicieuse du cœur & de l’esprit, par quelque voie que ce puisse être.

Correcteurs des Comptes, (Jurisp.) Voyez sous le mot Comptes, à l’article Chambre des Comptes, § Correcteur des comptes.

* Correcteur d’Imprimerie, est celui qui lit les épreuves, pour marquer à la marge, avec différens signes usités dans l’Imprimerie, les fautes que le compositeur a faites dans l’arrangement des caracteres. Le correcteur doit être attentif à placer ses corrections par ordre, &, autant qu’il le peut, à côté de la ligne où elles doivent être placées. Voy. Epreuve. Rien n’est si rare qu’un bon correcteur : il faut qu’il connoisse très-bien la langue au moins dans laquelle l’ouvrage est composé ; ce que le bon sens suggere dans une matiere, quelle qu’elle soit ; qu’il sache se méfier de ses lumieres ; qu’il entende très-bien l’ortographe & la ponctuation, &c.

* CORRECTIF, s. m. (Gramm.) ce qui réduit un mot à son sens précis, une pensée à son sens vrai, une action à l’équité ou à l’honnêteté, une substance à un effet plus modéré ; d’où l’on voit que tout a son correctif. On ôte de la force aux mots par d’autres qu’on leur associe ; & ceux-ci sont ou des prépositions ou des adverbes, ou des épithetes qui modifient & temperent l’acception : on ramene à la vérité scrupuleuse les pensées ou les propositions, le plus souvent en en restreignant l’étendue ; on rend une action juste ou décente, par quelque compensation ; on ôte à une substance sa violence, en la mêlant avec une substance d’une nature opposée. Celui donc qui ignore entierement l’art des correctifs, est exposé en une infinité d’occasions à pécher contre la langue, la Logique, la Morale, & la Physique.

Correctif, adj. & Correction, sub. (Pharmacie.) On appelle correctifs, certains ingrédiens des medicamens composés, soit officinaux, soit magistraux, qui sont destinés à détruire les qualités nuisibles ou desagréables des autres ingrédiens de la même composition, sans diminuer leurs vertus ou qualités utiles.

On peut distinguer très naturellement ces correctifs en deux classes ; en correctifs d’activité, & en correctifs des qualités desagréables.

Les anciens employoient beaucoup les premiers ; ils n’ordonnoient jamais leurs émétiques, leurs purgatifs forts, & leurs narcotiques, sans les mêler avec des prétendus correctifs. C’étoit une certaine acrimonie, ou une qualité plus occulte encore, capable d’affoiblir l’estomac & les intestins, & d’y engendrer des vents, qu’ils redoutoient dans les purgatifs, & une qualité vénéneuse froide dans les narcotiques.

C’est dans la vûe de prévenir ces inconvéniens, qu’ils mêloient toûjours aux purgatifs différens aromatiques, comme le santal, le stœchas, la canelle, &c. & sur-tout les semences carminatives, comme l’anis, le fenouil, la coriandre, &c. & même quelques toniques plus actifs, le gingembre, la pyretre, &c. La nécessité de ces correctifs passoit même pour si incontestable parmi eux, que leurs purgatifs ordinaires avoient chacun un correctif approprié. C’est ainsi qu’ils ordonnoient le sené avec l’anis ou la coriandre, la rhubarbe avec le santal, l’agaric & le jalap avec le gingembre, &c. C’est sur cette opinion qu’est fondée la dispensation des compositions officinales purgatives qui nous viennent des anciens ; compositions qui contiennent toûjours une quantité considérable de différens aromates.

Ce sont presque les mêmes drogues, c’est-à-dire les aromatiques vifs, qu’ils ont employés dans les compositions opiatiques.

Cette classe de correctifs est absolument proscrite de la Pharmacie moderne : nous n’avons plus aujourd’hui la moindre confiance en leur efficacité ; nous ne connoissons d’autres ressources pour prévenir les